Mot geek de la semaine : L’épigénétique

Photo : Pascal Huot

Et si le stress laissait une trace dans notre code génétique ? Retour sur un domaine à la mode : l’hérédité comportementale.

Matthias Lintermans

Il est connu que certaines personnes exposées à un stress intense, comme un abus sexuel, ont tendance à développer des problèmes psychologiques et physiques dévastateurs. D’autres, par contre, adoptent une attitude zen résistante à toute épreuve. Même chez des jumeaux, des dépressions peuvent facilement se manifester chez l’un et être moins présentes chez l’autre. L’épigénétique pourrait nous aider à comprendre pourquoi.

Avant tout, redéfinissons ce qu’est l’épigénétique. Il s’agit du domaine qui étudie les changements apportés à l’ADN par notre expérience. Ces changements façonnent la manière dont les gènes vont se comporter sans modifier l’information qu’ils contiennent. La métaphore utilisée par Thomas Jenuwein, directeur de l’Institut Max Planck d’immunobiologie et d’épigénétique de Fribourg, est très parlante : le texte d’un livre (l’information contenue dans notre ADN) est identique à tous les exemplaires du même livre. Toutefois, ce texte sera perçu différemment par chaque lecteur et suscitera des émotions personnelles propres à chacun.

Ces mécanismes épigénétiques façonnent donc nos réponses à certains événements. Des études récentes suggèrent que les changements épigénétiques peuvent déterminer nos comportements à court terme (quelques heures ou semaines) et même ceux de la génération suivante.

Dans le laboratoire d’Eric J. Nestler, professeur à la Mount Sinai School of Medecine de New-York, des souris ont été stressées. Mises en présence de souris plus agressives, certaines ont commencé à adopter un comportement spécifique : elles évitaient les autres souris, s’intéressaient moins à des choses qui les excitaient (comme le sucre) ou devenaient moins audacieuses, ne se glissant plus par un conduit étroit pour atteindre une récompense. Mais sur la centaine de souris étudiée, un tiers se montraient seulement moins audacieuses. Ainsi, en observant les différences génétiques entre souris «résistantes» et souris «fragiles», Eric J. Nestler a pu relier ces différentes réponses comportementales à des altérations moléculaires spécifiques. Ces changements épigénétiques pouvaient rester pendant des jours ou, dans certains cas, pendant plusieurs semaines. Certaines souris de la génération suivante semblaient également présenter des symptômes liés au stress.

D’autres groupes scientifiques ont découvert des altérations épigénétiques qui se maintiennent à vie : des souriceaux moins choyés par leur mère sont plus susceptibles d’être vulnérables au stress pendant l’âge adulte. Ces changements épigénétiques semblent se produire en réponse à la moindre quantité d’attention reçue par leur mère. Changements similaires à ceux observés chez des personnes qui ont commis un suicide ou celles qui ont subi des traumatismes dans leur enfance.

La controverse est de savoir si ces changements épigénétiques se transmettent aux générations futures. Actuellement, aucune preuve causale n’existe pour relier les changements épigénétiques dans le sperme ou les ovules des sujets étudiés et les comportements qu’ils développent, qu’il s’agisse de souris ou d’humains.

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