Mutation génétique dévoilée à l’UL

La mort subite du nourrisson se caractérise par le décès soudain, non prévisible et inexpliqué d’un enfant de moins d’un an. Généralement, le décès survient pendant le sommeil du bébé. L’autopsie et l’étude du lieu du décès doivent clairement démontrer que d’autres facteurs ne sont pas en cause.

Mutations et arythmies cardiaques
Serait-il possible que des prédispositions génétiques soient à l’origine de la mort subite des nourrissons? Le syndrome du QT long expliquerait quelques cas. «Il y a certainement des prédispositions génétiques pour des maladies cardiaques comme le syndrome du QT long», explique Jean Labbé, professeur titulaire au Département de pédiatrie de l’Université Laval et président du Comité d’examen de décès d’enfants de la région de Québec. Comment explique-t-on le syndrome du QT long? Sur les électrocardiogrammes, on observe des ondes désignées par des lettres: P, Q, R, S et T. Dans le cœur, P correspond à la contraction de l’oreillette, Q, R et S, à la contraction du ventricule et T, à la dépolarisation du ventricule. Parfois la durée entre les ondes Q et T dépasse 450 millisecondes. On appelle cette anomalie le QT long. Les cardiologues considèrent cet état très risqué, puisqu’un bébé peut mourir subitement d’un syndrome du QT long congénital.

Il est possible que la mutation de certains gènes, en combinaison avec d’autres facteurs, puisse être à l’origine de la mort subite du nourrisson. Jusqu’à tout récemment, on ignorait s’il y avait une composante génétique ou non. Une équipe italienne a analysé plus de 3 000 cas de mort subite de nourrissons et a identifié des mutations sur des canaux ioniques causant des arythmies cardiaques et donc, la mort subite.

Mohamed Chahine, professeur au Département de médecine de l’Université Laval, a mis en évidence une nouvelle mutation dans le gène SCN5A codant pour des canaux à sodium. Cette mutation a été identifiée chez des nourrissons décédés du syndrome de mort subite. Les canaux à sodium et à potassium sont des protéines retrouvées en périphérie de la cellule et permettent les flux d’électrolytes, d’ions sodium et potassium. Ce sont ces flux qui établissent une stimulation électrique permettant au cœur de se contracter et de réaliser ses fonctions vitales.

Un problème électrique
Comme l’explique M. Chahine, «le syndrome du QT long n’est pas une maladie morpho-
logique, mais vraiment d’ori-gine électrique. On ne voit pas de malformations cardiaques, mais il y a un dysfonctionnement électrique. L’électrocardiogramme est un outil important pour déterminer ces problèmes cardiaques». L’autopsie ne permet donc pas de déterminer la cause de la mort, sauf si les gènes sont étudiés. C’est d’ailleurs ainsi que la nouvelle mutation S1333Y du gène SCN5A a été découverte. Les résultats de l’étude ont été publiés en février dernier dans le journal FebsLetters. «Nous avons montré que S1333Y est une nouvelle mutation qui cause un courant persistant qui peut augmenter la durée du potentiel d’action et provoquer l’allongement du QT», précise M. Chahine.

Diagnostic systématique à la naissance?
Le problème avec le syndrome de la mort subite du nourrisson, c’est qu’il n’y a pas de symptômes visibles. Pourtant, il
serait possible de prévenir des troubles cardiaques non visibles, tels que le syndrome du QT long, à l’aide de médicaments comme les bêta-bloquants. Pour ce faire, l’idéal serait de rechercher les mutations génétiques de tous les nouveau-nés afin d’éviter tout risque de mort subite. Malheureusement, cette procédure n’est pas réalisable, car elle est trop onéreuse et trop longue. «Il faudrait génotyper tous les bébés et déterminer si le canal ionique impliqué est à sodium ou à potassium pour traiter. Cependant, les génotypages ne se font qu’à la demande des cardiologues, s’il y a une histoire familiale.
L’enregistrement systématique d’un électrocardiogramme de nourrisson pourrait à lui seul sauver des vies, car c’est grâce à cela que l’on peut déterminer si un patient a un QT long ou non», explique M. Chahine.

Les autres facteurs
La mort subite du nourrisson est un problème imprévisible et brutal. La recherche biomédicale vise donc à sonder les
différents facteurs qui pourraient causer ces décès. Par exemple, Guillaume Sébire, professeur et chef du Service hospitalier et universitaire de neuropédiatrie de l’Université de Sherbrooke, travaille sur le lien entre le syndrome de la mort subite du nourrisson et l’inflammation. Richard Kinkead, professeur au Département de pédiatrie de l’université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neurobiologie respiratoire, développe actuellement, avec son équipe, un projet visant à mieux comprendre l’impact du stress gestationnel sur le développement et la fonction des circuits respiratoires.
«Ces travaux ont une certaine pertinence quant au syndrome de la mort subite du nourrisson, puisqu’une défaillance des circuits respiratoires au niveau du tronc cérébral est impliquée dans ce syndrome», explique-t-il.

Les données cliniques
actuelles montrent que le syndrome de mort subite surviendrait lorsqu’il se produit une association de trois éléments. C’est ce qu’on appelle l’hypothèse du triple risque. «Tout d’abord, s’il y a eu une exposition à la fumée de cigarette durant la grossesse, l’enfant peut être prédisposé. Ensuite, une période d’instabilité du contrôle homéostatique et l’exposition à des facteurs déclenchants, tels que des conditions inadéquates de couchage, peuvent engendrer la mort subite chez le nourrisson», explique Jean Labbé. Cependant, les causes du syndrome sont multiples et sont souvent incomprises. Il peut s’agir de suffocations accidentelles, d’anomalies du système nerveux central ou du rythme cardiaque.
 

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