Notre galaxie: une affaire de vision

La nuit, lorsque nous regardons le ciel, nous avons l’impression que celui-ci est éternel, que les étoiles qui y brillent resteront là pour toujours, suspendues dans le vide. Certaines des étoiles que nous pouvons contempler dans la voûte céleste sont en réalité distantes de plusieurs années-lumière, voire de centaines. De notre point de vue, nous voyons simplement la projection de chacune d’elles dans le ciel nocturne. Toutes ces idées de grandeur peuvent parfois nous donner le vertige. Cependant, il ne faut pas se laisser tromper par les limites de nos yeux.

L’œil humain ne peut percevoir qu’une portion très limitée du spectre de la lumière. Cette portion est ce que nous appelons le spectre visible de la lumière, qui couvre les longueurs d’onde de 400 à 700 nanomètres. Si nous pouvions élargir le spectre visible de l’œil humain jusqu’au domaine des ondes radios, par exemple, nous pourrions voir qu’en réalité, cet espace entre les étoiles est loin d’être vide et qu’il est en fait rempli de gaz et de poussière interstellaire, qui jouent un rôle fondamental dans l’évolution de la galaxie. Par exemple, l’hydrogène, l’atome le plus simple de l’univers, sous sa forme neutre, constitue à lui seul plus de 70% de la matière présente dans le milieu interstellaire. Il demeure totalement invisible à nos yeux.
Les astronomes se servent de radiotélescopes pour atteindre ces domaines de longueurs d’onde. Ces antennes, d’un diamètre de quelques mètres à 305 mètres, comme dans le cas de l’observatoire d’Arecibo à Puerto Rico, peuvent fournir des images du milieu interstellaire de manière analogue aux télescopes optiques utilisant des miroirs.

Mais pourquoi étudions-nous le milieu interstellaire? Notre galaxie, la Voie lactée, comme toutes les autres galaxies, peut être comparée à un gigantesque écosystème. Les étoiles, étant par analogie les organismes vivants de ce milieu, naissent, meurent et interagissent avec leur environnement dans des cycles de plusieurs millions, voire de milliards d’années. Elles forment durant leur vie des atomes de plus en plus lourds, qu’elles rejetteront ensuite dans leur milieu. Toutefois, la mort d’une étoile ne fait pas seulement qu’enrichir son environnement en métaux, elle contribue aussi à la dynamique du milieu. Les vents d’une étoile massive à la fin de sa vie peuvent atteindre des vitesses de 2 000 km/s et, lors de son explosion en supernova, la matière est éjectée avec une telle énergie qu’elle crée une onde de choc dans le milieu qui l’entoure. Le milieu inter-stellaire devient donc le cadre d’une intense activité, où toute cette énergie injectée et cette nouvelle matière interagissent pour former un laboratoire colossal de chimie et de physique. C’est dans ce laboratoire que la matière se regroupe d’abord en nuages et que les atomes se combinent ensuite pour former des molécules. Sous certaines conditions physiques, si la masse d’un nuage moléculaire est suffisamment grande, de nouvelles étoiles naîtront. Voilà qui complète le cycle de vie des étoiles!

Selon ce que nous pouvons apercevoir à l’échelle d’une vie humaine, les étoiles dans l’espace nous semblent bien sages, mais la galaxie est en réalité un véritable écosystème en constante évolution. Pour saisir toute sa complexité, nous avons besoin de plusieurs outils nous permettant de voir ce qui échappe à nos yeux. Les prochaines années s’annoncent d’ailleurs plutôt fertiles de ce côté en astronomie.

Au début du mois de mai prochain, l’Agence spatiale européenne lancera un nouveau satellite dans l’espace, qui sera justement destiné à mieux comprendre ces interactions entre les étoiles et le milieu interstellaire. Ce télescope, nommé Herschel, sera situé au point lagrangien L2 à 1,5 million de kilomètres de la Terre, ce qui lui permettra de s’affranchir des rayonnements infrarouges de celle-ci. Sur Terre, en 2012, sera terminée la construction d’un des plus grands projets astronomiques de l’histoire, le réseau d’antennes ALMA. Situé à 5 000 mètres d’altitude sur un plateau du Chili, cet observatoire sera constitué de plus de 80 antennes formant un réseau de plusieurs kilomètres de diamètre. Ce télescope nous permettra de mieux comprendre la physique des nuages moléculaires interstellaires de notre galaxie, ainsi que des galaxies externes, et le processus de formation des étoiles.
 

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