Les principes de l’architecture solaire gagnent du terrain en Europe, là où de nombreux bâtiments écoénergétiques sont conçus de cette façon.

Objectif consommation nulle

L’exploitation de l’énergie solaire par cellules photovoltaïques est bien connue, mais il est d’autant plus possible de réduire grandement la consommation d’énergie d’un bâtiment en utilisant «passivement» la lumière du soleil pour l’éclairage et le chauffage. C’est du moins ce qu’assurent les professeurs et ingénieurs qui présentaient jeudi dernier la conférence «Architecture à énergie zéro». Ainsi, seul le fait d’orienter de façon stratégique la surface vitrée d’un bâtiment permettrait en effet de réaliser des économies d’énergie de l’ordre de 30 à 40% selon la Société canadienne de l’hypothèque et du logement (SCHL).

En Europe, de nombreux bâtiments intègrent à leur structure une surface vitrée qui s’oriente le plus souvent vers le sud, dépendamment des besoins en chauffage. Avec l’aide du principe de ventilation naturelle, la majorité des pièces sont chauffées. De plus, les fenêtres ainsi disposées permettent une économie d’éclairage de l’ordre de 80%, souligne Mme Claude Demers, de l’École d’architecture et membre du Groupe de recherche en ambiance physique (GRAP). Les coûts supplémentaires associés à ces installations finissent donc par être compensés.

L’architecture solaire fait aussi appel au principe de la masse thermique pour garder le bâtiment chaud la nuit venue. Des matériaux comme les carreaux ou l’enduit de plâtre sont disposés de façon à absorber la chaleur du soleil, évitant la surchauffe durant le jour. Le soir, cette masse thermique libère son énergie pour assister le système de chauffage conventionnel.

«L’énergie solaire, si elle est bien exploitée, pourrait combler un besoin qui est souvent desservi par les énergies fossiles», avance André Potvin, professeur à l’École d’architecture. «Si c’est le cas, les énergies renouvelables comme l’hydroélectricité et l’énergie éolienne pourraient à elles seules suffire à la demande énergétique du Canada», explique celui qui est aussi membre du GRAP.

Vers une consommation nulle

«En Suède, certains bâtiments vont jusqu’à ne pas consommer du tout d’énergie», ajoute le professeur André Potvin. Cette cible appelée «net zéro» requiert le plus souvent l’exploitation de l’énergie solaire active. Elle exige souvent l’utilisation d’appareils électriques, soit parfois les panneaux photovoltaïques ou un système de ventilation qui chauffe l’air avec le soleil.

Il est toutefois préférable d’éviter l’utilisation de panneaux photovoltaïques étant donné que leur rendement énergétique trop faible par rapport au coût énergétique nécessitant leur fabrication. D’autant plus qu’avec la richesse du Québec en hydroélectricité, «ce serait ridicule» d’en faire un usage massif, souligne Claude Demers. Le net zéro risque aussi d’être difficile à atteindre au Canada étant donné la rudesse de nos hivers.

Éclairer les Canadiens

Les spécialistes qui étaient présents au Cercle croient néanmoins que la mentalité de la société canadienne doit changer en ce qui concerne le domaine écoénergétique. «Il faut développer une économie verte alors que les standards de construction ignorent complètement l’énergie solaire passive», croit Michel Tardif du Groupe de bâtiments et collectivités durables de Ressources naturelles Canada. André Potvin est aussi d’avis que la population a trop souvent en tête «un conditionnement superficiel du bâtiment» qui ne laisse jamais place aux gains énergétiques.

En faisant référence à l’engagement de la population suédoise, la professeure Claude Demers profite de l’occasion pour déplorer l’inaction du gouvernement canadien en terme d’efficacité énergétique. «En Suède, l’électricité est relativement bon marché et les gens construisent des habitations solaires. Ils ont seulement cette volonté de protéger l’environnement», affirme-t-elle. Elle cite en exemple l’Europe, qui prévoit transformer la majorité de ses bâtiments en net zéro.

Toutefois, le gouvernement canadien serait en phase d’agir, souligne Michel Tardif de Ressources naturelles Canada. D’ici 2025, le gouvernement prévoit mettre en œuvre les outils nécessaires pour permettre aux architectes de construire des bâtiments capables de mieux exploiter la lumière du soleil. D’ailleurs, construire un bâtiment doté de fenêtres qui exploitent mieux la lumière, ça ne coûte pas plus cher, ou presque.

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