Un bus, c’est plus qu’un moteur et de la carrosserie ; c’est aussi des interactions entre des chauffeurs, des gestionnaires et des usagers qui, parfois, ont des différences au plan fonctionnel.
Afin de mieux comprendre comment ces acteurs se perçoivent entre eux, le chercheur lavallois Normand Boucher en a interrogé quelques-uns. Les premiers résultats de cette étude, menée en étroite collaboration avec le Réseau de transport de la Capitale (RTC) et plusieurs autres universités québécoises, ont été présentés hier dans le cadre du 83e Congrès de l’Acfas, tenu cette semaine à Rimouski.
Si l’implication du professeur associé à l’École de service social de l’Université Laval dans cette recherche est certes professionnelle, elle en est également une personnelle. C’est que l’homme est lui-même un utilisateur régulier du RTC en plus d’être aux prises avec des incapacités fonctionnelles – il se déplace en fauteuil roulant électrique. « J’ai fait le choix conscient de me véhiculer par ce moyen et de ne pas avoir de voiture, raconte-t-il. Je suis donc gagnant de voir le service s’améliorer et gagner en accessibilité ainsi qu’en flexibilité ! »
Obstacles intangibles
Au Québec, les sociétés de transport en commun doivent étendre leur offre de service aux personnes à mobilité réduite depuis 2004, date de l’entrée en vigueur de la loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées. C’est néanmoins en 2011 que le RTC a commencé à rendre accessible ses parcours à haute fréquence aux personnes en fauteuil roulant. L’ensemble des lignes Métrobus le sont depuis novembre 2014.
Or, ce n’est pas parce que les autobus sont équipés de rampes d’accès et d’espaces réservés que les valeurs, perceptions et attitudes envers les personnes ayant des différences fonctionnelles ont changé. Au contraire : selon le chercheur lavallois, ces représentations sociales constituent aujourd’hui le principal obstacle à l’utilisation des transports en commun chez cette clientèle.
« Il y a parfois une incompréhension de part et d’autre. Par exemple, on ne comprend pas qu’une personne à mobilité réduite a besoin d’un certain temps d’embarquement ou que ce dernier peut être plus difficile, surtout en hiver », explique-t-il.
Constats
C’est donc dans l’optique de jeter la lumière sur ces non-dits que Normand Boucher a recruté au hasard 23 participants auprès des chauffeurs, des employés et des utilisateurs du RTC. Il les a ensuite questionnés sur la manière dont il voyait les usagers aux prises avec des différences fonctionnelles.
Premier constat : règle générale, la représentation de l’ensemble des acteurs envers ces usagers est positive. « C’est ce que j’ai pu moi-même constater comme utilisateur du RTC. Il y a une réelle sympathie à notre endroit et l’accueil face aux nouvelles de la société est somme toute favorable », dit-il.
Quelques aspects des témoignages recueillis l’ont cependant surpris. « Des chauffeurs nous ont confié ne pas bien savoir quel est leur rôle vis-à-vis cette clientèle, et ce malgré les formations reçues à cet effet. D’autres nous ont carrément affirmé se sentir déchirés entre leur devoir d’être toujours à l’heure et celui d’offrir un service courtois, humain et qui prend en compte la diversité des usagers », illustre le chercheur.
La suite ?
Normand Boucher est le premier à le dire : plus d’études seront nécessaires avant d’implanter ailleurs ce qui est, pour l’instant, un projet pilote. Un questionnaire en ligne destiné à ceux et celles qui utilisent les transports en commun, réguliers et adaptés, est justement en cours de conception.
D’ici là, le RTC pourra néanmoins recourir aux conclusions préliminaires du chercheur lavallois dans l’élaboration et la planification de ses futures interventions. « On veut réduire la congestion et favoriser l’utilisation des transports en commun, constate-t-il. Mais encore faut-il le faire dans le respect de l’ensemble des usagers. »