Le pyroséquençage consiste en une technique sophistiquée d’analyse moléculaire qui permet d’analyser jusqu’à 100 000 séquences d’ADN. On repousse donc une fois de plus les limites de la connaissance scientifique en ce sens que la technique permet d’atteindre une puissance statistique et une résolution inégalées par les autres méthodes, qui, notons-le, étaient limitées à l’analyse d’une centaine de séquences seulement.
C’est au cœur du golfe d’Amundsen, aux latitudes les plus septentrionales de l’Arctique, que le Dr André Comeau et ses collègues ont prélevé de l’eau avec l’objectif de comprendre la dynamique des communautés microbiennes de cette région. Les infrastructures du brise-glace de recherche scientifique Amundsen leur ont permis de mener leurs recherches entre 2003 et 2009 dans la perspective des changements climatiques.
Pour atteindre son mandat, l’équipe a eu recours à la technique du pyroséquençage pour l’analyse des échantillons. Cette méthode à la fine pointe de la technologie leur a permis de classifier méticuleusement des espèces variées, allant des bactéries aux organismes du phytoplancton. Une facette jusqu’ici inconnue de l’écosystème arctique a donc pu être dévoilée. En effet, les analyses taxonomiques traditionnelles ou par microscopie ne permettaient pas d’atteindre une échelle aussi petite, ni une fiabilité d’identification aussi accrue que ce que le permet le pyroséquençage.
Une percée révélatrice
Cette puissance d’observation accrue est nécessaire afin d’observer et d’interpréter la portion rare de la biosphère, c’est-à-dire tous les organismes dont on observe de faibles populations, mais dont le nombre d’espèces est considérable. Comme l’a souligné le Dr Comeau, il est important d’étudier ces organismes pour bien expliquer l’écosystème dans son ensemble et évaluer ses capacités à s’adapter face aux changements climatiques qui surviennent. En effet, la vie microscopique représente une part immense de la biomasse océanique: un seul millilitre d’eau contient une quantité phénoménale d’organismes. Leur rôle est fondamental dans l’écosystème, car ils sont à la base des réseaux alimentaires et en constituent le chaînon primaire. Leurs réponses aux variations du climat se répercutent donc sur les organismes supérieurs et préparent le terrain à des changements d’envergure.
Les chercheurs de l’Université Laval ont donc pu dresser un bilan de l’évolution temporelle des organismes microscopiques, qu’ils ont corrélé aux changements climatiques et replacé dans une perspective globale.
Le Dr André Comeau rappelle que dans le golfe d’Amundsen, une augmentation de la température accompagnée d’une perte de glace a été constatée. La salinité des eaux de surface est donc réduite et les rayons ultraviolets (UV) sont libres d’obstacle: ce qui favorise une forte un apport réduit de nutriments issus des profondeurs. D’autre part, on a observé que les crénarchées — des organismes impliqués dans le cycle des nitrates — sont négativement affectées par les UV dans la mesure où moins de nutriments sont disponibles pour les organismes du phytoplancton. Ce manque de nutriment provoque des changements dans la composition en espèces et pourrait aller jusqu’à réduire le transfert des poissons et des mammifères vers les niveaux trophiques supérieurs.
La mise en application du pyroséquençage promet donc d’ouvrir une nouvelle porte sur la compréhension de l’écosystème arctique dans un contexte de réchauffement climatique un axe de recherche en pleine évolution.