Photo: Julie-Anne Perreault

Culture canadienne, mais quelle culture canadienne ?

L’identité et la culture canadienne se sont toujours avérées des casse-têtes pour quiconque tentant de les définir. Toujours très fortes au Québec, mais grimpantes aujourd’hui en Alberta, les poussées autonomistes au sein des provinces et les divergences culturelles observables d’un océan à l’autre témoignent de l’absence d’unité nationale. Depuis 150 ans, plusieurs se sont et se posent encore la question : peut-il y avoir un Canada uni ?

 

Officiellement, le Canada pratique le « multiculturalisme », qui est enchâssé dans la loi du même nom. Le site du gouvernement indique que cela « permet à tous les citoyens de préserver leur identité, d’être fiers de leurs origines ». Le premier résultat d’une recherche Internet avec comme entrée « culture canadienne » renvoie à un article Wikipédia qui note que « la culture du Canada repose seulement sur son effort soutenu pour se différencier de son voisin du sud, les États-Unis. » L’article, d’aucune autorité en la matière, témoigne tout de même d’un vide sur le plan culturel au Canada.

 

Majorité autochtone dans les territoires et au nord des provinces, bilinguisme, forte proportion d’immigrants dans la population et une activité économique unique dans chaque région sont d’autant de facteurs qui expliquent la diversité culturelle canadienne. C’est aussi pourquoi Charles-Emmanuel Côté, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval pense qu’une fédération « [soit] la seule façon d’arriver à faire un État avec tous ces morceaux-là », car ce type d’État est le seul qui puisse fournir une réelle autonomie à ses constituants.

 

Ainsi, M. Côté se soucie peu du manque d’unité. « C’est inhérent à tout État fédéral qu’il y ait des poussées autonomistes ». Pour lui, une fédération devra toujours jongler avec la dynamique entre une force centralisatrice et des forces autonomistes pour se consolider en tant qu’État ratissant un si large territoire et accueillant autant de cultures différentes.

 

Une constitution comme trait d’union

 

Certes, mais les États-Unis, qui partagent sensiblement les mêmes caractéristiques que le Canada (type d’État, diversité culturelle et vaste territoire), n’éprouvent assurément pas le même problème de vide identitaire. Pourquoi ?

 

Plusieurs différences historiques en regard à la fondation des deux pays peuvent fournir une réponse à cette question. Mais M. Côté n’est pas historien et son champ d’expertise l’amène à porter une attention particulière à l’importance du texte fondateur emblématique de la nation américaine : la Constitution. Aux États-Unis, les signataires de ce texte quasi sacré sont mythifiés et glorifiés, et sa rédaction représente la naissance de la nation elle-même.

 

Au Canada, et particulièrement au Québec, le mot constitution réfère à un cauchemar. En la rapatriant en 1982, le pays a simplement apporté quelques modifications à un texte qui a établi une monarchie constitutionnelle avec un gouvernement autonome. Le chef d’État à ce jour est la reine d’Angleterre. Pour M. Côté, il s’agit d’un symbole qui peut difficilement favoriser le sentiment d’appartenance à une nation distincte.

 

Patience

 Côté prédit tout de même qu’« avec le temps, l’identité commune dans un état fédéral finit par se former ». Il souligne que les États-Unis ont près d’un siècle d’avance sur le Canada, et que l’unité prit beaucoup de temps avant de se former. La guerre de Sécession témoigne d’un épisode de forte désunion qui encore aujourd’hui s’avère un vecteur de tension au sein du pays.

Cependant, le professeur reconnait qu’avec la globalisation et la notion de citoyenneté mondiale qui caractérise le monde d’aujourd’hui, il se peut qu’on assiste à un dépassement de la logique traditionnelle d’identité nationale au Canada. Justin Trudeau, peu de temps après sa victoire électorale, a lui-même déclaré qu’il était devenu le premier ministre du « premier État postnational » et qu’il n’y avait « pas d’identité centrale dominante au Canada ».

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