Escortés par l’escouade anti-émeute du Service de police de la ville de Québec (SPVQ) en sommant à se battre les quelques dizaines de militant(e)s antiracistes, les membres des groupes identitaires Atalante, La Meute et Storm Alliance (SA) ont marché devant l’Assemblée nationale samedi dernier. La scène « surréaliste » d’un duel idéologique.
« Antifa, fils de pute », pouvait-on entendre en provenance du rempart donnant sur le parc de l’Esplanade. Les 400 personnes s’étant déplacées à Québec pour protester contre le Forum sur la diversité et le Projet de loi sur la neutralité religieuse du gouvernement Couillard arrivaient devant le Parlement.
Prônant encore hier le pacifisme, les manifestants arboraient des gilets pare-balles ainsi que des cagoules en prévision du rassemblement, et se tenaient derrière les cordons policiers en invitant leurs opposants à se battre.
« On n’est pas ici pour faire de la casse, on est des citoyens respectueux des lois et on vient s’exprimer librement, avait affirmé le porte-parole de La Meute, Sylvain Brouillette, avant le rassemblement. Si jamais on est attaqué, on va se défendre. »
Réaction directe
De l’autre côté, près d’une centaine de militant(e)s antiracistes s’étaient donné rendez-vous à 11h, une heure avant le début de la manifestation des groupes identitaires. La confrontation tant attendue n’a toutefois pas eu lieu, la police ayant dispersé les contre-manifestants avant l’arrivée de la manifestation principale. Avec la protection des services de police, les membres de Storm Alliance et de La Meute ont pu poursuivre leur marche malgré tout.
« Clairement, la police de Québec a décidé de livrer bataille pour et à la place de Storm Alliance et La Meute, leur permettant d’avoir accès au Parlement. Jamais une telle chose n’aurait été possible sans l’intervention du SPCQ étant donné la présence des antiracistes et les antifascistes sur les lieux », a dénoncé le comité organisateur du 25 novembre (CO25) par voie de communiqué.
Au final, on dénombre 44 arrestations, toutes survenues du côté des antiracistes, un « travail exemplaire » selon le responsable du soutien aux opérations pour le SPVQ, André Turcotte. Les deux groupes étaient déjà dispersés autour de 14h30, alors qu’on ne dénote pas de bris matériels ni de blessures majeures. « On est entièrement satisfait. L’objectif, c’était d’éviter tout confrontation », poursuit-il.
Le calme avant la tempête
Dans une ambiance festive mais ternie par le contexte et la température extérieure, les militant(e)s antiracistes s’étaient regroupé(e)s au parc de l’Esplanade afin de tenir tête aux discours identitaires. Entre les allocutions des différent(e)s intervenant(e)s, un repas chaud était servi, mais la tension était palpable à travers le groupe et faisait contraste avec l’élan de solidarité qui guidait jusque là le rassemblement.
« La Ville de Québec n’accepte pas que des groupes d’extrême-droite viennent marcher dans ses rues en pleine impunité. Ce n’est pas vrai que c’est une ville de racistes. On s’y oppose avec virulence », soutient le porte parole du CO25, Simon Pouliot.
À travers les rangs antiracistes, on pouvait apercevoir quelques dizaines de personnes masquées. « Il y a plusieurs bonnes raisons de se masquer, explique le porte-parole. Tout d’abord, il faut rappeler que c’est légal. Les groupes identitaires sont extrêmement violents. Il est arrivé plusieurs fois que des militant(e)s aient été identifié(e)s lors d’évènements, puis harcelé(e)s ensuite. Les gens veulent sécuriser leur vie privée et leurs proches. Il y a aussi des employeurs qui ne veulent pas que les employés manifestent. »
« Nous n’appelons pas à la violence, poursuit Pouliot. C’est surtout qu’on ne contrôle pas ce qui se passe une fois que les gens sont réunis. »
Le porte-parole déplore par ailleurs la mise en équivalence de la violence dans le discours public. « Le vandalisme est une forme de violence, mais ce qu’ils font, c’est beaucoup plus grave. On place une vitrine de commerce et des musulmans qui se font tuer dans leur lieu de culte sur un même pied d’égalité. »
La police disperse les militant(e)s antifascistes
Les tensions ont rapidement monté quand une information circulait à savoir que la police ne laisserait pas les antiracistes prendre la rue, et que la manifestation serait déclarée d’emblée illégale. C’est à partir de ce moment que la plupart des familles ont quitté, et que les militant(e)s se sont braqué(e)s afin de réclamer leur droit de manifester.
Ils et elles ont pris la rue en se dirigeant vers le coin Honoré-Mercier/René-Lévesque, pendant que la manifestation des groupes identitaires se déroulait devant le Palais des congrès, à quelques mètres à peine.
Une dizaine de minutes plus tard, alors que deux groupes étaient relativement constitués, les policiers du SPVQ ont sorti les masques à gaz et les boucliers afin de repousser les antiracistes jusqu’à la Grande-Allée, afin de permettre à Storm Alliance et à La Meute de se regrouper devant l’Assemblée nationale, sans écarts.
Le vrai visage identitaire ?
Pendant que le groupe principal de contre-manifestants se confrontait à la police, les quelques militant(e)s antiracistes qui étaient toujours sur le trottoir ont pu assister à une scène assez violente. Le bras levé, à l’allure fiers et victorieux, les membres de Storm Alliance et de La Meute ont lancé des invitations à se battre à quiconque croisant leur regard, derrière les boucliers anti-émeute.
Normalement, lors des interventions de contrôle de foule, les boucliers servent à protéger les policiers et le public contre la violence potentielle et réelle des manifestants. Or, cette fois, les boucliers étaient dirigés vers les antiracistes, et ce, même si les membres du service de sécurité de La Meute étaient équipés pour combattre, et qu’ils menaçaient ouvertement les personnes leur faisant face.
Pendant ce temps, des représentants du groupe Atalante se sont perchés sur le rempart faisant face au parlement, agitant des drapeaux, invitant les antiracistes à se battre tout en leur balançant des insultes. « Le Québec aux québécois », pouvait-on lire sur l’une de leurs bannières. Ceux-ci ont pu « s’exprimer » librement sous le regard des cinq policiers qui gardaient l’accès au rempart, qui n’ont pas cru bon d’intervenir.
Bilan de la manifestation
Un premier groupe de manifestants a été arrêté autour de 13h. Des armes blanches et des déguisements ont été saisis. Ces individus s’étaient fort probablement détachés de la contre-manifestation afin d’aller saboter le rassemblement de Storm Alliance et de La Meute.
Une fois les principaux belligérants dispersés, on a passé les menottes à un deuxième groupe, devant leur refus d’obtempérer.
« Peu importe les idées, ce qui est important, c’est de défendre ses idées, dans le respect des personnes et des lois. Lorsqu’ils commettent des gestes qui nécessitent d’intervenir, on intervient sans hésiter », a rappelé à ce sujet le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux.