La fragilité masculine est un phénomène extrêmement complexe qu’on pourrait toutefois résumer par le sentiment d’insécurité vécu par plusieurs hommes en se comparant à ce que la société définit comme étant un homme. Alors qu’en est-il des personnes transgenres et transexuelles, qui doivent « prouver » leur masculinité et affirmer leur identité sexuelle à travers le processus de transformation?
Matt Paris-Genest est en processus de changement pour devenir un homme. Il n’a pas commencé l’hormonothérapie, mais attend ce moment avec impatience. Il a changé son style vestimentaire, porte les cheveux courts et s’est muni d’un « chest binder » afin de cacher la forme de ses seins.
Ses pensées sont claires : il s’identifie comme un homme. Cependant, Matt se pose beaucoup de questions à savoir s’il sera assez considéré comme un homme par la société. Selon ses expériences et ses observations, Matt concède que certaines caractéristiques physiques sont principalement associées au genre masculins : « la mâchoire, la carrure des épaules, la barbe, la grosse voix et la démarche de gars. »
Pour lui, l’apparence physique occupe une importance dans la définition de ce qu’est réellement un homme, bien que la masculinité signifie aussi des caractéristiques psychologiques et des aptitudes propres. « Au-delà du physique, être manuel je pense que c’est important, c’est vraiment un signe de virilité. Je ne vois pas un gars qui ne connait pas les voitures par exemple », ajoute-t-il.
Comme il n’a pas encore commencé à prendre de la testostérone, son physique n’a pas vraiment changé. Cependant, il s’inquiète à savoir si ses changements seront assez voyants pour être perçus comme un homme par la société. Il analyse sa façon de parler et sa façon d’agir en se demandant constamment si cela risque de révéler son ancienne identité. « Ma démarche parfois, je me demande si c’est assez masculin. Est-ce que c’est trop féminin? Je suis quelqu’un qui gesticule beaucoup, mais est-ce que les gens vont penser que je suis gai ou que je suis efféminé? C’est un stress », explique-t-il.
Vers une définition plurielle
Zachary-David Dufour est pour sa part pratiquement à la fin de son processus et avoue que sa définition de l’homme a bien changé. Il y a 10 ans, pour vraiment se sentir comme un homme, il voulait lui aussi s’intéresser aux automobiles, il voulait travailler en construction et il désirait voir sa pilosité, sa voix et sa musculature changer. En passant d’un sexe à l’autre, il a pu remarquer plusieurs différences. « Pour avoir connu les deux [sexes], un homme ne parle pas autant et il ne réagira pas de la même façon qu’une femme. »
Il explique qu’il y a beaucoup de représentations standardisées du côté des deux sexes. Celles-ci sont entre autres exposées dans les magazines, les publicités et les émissions télévisées. Zachary-David donne l’exemple d’Occupation Double qui met en scène des célibataires qui ont pour la plupart la même allure, le même charisme.
En regardant l’émission, les hommes sont donc portés à se comparer à ces candidats et à essayer de leur ressembler pour être considérés comme ce qu’ils croient correspondre au genre masculin. Ces représentations évoluent avec le temps. Zachary-David reconnait que l’homme a beaucoup moins de pression sociale en comparaison avec les femmes, mais qu’il se fait rapidement critiquer lorsqu’il a une apparence différente de celles normalisées.
« Une fille qui porte les cheveux courts, aujourd’hui, on n’en fait pas de cas, mais un homme qui s’assume dans son genre et qui va avoir envie de porter une jupe va se faire pointer du doigt presqu’assurément. »
Au cours du processus de changement de sexe, cette perception de la masculinité change. Les personnes trans finissent généralement par accepter les transformations que subissent leur corps et leur comportement. Toutefois, la pression sociale demeure et continue d’insécuriser les hommes, peu importe leur orientation. À la fin de son cheminement, Zachary-David en a conclu que l’apparence est secondaire lorsqu’il est question de masculinité ou de virilité.
« Aujourd’hui, je me rends compte qu’être un homme, c’est se sentir bien, c’est une question d’estime et de comment l’on se sent en dedans. »