Derrière nous sont les beaux jours où sortir de l’université et décrocher un emploi dans un des grands journaux de la province était chose facile. De nos jours, le journaliste fraichement sorti des bancs d’école n’a pas cette facilité d’autrefois. Une des solutions, qui est de plus en plus convoitée par les journalistes, est celle de la pige.
En effet, à défaut de se lier contractuellement avec un média et ainsi devenir un salarié, le journaliste pigiste doit se débrouiller seul pour se trouver des contrats auprès de différents médias. Si, à première vue, l’emploi peut sembler être un risque en soi, l’expérience et les différents aspects entourant la profession peuvent faire pencher la balance.
Fonctionnement
Comme un travailleur autonome, le pigiste doit lui-même trouver du boulot. Pour Maxime Bilodeau, journaliste pigiste depuis plus de cinq ans, la recherche de contrat est un aspect primordial pour avoir du succès dans le métier : «Recherchiste est une profession en soi. Certains ne font que ça – on se les arrache ! Pour le journaliste indépendant, ce n’est qu’une des multiples cordes qu’il doit posséder à son arc… même si c’est une des plus importantes». Sans qu’on le sache, la majorité des grands médias du Québec, et à travers le monde, utilise ici et là des textes qui ne sont pas écrits par leurs journalistes, mais bien par des gens de l’extérieur, des pigistes par exemple.
Pour bien survivre dans le milieu de la pige journalistique, il faut dès le début faire ses preuves auprès des différents clients abordés. Maxime Bilodeau explique qu’un des meilleurs atouts du pigiste est sa capacité à mener plusieurs dossiers en même temps. En effet, il est dur d’imaginer réussir dans le métier avec un article semaine.
Dans le même ordre d’idée, la lecture exhaustive dans le but de découvrir de nouveaux sujets et proposer des synopsis. «Le journaliste indépendant est un lecteur boulimique, mais doté d’un regard différent sur ce qu’il lit, écoute et regarde […]», expliquent Pascal Lapointe et Christiane Dupont dans leur œuvre Les Nouveaux Journalistes.
Spécialisation
Comme tout emploi, celui de journaliste pigiste amène l’individu à se spécialiser dans une tâche ou une autre. Dans le cas du journaliste indépendant, cette spécialisation se remarque à travers les sujets abordés et traités. Le journaliste et écrivain Jean-Sébastien Marsan disait que «pour survivre dans un marché saturé, un journaliste indépendant doit cesser de faire du travail généraliste, superficiel et sans valeur ajoutée. Il doit se spécialiser et surtout, surtout, faire de la recherche. […] Elle permet de développer une expertise que les autres journalistes n’ont pas.»
C’est cette spécialisation qui permet de se faire un nom, et du coup décrocher de plus en plus de contrats. Quand vient le temps de penser à des journalistes spécialisés, les grands de ce monde nous viennent en tête, que ce soit le défunt Antoine Sfeir, spécialiste du monde arabe, ou encore François Durpaire, spécialiste des États-Unis. Plus proche de chez nous, la journaliste spécialiste de l’Arabie Saoudite Michèle Ouimet, par exemple. La spécialisation dans un domaine ou un autre est étroitement liée avec les intérêts de l’individu. Aimer un sujet et en être passionné favorise grandement l’écriture et rend le tout relativement plus facile.
Précarité de l’emploi
Francesca Borri, réputée journaliste italienne écrivait dans son livre Lettre d’une pigiste perdue dans l’enfer syrien, que derrière la liberté de l’emploi, se cache plusieurs choses que les gens ignorent : «Du reporter freelance, les gens gardent l’image romantique d’un journaliste qui a préféré la liberté de traiter les sujets qui lui plaisent à la certitude d’un salaire régulier. Mais nous ne sommes pas libres, bien au contraire». C’est cette insécurité entourant l’emploi de pigiste qui en effraie plusieurs. En effet, en plus de dépendre de contrats, les revenus entourant la vente de contenus auprès des différents médias sont en constantes baisses. Selon une étude de 2014 de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ), les revenus de journalistes pigistes ont chuté de près de 30% depuis 1981. De l’autre côté de la médaille, c’est- à-dire chez les journalistes salariés, 30% de ceux-ci en 2010, ont dû quittées les différents journaux et magazines québécois.
Dans sa lutte pour améliorer la qualité de vie des journalistes indépendants, l’AJIQ aborde le problème avec trois solutions distinctes : une négociation collective, la reconnaissance et protection des droits d’auteurs et la défense d’une information indépendante et diversifiée. La négociation collective, qui comprend notamment la possibilité pour les journalistes d’avoir accès à des mesures de protection sociale, est depuis longtemps la pierre angulaire du débat.
En ce qui concerne la reconnaissance et la protection des droits d’auteurs, l’AJIQ revendique les textes journalistiques comme étant des créations littéraires similaires aux droits d’auteurs. Les contrats imposés par les différents éditeurs des grands médias demandent la plupart du temps des cessions de droits extrêmes, qui ensuite sont réutilisés sur d’autres plateformes connexes, sans accorder au journaliste une part des profits supplémentaires.
Finalement, l’AJIQ se range derrière l’idée que le public a droit à une information de qualité et indépendante. En effet, la mentalité de l’Association des journalistes indépendants du Québec est qu’elle se bat contre les effets négatifs d’une concentration de la presse, et au contraire, supporte les innovations des domaines technologiques, économiques et éditoriales. C’est un mixte de pour et de contre, qui au bout de la ligne, font que les journalistes décident de partir à leur compte ou non.