On a toustes des semaines plus chargées que d’autres. Certaines sont tellement drainantes qu’on arrive à notre vendredi soir comme des p’tits chiffons, absolument incapables de concevoir que certain.e.s s’apprêtent à aller faire la fête. C’était mon cas, récemment.
Par Sabrina Boulanger, journaliste multimédia
Samedi soir – j’ai envie de sortir de chez moi et de mes lectures, mais je n’ai pas le désir de m’immerger dans une foule d’heureux.se.s en climat bruyant (AKA un bar). La nuit est fraîche, le ciel est clair. Des amies me font signe : l’indice Kp (indicateur des perturbations du champ magnétique terrestre) est à 6, les conditions météo s’y prêtent, elles ont envie de partir à la chasse aux aurores boréales. All in pour ce projet, je me mets à la préparation dernière minute du kit d’aventure, édition aurores. Mon sac se remplit de chaleurs diverses : polar, mérinos, coton ouaté, duvet, thé du Labrador, biscuits qui sortent du four.
Notre trio se met en voiture, direction nord. Petite halte un peu moins bohème, le McDo, et c’est reparti pour le parc des Laurentides. Nous parcourons de petites routes forestières, celles bordées d’arbres serrés qui semblent contenir derrière leurs branches un monde de mystères d’où pourrait surgir à tout moment un orignal (ou un tueur, ajoute mon amie). Enfin, c’est surtout la nuit combinée à nos imaginaires débridés qui les rend terrifiants. Notre trajet a été jonché de « hiiiiii si on descend cette côte est-ce qu’on va être capable de la remonter ? » et de « holala la route! Est-ce que la remorqueuse se rend ici ? Et le réseau ? ».
À l’approche de 22h, on parvient à l’endroit qui avait été spotté sur une carte : une zone dégagée près d’un plan d’eau. L’exploration des lieux à la lampe frontale confirme que c’est un endroit judicieux. On sort notre gear, on s’emmitoufle, et on ferme finalement nos lumières.
Nos yeux s’acclimatent doucement à la noirceur. Un ciel de paillettes se révèle à nous, un ciel qui a enfilé son écharpe lactée comme pour nous époustoufler, nous, les citadines de passage dans une nuit sans veilleuse. On n’a d’yeux que pour ce ciel scintillant, nous sommes insatiables de l’émerveillement instantané que procure le passage d’une étoile filante.
On a trouvé la Grande Ourse, qui nous a désigné l’étoile Polaire. Cassiopée était là à notre arrivée, mais on l’a perdue dans la foule ou dans les arbres. Et Jupiter, là-bas, je crois, mais ce sera à valider. Orion nous a rejointes plus tard, c’est un lève-tard à ce temps-ci de l’année. Ces constellations millénaires sont aujourd’hui côtoyées par tellement d’objets : avions et satellites sillonnent le ciel sans répit, c’est surprenant. Au moins, dans le ciel de la forêt, ils sont en infériorité numérique.
Ça fait deux heures qu’on est aux aguets, tous les yeux rivés sur le ciel. Le froid nous engourdit, malgré couvertes et sleeping bags. Toujours pas d’aurores boréales. En même temps, comment en vouloir au ciel de ne pas se colorer d’aurores quand on a eu le plaisir d’être étendues sous la voie lactée. On a même pu faire un refill de notre banque de voeux, avec toutes les étoiles filantes vues!
Capter des aurores boréales, c’est toujours une histoire de timing, combiné à un peu de chance, j’imagine. Ç’aura pas été cette fois-là pour nous, mais la saison est ouverte et ça fait du bien de se donner le temps de prendre un répit de la ville nocturne, de troquer de temps en temps un show de drags pour le spectacle de la nature. S’exalter du beau et des petites aventures impromptues, s’éloigner d’Internet et se rapprocher de ses ami.e.s, ça invoque un peu de paix. Perso, c’est comme ça que je m’évade de la fatigue scolaire. Allez, va dehors, la brise soufflera sur ton être poussiéreux de l’immobilité à être derriere un écran, et la lueur jaune des astres sera répit pour tes yeux trop habitués à la lumière bleue.
PS : les prédictions sont encore pomal favorables aux aurores boréales cette semaine