Depuis les débuts de l’histoire des établissements humains à Québec, le canot à glace a une place prépondérante dans les déplacements hivernaux de la population. Que ce soit pour transférer les malades entre la rive-sud et la rive-nord ou pour distribuer le courrier, ce mode de transport visait à pallier l’inexistence de pont entre les deux rives. Avec l’arrivée du bateau à vapeur, à l’aube du XXè siècle, le canot à glace a bien failli disparaître totalement de la culture des habitants de la Nouvelle-France. Pour éviter son oubli complet, des canotiers passionnés ont décidé d’organiser des courses entre eux, ce qui a permis la transformation du canot à glace en sport à part entière et le sauvetage d’une pratique unique au monde.
Depuis 1955, des courses régulières sont organisées en marge du Carnaval de Québec et une compétition, le Circuit international de canot à glace (CICG), se déroule sur plusieurs semaines, avec des épreuves à l’Isle-aux-coudres, à Portneuf et à Québec. Si le canot à glace est reconnu dans la région de la Capitale-Nationale, c’est grâce au site exceptionnel qu’offre le fleuve Saint-Laurent à cet emplacement. Selon Jean-Sébastien Porlier, le directeur des communications du CICG, «il n’y aucun autre endroit dans le monde qui a les dispositions naturelles pour organiser des courses comme celles-là». Pour que les conditions soient idéales, les formes glaciaires doivent être complexes et diversifiées. «Il faut un plan d’eau vivant. On a un fleuve assez étroit, la glace est en mouvement et son amoncellement façonne des formes irrégulières, au contraire d’un lac, où la glace est uniforme», décrit M. Porlier.
Le canot à glace reste cependant un sport confidentiel que seul quelques mordus pratiquent chaque hiver. Jérémie Gravel, membre de l’équipe Banque Nationale en catégorie sport, estime que le canot à glace est un sport nécessitant des contacts dans le milieu. «J’ai commencé à pratiquer le canot parce qu’un ami avait besoin d’un équipier. Je connaissais le canot de réputation, sans plus. J’en avais un peu l’image d’un sport fou, mais quand j’ai essayé la première fois, j’ai tout de suite eu la piqûre», raconte-t-il. Le canotier explique qu’étant donné le peu de pratiquants, les équipes «fabriquent leurs crampons, réparent leur canot et comme il n’y a pas de pièces manufacturées, les gens se confectionnent eux-mêmes leurs pièces d’équipements.» En fait, tout comme en course automobile, les équipes développent leur équipement et leurs méthodes personnelles. Aussi, la participation aux différentes courses nécessite un équipement spécifique qui coûte cher, ce qui oblige les équipes à être continuellement à la recherche de commanditaires. «On parle d’un minimum de 10 000 dollars par saison par équipe. Le problème c’est que les canots ne sont pas faits en grande masse», ajoute M. Porlier.
Une condition physique parfaite
En plus de moyens financiers importants, les participants doivent avoir une condition physique parfaite. En effet, le canot à glace est un sport très exigeant, dont l’effort est intense du début à la fin de chaque course. «Ce n’est pas tout le monde qui peut le faire, c’est un sport extrême. Il faut être en forme, c’est cardio-vasculaire et musculaire. Les gens sont des athlètes accomplis, de vraies machines», affirme M. Porlier. L’évolution sur les glaces du fleuve n’est pas non plus exempte de tous dangers et les risques de dérive et de blessures sont omniprésents. «Quand on regarde le fleuve, on a l’impression que ça ne bouge pas, mais il y a des courants assez forts, des hautes formes, il y a des risques d’hypothermie, les canotiers peuvent défoncer la glace. Depuis le début du CICG, il n’y a jamais eu d’accident grave, parce que les participants sont bien encadrés», allègue M. Porlier. Ce que confirme M. Gravel : «Ce n’est pas dangereux, tant que tu prends tes précautions, il faut être attentif. Et l’organisation [le CICG] fait en sorte que ce soit sécuritaire».
Avec la venue d’équipes européennes et le succès de foule que connaît la course du Carnaval, M. Porlier espère voir le canot à glace se développer encore plus dans les années à venir. «On peut souhaiter que ça grossisse. Il y a des villes qui sont intéressées à ajouter des courses au calendrier. L’année prochaine, on aurait cinq courses au lieu de quatre. On aimerait aussi que plus de gens viennent nous voir», conclut-t-il. Quant à M. Gravel, il juge la saison trop courte et pense que la rallonger serait bénéfique pour la promotion du sport. «C’est court tant qu’à moi, je préfèrerai qu’il y ait plus de courses. Il y quelques années, il y avait des courses à Toronto, Ottawa et Montréal. C’est sûr que ça fait du voyagement (sic), mais ça fait connaître le sport dans d’autres régions.»