Une histoire de pot

Après son glorieux passage dans l’Empire du milieu cet été, Michael Phelps est retombé sur le plancher des vaches la semaine dernière, dans le district de Columbia aux États-Unis. Victime d’un de ces trop nombreux fêtards incapables de vivre sans photographier chaque minute de son existence, Phelps s’est fait prendre en flagrant délit numérique, la bouche collée sur un appareil carburant à l’eau et servant à consommer de la marijuana. Le tabloïd anglais News of the world, qui a publié la photo, nous apprend que Phelps a fumé ladite drogue lors de cette soirée organisée par des étudiants de l’Université de Caroline du Sud.

Michael Phelps est donc un homme normal. Ça soulage. Non pas parce qu’il a fumé de la marijuana, mais parce qu’il se rabaisse à l’échelle de l’homme qui fait des erreurs. Ça détonne avec le demi-dieu Phelps, phénomène largement construit par les médias depuis le mois d’août.

Le nageur américain, qui a remporté huit médailles d’or en huit courses aux Jeux Olympiques de Pékin, réalisant au passage huit records du monde, n’en était pourtant pas à ses premières frasques du genre. Quelque temps après les Jeux d’Athènes en 2004, où il récolta pas moins de huit médailles dont six d’or, Phelps, alors âgé de 19 ans, s’était fait arrêter pour conduite en état d’ébriété. Condamné à 18 mois de probation, il avait dû payer une amende de 250$.

L’athlète le plus prolifique de l’histoire des Jeux Olympiques s’est vu infliger une suspension de trois mois par la Fédération américaine de natation. Aucune autre sanction ne devrait être imposée à son endroit, USA Swimming et le Comité international olympique (CIO) ayant accepté les excuses de l’athlète, ajoutant que cela ne constituait pas un cas de dopage. Il y a longtemps que le CIO n’avait pas émis un commentaire aussi intelligent, surtout après «l’à-plat-ventrisme» désolant dont il a fait preuve devant les autorités chinoises. Ces dernières avaient promis d’améliorer la situation des droits de l’homme sur son territoire lors de l’obtention des JO, ce qui ne fut pas du tout le cas. Essayez de battre un record du monde au 100 mètres papillon sous l’effet de la marijuana…

Aux États-Unis, des voix se sont élevées pour affirmer que Phelps faisait honte à son sport, à l’image que ses supporteurs avaient de lui. Comprenons-nous bien. Les athlètes à l’aura internationale sont plus souvent qu’autrement des êtres tournés sur eux-mêmes qui, en dehors de leurs performances, ne font que peu de cas de ce que le public pense à leur sujet. C’est normal, encore plus en ce qui concerne les sports individuels. Le sport est avant tout une relation intime entre le corps et l’esprit. Dans son parcours de vie, le sportif se bat d’abord contre lui-même. C’est son lot quotidien.

Phelps ne doit à son public, qui de toute façon ne s’intéresse à son sport que lors de la tenue des Championnats du monde ou des JO, que de performer, de faire un spectacle. Le reste lui appartient. Si Michael Phelps allait plus loin en matière de produits dopants, l’affaire serait toute autre, et des instances ont été mises en place à cet effet. On exige des athlètes des prestations extraordinaires qui dépassent les limites de la pression, que la très grande majorité des êtres humains ne pourrait supporter. D’une certaine façon, le sport spectacle incite plusieurs d’entre eux à tricher pour rester parmi les plus adulés. Phelps n’a pas triché, il a vécu, et lorsque l’on vit, on commet des erreurs. En fait, que le nageur originaire de Baltimore ait fumé de la marijuana ne constitue pas une mauvaise nouvelle pour son sport, c’est plutôt une bonne nouvelle pour ses adversaires.

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