Apprendre à se tenir debout

L’ancien porte-couleur des Alouettes de Montréal, Étienne Boulay, a offert, pour la toute première fois depuis sa sortie de thérapie, une conférence relatant son parcours de sportif professionnel. Visiblement nerveux et émotif, l’ex-joueur de football s’est mis à nu devant les quelques 150 personnes réunies, mercredi dernier, au Grand Salon du pavillon Alphonse-Desjardins.

L’ancien maraudeur a avoué d’entrée de jeu qu’il était nerveux de se présenter sur scène devant une salle bondée comme celle-ci, une première pour lui depuis sa rechute en janvier dernier. Toutefois, en marge de sa conférence Le parcours d’un gagnant, Boulay a confié qu’il était content de pouvoir franchir cette étape importante dans son rétablissement à l’Université Laval.

« J’avais hâte, ce campus-là, même si je n’ai pas joué ici, je le connais, dit-il. J’ai un sentiment d’appartenance particulier à cette école-ci. C’est la deuxième conférence que je donne ici et c’est toujours le fun. »

Le campus de Québec représente, en effet, beaucoup pour lui. Cela découle, en partie, de sa relation particulière avec l’entraîneur-chef du Rouge et Or, Glen Constantin, qui l’a dirigé en 2002 lorsqu’il faisait partie d’Équipe Canada.

« Ça m’a beaucoup mis en confiance. Quand tu arrives quelque part et tu sais que les gens ont hâte de te voir, c’est cool. Ça enlève un peu de pression. Tu te dis :  » Est-ce que je vais faire rire de moi? Est-ce qu’ils vont m’écouter?  » Aujourd’hui, j’étais convaincu que j’allais avoir une bonne écoute », raconte l’ex-footballeur.

Sortir publiquement

Le passé d’Étienne Boulay n’a pas été sans embûche. Malgré cela, l’athlète originaire de Montréal-Nord n’a jamais perdu de vue ses objectifs de vie. Des erreurs? Il en a fait plus d’une et il ne cherche pas à s’en cacher. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il considérait important de sortir publiquement lorsqu’il est retourné en thérapie, il y a trois mois de cela.

« Ce que je n’aime pas, c’est de voir certaines personnalités publiques qui font :  » Parlez de moi que quand ça va bien.  » Quand ça ne va pas bien, là, elles veulent leur vie privée. Attends une minute, ça vient avec la job. C’était important pour moi de le dire », explique-t-il.

Bien entendu, il craignait des dommages collatéraux d’une sortie publique. « Au début du mois de janvier, quand je me suis replanté, c’était le temps que je me reprenne en main. Mais, c’était difficile de le dire publiquement, j’avais peur. Tu as honte, c’est humiliant », soutient-il.

C’est par souci de transparence que l’ancien maraudeur des Alouettes a relaté les événements des derniers mois durant sa conférence. « Est-ce que j’étais nerveux? Oui, avoue-t-il. Mais, je me voyais mal faire un speech sans en parler. Ça serait menteur et mal honnête de ma part. Est-ce qu’il y a des histoires que je garde pour moi? Oui. Mais, je pense en parler le plus ouvertement possible. »

Ondes de choc

Le mercredi 11 janvier, c’est un véritable tsunami qui s’est abattu sur le monde du football canadien. L’ancien numéro 22 des Alouettes annonçait qu’il retournait pour une deuxième fois en thérapie pour régler ses problèmes d’alcoolisme et de dépression. Une décision qui n’a pas été sans répercussion dans son entourage.

« Tout ce processus-là a été très difficile pour notre couple et notre famille. Il y a eu énormément de frictions, de questionnements et de remises en question. On était à la croisée des chemins à un certain moment et on a décidé de s’accrocher. Ça serait mentir de dire que je suis rentré là et qu’il n’y a eu aucun problème. Du jour au lendemain, il fallait qu’elle [sa conjointe Maïka] se démerde », confie-t-il.

Ce qu’Étienne Boulay redoutait le plus s’est produit. La machine à rumeurs s’est enclenchée. À ce moment précis, tout ce que le footballeur à la retraite souhaitait, c’était de retourner à la maison et d’expliquer à son beau-fils ce qui se passait et pourquoi il était parti si vite.

« À l’école, il a entendu parler qu’Étienne avait essayé de s’enlever la vie, ce qui n’était pas vrai du tout. Il est revenu complètement à l’envers », conte-t-il.

Heureusement, l’appui et la résilience dont son entourage a fait preuve lui ont permis de passer au travers de cette épreuve ultime. Étienne n’a jamais douté de son choix, il est convaincu que c’était la meilleure qu’il pouvait prendre.

Après la tempête

Bien que cela ne fait que deux mois que Boulay est de retour chez lui, il est confiant que la tourmente est derrière lui. Il ne prétend pas que tous ses problèmes sont réglés à tout jamais, parce que la dépression nous guette toujours. Toutefois, il croit être outillé pour faire face à une potentielle rechute.

« Est-ce que je suis encore excessif? Mets-en. Mais là, j’ai des trucs. Dans mon horaire, des semaines à l’avance, je me book du temps libre, où je n’ai rien à faire. Par le passé, j’aurais tout booké. J’essaie de dire non et ça, pour moi, c’est très difficile. J’ai le droit d’être à la maison et de ne rien faire, parce que c’est correct. Je le dis et je ne suis pas encore convaincu à 100 %, mais je pratique », dit-il ouvertement.

Jouer à l’imposteur est chose du passé pour le papa de deux enfants en bas âge, qui en avait marre de se soucier de ce que les autres pensaient de lui. Dorénavant, ce qui importe pour lui, c’est son bien-être.

« J’essaie seulement d’être moi. Je me suis tellement cherché pendant longtemps, où je voulais être le tough guy. Là, je ne ferai pas semblant de ne pas être le gars sensible. J’ose espérer que je reste un peu tough, lance-t-il en riant. Je ne pense pas que tu peux être 100 % bien avec toi-même, si tu n’es pas toi-même avec tout le monde. »

Et pour la suite?

L’ex-footballeur indique que, depuis que son principal but de vie de devenir un sportif professionnel est chose du passé et qu’il est serein avec cette partie de sa vie, il chérit des objectifs plus personnels. Étienne Boulay souhaite inspirer son entourage. Son souhait le plus cher pour sa fille : qu’elle trouve le moyen d’être bien.

« Ça part en essayant de découvrir qui elle est. Je suis tombé en crise d’identité à 30 ans. Tu m’enlèves le foot, je ne suis plus le tough guy. C’est con, mais je ne savais pas qui j’étais. C’est d’essayer de trouver dans quoi elle s’épanouit. Ça ne veut pas dire d’être égoïste, mais de ne pas essayer de fitter pour les autres. »

Auteur / autrice

Consulter le magazine