Crédit photo : André-Olivier Lyra

Une fin de carrière émotive pour Alex Harvey

Près d’un mois après avoir annoncé sa retraite, Alex Harvey a connu une fin de carrière émotive devant ses partisans sur les Plaines d’Abraham. Cette fin de semaine, l’athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges s’est surpris lui-même en terminant à deux reprises au deuxième rang lors des finales de la Coupe du monde de ski de fond FIS. Après sa performance au 15 kilomètres, samedi, il a d’ailleurs éclaté en sanglots immédiatement après avoir traversé le fil d’arrivée.

« C’est la meilleure façon de mettre fin à sa carrière avec deux podiums à la maison », a reconnu Harvey, dont les amis scandaient « One more year » derrière lui pour l’inviter à poursuivre sa carrière.

« Au mois d’octobre, j’y rêvais, mais rendu au mois de février, début mars, je ne m’y attendais plus parce que ma saison a été trop difficile. Je m’accrochais à l’idée que je pouvais en faire un, mais c’était difficile d’y croire en milieu de saison ».

Dimanche, à sa dernière épreuve de la Coupe du monde, Alex Harvey aurait difficilement pu demander une meilleure conclusion. Parti 3e de la poursuite, à 53 secondes du champion du Globe de cristal Johannes Hoesflot Klaebo, le favori local a été le plus rapide de la journée, ce qui lui a permis de terminer au deuxième rang, moins de 3 secondes derrière le Norvégien.

Selon lui, l’épreuve de dimanche était moins émotive et stressante que les deux précédentes. « Je commençais avec une bonne avance sur les autres coureurs, donc je savais que j’avais une bonne chance de faire un autre podium ». Il était d’ailleurs fier d’avoir pu mettre à exécution sa stratégie, qui consistait à laisser le Russe Alexander Bolshunov faire le travail avant de le devancer dans les derniers mètres.

Le fondeur de Saint-Férréol-les-Neiges monte ainsi sur le podium à Québec pour une troisième édition de suite. Après une troisième place en 2016, il avait répété l’exploit l’année suivante, où il a conclu une saison de rêve sur les Plaines avec une médaille d’or et une d’argent. Il termine sa carrière avec deux championnats du monde chez les professionnels, dont un au célèbre 50 km de Falun, et un chez les moins de 23 ans, en plus de 32 podiums en Coupe du monde.

Des hommages de toutes parts

À la fin de la course, plusieurs personnes ont tenu à lui rendre hommage. Alex Harvey a d’ailleurs reçu la visite de nombreux compétiteurs qui sont venus le féliciter.

L’Italien Frederico Pellegrino était l’un d’eux. Celui qui a terminé au 6e rang de la poursuite dimanche a avoué qu’il gardera d’excellents souvenirs du Québécois.

« Ç’a été beau de courir avec lui. Il n’est pas seulement un bon athlète, mais aussi un bon homme. Avec lui, j’ai passé beaucoup de bons moments, a déclaré celui qui arborait lors de l’entrevue une casquette avec l’inscription “Merci Alex”. Nous avons en commun que nous ne sommes pas Norvégiens, nous sommes des étrangers du ski de fond et nous cherchons à donner un peu de spectacle et à faire grandir ce sport dans notre pays. Il l’a fait, puisqu’on le voit aujourd’hui ».

Le Français Maurice Manificat abondait dans le même sens, affirmant que la présence d’Harvey sur le circuit lui manquera. « Je suis admiratif. C’est impressionnant ce qu’il a fait. Il a un incroyable « finish » et une gestion de la course très tactique. C’est un grand athlète et j’espère le revoir. Il va sans aucun doute manquer au circuit. Il avait une façon de courir incroyable et il était surprenant. »

Une décision mûrie

À 30 ans, Alex Harvey a pris la décision d’arrêter la compétition au sommet de son art en raison de l’éloignement de sa famille. Une saison difficile lui a fait réaliser la solitude à laquelle il fait face. La saison se déroulant principalement en Europe, il est sur la route près de 5 mois par année, tandis que ses compétiteurs européens peuvent revenir à la maison toutes les deux semaines.

Depuis 2009, il avoue ne jamais avoir passé Noël chez lui, mais plutôt avec ses coéquipiers dans une chambre d’hôtel à Davos. « Ça sonne romantique comme ça Davos avec les montagnes, mais quand ça fait depuis 2009 que tu passes Noël là-dedans, la chambre d’hôtel commence à te tanner un peu », a-t-il lancé à la foule.

Au cours des dix dernières années, il pouvait compter sur le support de ses coéquipiers pour l’appuyer dans les moments les plus difficiles, mais ce n’était plus le cas. Son grand ami et coéquipier avec qui il a remporté un championnat du monde, Devon Kershaw, a d’ailleurs pris sa retraite à la suite des derniers Jeux olympiques.

Du groupe d’athlètes qui ont placé le Canada sur la carte du ski de fond au cours de la dernière décennie, il ne restait plus qu’Harvey et Len Valjas, qui lui aussi en était à une dernière compétition. Comme le Québécois, l’Ontarien ne regrettait pas du tout sa décision. « J’ai pensé me retirer l’année dernière après les Olympiques en pensant que ce serait spécial, mais je suis tellement content d’avoir continué une année de plus pour finir avec Alex à la maison. ».

Une page se tourne

Une grande ère se termine donc pour le ski de fond canadien. Les performances d’Harvey laisseront toutefois un fort impact sur son sport. Le plus grand fondeur québécois de l’histoire, son entraîneur, Louis Bouchard, et Len Valjas s’entendent pour dire que la relève est prometteuse, mais qu’il faudra attendre quelques années avant de voir des résultats. Plusieurs de ces athlètes ont d’ailleurs participé à une première coupe du monde cette fin de semaine, au grand plaisir de Valjas « C’est la première fois de ma vie que j’étais heureux d’avoir 9 Canadiens qui me suivaient ! »

Harvey profitera quant à lui des prochaines semaines pour prendre des vacances bien méritées. Il se mariera en juin à Charlevoix, avant de terminer son Baccalauréat en droit à l’Université Laval, plus de 10 ans après l’avoir commencé.

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