Photo : Danika Valade

Campagne de financement UL : 350 millions de questions

Il serait difficile de ne pas percevoir les arcs rouges et or tapissés d’un bout à l’autre du campus en vue de la phase publique de la 7e Grande campagne de financement de l’Université Laval. Alors que l’attention médiatique s’est d’abord tournée vers son visuel controversé, le dévoilement de la campagne elle même a fait couler peu d’encre. D’où proviennent les 350 millions de dollars espérés et où iront-ils ?

En date d’aujourd’hui, « près de 80 % de l’objectif total, soit 280 millions de dollars, a déjà été récolté au cours de la phase silencieuse de la campagne qui a débuté en mai 2011 », affirme une porte-parole de l’Université.

Dans un récent communiqué, on présente les grandes lignes de ce blitz : « perpétuer l’excellence, réaffirmer l’engagement pour le développement durable, miser sur des enjeux qui auront une véritable incidence sur le bien-être et le progrès de la société d’aujourd’hui et de demain ».

Destination des dons

Selon Andrée-Anne Stewart, responsable des relations médias de l’Université Laval, « les dons versés seront investis dans près de 900 fonds divisés en trois grands secteurs : 55 % en enseignement et recherche, 30 % en bourses aux étudiants et 15 % à la réalisation de projets d’infrastructures ». Ainsi, il ne s’agirait pas du financement d’un projet circonscrit, mais d’un support général et continu au fonctionnement de l’Université.

En enseignement et recherche, les fonds serviront à financer plusieurs chaires de recherche et d’innombrables bourses rattachées à des catégories d’étudiants et domaines d’études prédéterminés. Il reste toutefois difficile de dresser un portrait de l’effet qu’aura l’injection de ces importantes sommes dans l’économie générale du campus, étant donné la possible disparité des ressources entre les divers fonds.

En effet, puisque chaque donateur peut choisir la destination de sa contribution, il est possible que la répartition des sommes amassées soit au désavantage de certaines facultés moins nanties.

À ce titre, le comité exécutif de l’Association des Étudiant-e-s en Sciences Sociales (AÉSS) craint que « [la Faculté des sciences sociales] soit désavantagée par un tel système de financement, dans la mesure où les donateurs privés trouveraient moins d’intérêt économique à investir dans nos programmes que dans d’autres, considérés plus “rentables” ».

Le président sortant de la CADEUL, Thierry Bouchard-Vincent, tempère quelque peu. « Notre réponse à [ce système], c’est le Fonds des services de santé et d’éducation postsecondaire (FSSEP) ». Selon lui, le FSSEP est la façon de préserver l’autonomie complète de l’université, en même temps qu’elle poursuive sa mission. Il ne rejette pas pour autant le mode de financement actuel.

D’autre part, c’est envers les infrastructures qu’on dénote les apports les plus visibles de cette campagne au paysage lavallois. Elle a déjà servi à financer le réaménagement du parc immobilier, le nouveau Carré des affaires FSA ULaval-Banque Nationale, l’inauguration de l’Espace sportif Desjardins-Université Laval et le Centre Apprentiss en sciences de la santé, tous des projets de grande envergure.

Virage philanthrope

Selon une entrevue accordée par le recteur Denis Brière cet automne au magazine Contact, il n’existerait aucun lien entre cette campagne de financement et les compressions budgétaires subies ces dernières années. Dans le même entretien, il plaide que le « contexte économique difficile » et les grands besoins financiers de l’Université Laval justifient cette campagne.

Si ces affirmations semblent a priori opposées, c’est qu’elles reflètent surtout le désir d’un virage vers une culture philanthropique à l’anglo-saxonne. Yves Bourget, président directeur-général de la Fondation de l’Université Laval, cite les modèles mis de l’avant par les universités Harvard et McGill comme des exemples à suivre.

Le site web officiel de la campagne affirme que « le financement privé rime avec développement et constitue une avenue complémentaire au financement public ».

Au final, l’Université compte assurer la pérennité de sa mission éducative en tentant de développer l’appartenance des diplômés à leur alma mater. Faute d’un financement public plus étendu, ce sont les 280 000 anciens étudiants qui seront appelés à donner pour soutenir les activités de l’institution. Au moment actuel, seulement 10 000 d’entre eux figurent parmi les donateurs, d’après Denis Brière.

Propulsée par le milieu des affaires

Les gros noms à la tête de la campagne de cette année sont ceux de Charles Brindamour d’Intact Assurances, Sophie Brochu de Gaz Métro, Michel Dallaire de Cominar, André Desmarais de Power Corporation et Andrew Molson de RES PUBLICA. S’ajoutent à eux une poignée d’autres hauts dirigeants de firmes qui œuvrent dans le domaine du droit, des banques et des assurances, ainsi que quelques personnalités politiques.

D’après les chiffres obtenus par Impact Campus, la contribution corporative correspond à 66% des sommes récoltées annuellement. En comparaison, 16 % proviennent des diplômés, 13 % des amis de l’Université et 5 % des étudiants.

D’ailleurs, on constate que les noms et logos d’entreprises partenaires se rattachent couramment aux fonds concédés. La Banque Nationale a baptisé le carrefour qu’elle finance à la Faculté des sciences de l’administration tandis que de nombreuses chaires de recherche portent déjà les blasons de RBC, Investors, Goldcorp, Bell Média et Ernst & Young, à titre d’exemples.

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