4 questions pour comprendre la réforme de l’orthographe

Reléguée aux oubliettes depuis décembre 1990 en France, la réforme de l’orthographe refait aujourd’hui surface. Devant le brouhaha engendré par ce retour en force, Impact Campus a discuté avec deux étudiants et une nouvelle enseignante de cette réforme qui en fait sourciller plus d’un.

Quel parallèle à faire entre ce qui se passe en France et ce qui se passe au Québec?

Le ministère de l’Éducation nationale français a fait jaser dernièrement en annonçant l’application dès l’an prochain de la nouvelle orthographe dans ses écoles. Aussitôt, la secrétaire perpétuel de l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse, a tonné son désaccord dans un entretien avec Le Figaro, arguant que « c‘est la connaissance même des structures de la langue et des règles élémentaires de la grammaire qui fait complètement défaut à un nombre croissant d’élèves. »

«Au Québec, c’est particulier parce que la nouvelle orthographe s’impose petit à petit, mais beaucoup plus lentement, alors qu’on accepte encore l’ancienne. C’est un processus normal de l’évolution d’une langue. Une langue ça évolue, ça ne se réforme pas », explique Rémi Bouguet, étudiant au baccalauréat en enseignement secondaire.

Reléguée aux oubliettes pendant plus de 25 ans en France, la nouvelle orthographe fait tranquillement son chemin au Québec. Rémi soutient que les deux orthographes sont acceptées, bien qu’il reconnaisse que l’ancienne occupe toujours une place prépondérante.

Est-ce que la nouvelle orthographe permettra un taux de réussite plus élevé au Test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE), qui est nécessaire pour enseigner?

« Est-ce que changer l’orthographe va améliorer les résultats? Non. Je pense que ce sont certaines parties du TECFÉE qui sont ratées et qui ne sont pas nécessairement reliées à l’orthographe. C’est plus sur le plan de la grammaire », répond une nouvelle enseignante au primaire rejointe par Impact Campus.   

Un point de vue que partage Rémi. La nouvelle orthographe ne peut pas augmenter les taux de réussite « parce [qu’elle] n’est pas forcément plus simple. La plupart des questions dans le TECFÉE [ne concernent pas] des mots qui ont changé. Justement parce qu’ils savent que les deux orthographes sont acceptées. »

Marie-Andrée Bélisle, qui poursuit ses études au baccalauréat en éducation préscolaire et primaire, remet en question la possibilité pour les futurs enseignants de refaire le test plusieurs fois. « Ce qui me pose problème, ce sont les étudiants qui refont le TECFÉE 5 ou 6 fois (déjà 3 fois je considère que c’est beaucoup…) afin d’avoir leur certification en langue française pour enseigner. Ce n’est pas normal, selon moi, en tant que futurs enseignants, d’avoir d’aussi grandes lacunes en français ».

Est-ce que la réforme est nécessaire pour améliorer la qualité du français chez les jeunes?

Pourquoi la réforme? « On nous a expliqué [à l’université] la raison d’être de la réforme. Est-ce que maintenant ça va améliorer les résultats chez les élèves? Gros point d’interrogation. J’en doute un peu », laisse tomber la nouvelle enseignante et diplômée de l’Université Laval.

Il doit y avoir un souci de cohérence, ajoute quant à lui Rémi. « Même si la nouvelle orthographe est tolérée, il faut qu’il y ait un souci de cohérence. On ne peut pas écrire un mot avec la nouvelle orthographe si plus loin dans le texte on en écrit un autre avec l’ancienne orthographe. […] C’est un souci de cohérence assez compliqué à appliquer : on parle de 2400 mots. »

Quoi qu’il en soit, l’étudiant en enseignement secondaire est catégorique : la réforme n’améliorera pas la qualité du français des jeunes. « Pour avoir corrigé des étudiants du primaire, du secondaire et d’université, les fautes ne sont pas là. Quand je regarde la liste des mots qui vont changer, [les fautes] ne sont pas là. Il y a beaucoup de fautes d’orthographe qui sont en fait des fautes de grammaire », témoigne-t-il.

La réforme : un nivellement par le bas ou une aide à la réussite?

« Je ne sais pas trop. Il y a quand même des bons coups dans cette réforme. On simplifie [par exemple] certaines règles par rapport aux traits d’union, au pluriel de certains mots composés. Ce sont effectivement des choses sur lesquelles on trébuche souvent », défend Rémi Bouguet.

L’enseignante au primaire nuance quelque peu. « Si cette réforme-là est pour aider l’élève dans son orthographe, je ne vois absolument pas en quoi ça facilite la chose. » Selon elle, il s’agit plutôt de rectifier certaines anomalies propres à la langue française.

« En soi, ce n’est pas un nivellement par le bas, mais ça entre dans un contexte où on a l’impression qu’on tire l’enseignement vers le bas », conclut Rémi.  

Coup d’oeil sur la nouvelle orthographe
Les numéros composés sont systématiquement reliés par des traits d’union.

Ex. vingt et un / vingt-et-un

un million cent / un-million-cent

Accent grave plutôt qu’accent aigu dans un certain nombre de mots  

Ex. événement / évènement

réglementaire / règlementaire

L’accent circonflexe disparaît sur les i et les u. Il reste toutefois dans les terminaisons verbiales du subjonctif, du passé simple, et dans des cas d’ambiguités.

Ex. coût  / cout

entraîner, nous entraînons / entrainer, nous entrainons

jeune (jeunesse) et jeûne (ne pas manger)

sûr (être certain de quelque chose) et sur (être au-dessus)

La soudure s’impose dans un certain nombre de mots

Ex. contre-appel, entre-temps / contreappel, entretemps

week-end / weekend

Des ambiguïtés sont abolies

Ex. nénuphar / nénufar

oignon / ognon

asseoir / assoir

punch (boisson) / ponch

Source : http://www.orthographe-recommandee.info/enseignement/regles.pdf
Consulter le magazine