Le Collectif de minuit

« Finis ton assiette, il y a des enfants qui crèvent de faim dans le monde ». À huit ans, tu culpabilises et puis tu termines ton assiette. Un peu plus tard, tu réalises que tes efforts olympiens de l’époque à terminer tes patates n’ont aucune incidence concrète sur la famine dans le monde.

L’argument était peut-être mauvais, mais l’intention était là. Il faut rendre à César ce qui lui appartient, nos mères avaient raison ; il ne faut pas gaspiller la nourriture. Je fais peut-être exception à la règle, mais j’en ai toujours trop au restaurant. Ah tiens ! Qu’est-ce que c’est que cela dans mon assiette ? Des boules de courges ? Vous êtes-vous déjà demandé ce que les épiceries font avec les courges à peine entamées, une fois qu’on ne peut plus faire de boules avec ? Non. Bien sûr que non. Ils les jettent, tout simplement… C’est ce qu’on m’a expliqué jeudi dernier quand j’ai demandé d’où provenaient ces courges apparemment croisées avec des fromages suisses.

Le Collectif de Minuit existe depuis 2002 et il offre une alternative au géant Sodexo que vous connaissez peut-être, si vous êtes de ceux qui sont déjà partis sans votre lunch. Cette session, le groupe vous offre des repas végétaliens tous les mardis et jeudis dans le pavillon De Koninck, juste en face de la cafétéria. Comme l’expliquent les membres du groupe, c’est tout d’abord une alternative économique. En échange d’un repas, on demande une contribution volontaire. Résultat, si vous décidez de donner beaucoup, vous payez votre repas et sûrement celui de quelqu’un d’autre que vous. Comme le collectif ne vit qu’avec les dons, il se déleste ainsi de l’influence politique. Manger végétalien est aussi plus écologique. Vous pourrez manger des aliments frais et locaux qui ont été cuisinés le matin même. D’où viennent ces aliments ? D’une part, ils viennent de contributions volontaires. D’autre part, le Collectif de Minuit s’approvisionne grâce à certaines épiceries qui laissent traîner des quantités incroyables de nourriture encore fraîche. Certains habitués du Collectif les récupèrent le soir même. Le tout est bien sûr examiné et nettoyé au vinaigre.

Je suis arrivé à 8 h et je n’étais pas le premier. Déjà, certains s’affairaient à couper des légumes, d’autres à faire des muffins, le tout dans le sous-sol d’une coop d’habitation. Nous avons cuisiné de 8h à 11h. Vers 10h, une chorale est venue pratiquer à quelques mètres de nous. Nous nous occupions des percussions avec les râpes et les couteaux de cuisine. Au menu cette semaine ? Une salade de carottes et une soupe végétalienne dans un chaudron qui aurait fait pâlir n’importe quel plongeur. Si vous étiez des nôtres cette semaine, vous avez également pu goûter aux muffins et aux brownies.

Voulant participer à la distribution de la nourriture, j’ai parcouru le chemin entre les cuisines du Collectif et l’Université Laval en vélo. Le plus naturellement du monde, nous avons passé à sens inverse dans une foule de sens uniques. Bien sûr, nous étions en vélo et nous avons fait nos arrêts. C’est exactement ça le Collectif de Minuit. Ce sont des gens qui prennent des chemins que tous connaissent, mais que trop peu empruntent.

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