Le Canada en quête d’un siège au Conseil de sécurité

À moins de deux ans d’un vote pour un siège non-permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, le Canada est en campagne pour récolter des appuis et ainsi s’assurer d’un siège à la table diplomatique.

À la fin septembre, le premier ministre canadien était de passage au siège des Nations unies, à New York, avec l’objectif de poursuivre sa campagne de séduction en vue d’obtenir un siège au Conseil de sécurité.

L’élection aura lieu à l’automne 2020 et les deux pays élus représenteront le Western European and Others Group au Conseil de sécurité pour un mandat de deux ans, soit pour l’année 2021 et 2022. Le Canada s’opposera à deux pays de l’Union européenne, la Norvège et l’Irlande.

L’expert en relations internationales et politique étrangère du Canada, Jonathan Paquin, estime que la partie est loin d’être gagnée pour le Canada.

Les deux compétiteurs du Canada, l’Irlande et la Norvège, ont une excellente réputation à l’ONU, soutient l’expert de l’Université Laval. Par exemple, la Norvège investit environ 1 % de son PIB dans l’aide au développement. «1 % c’est beaucoup. Il y a très peu d’États sur terre qui investissent autant», illustre le professeur titulaire. En comparaison, le Canada atteint un seuil de 0,26 % de son PIB.

De plus, l’Irlande «se démarque, pour sa part, dans son investissement dans les missions de maintien de la paix», explique Jonathan Paquin en ajoutant qu’à lui seul, ce pays d’Europe de l’Ouest a présentement 600 Casques bleus dans les missions de l’ONU.

Le fait que ces deux pays soient des États membres de l’Union européenne est aussi un grand avantage pour eux, considérant qu’ils peuvent compter sur de fidèles alliés lors du vote final. «Le Canada est en quelque sorte isolé. Il n’appartient ni à l’Union européenne ni à un autre groupe d’États», souligne M. Paquin.

«La course est entre l’Irlande et le Canada», croit, de son côté, l’ancien ambassadeur du Canada à Budapest de 2007 à 2010, Pierre Guimond. Il soulève que plusieurs médias confirment qu’un siège serait déjà acquis pour la Norvège.

Composition actuelle du Conseil de sécurité de l’ONU

La situation en 2010

La dernière fois que le Canada a posé sa candidature, c’était en 2010, sous le gouvernement de Stephen Harper. À cette époque, les Canadiens devaient à nouveau rivaliser avec deux pays de l’UE, l’Allemagne et le Portugal. Sachant que la défaite était inévitable, le Canada a décidé de concéder la victoire à ses deux alliés.

«On a constaté en 2010 que ce n’est pas parce que les pays disent qu’ils vont voter pour nous qu’ils vont le faire. Pour certains pays, c’est beaucoup plus facile de dire oui à tout le monde», témoigne le diplomate en résidence aux Hautes études internationales à l’Université Laval, M. Guimond.

Jonathan Paquin estime que la situation actuelle est différente. En 2010, les politiques d’Harper étaient impopulaires. Son appui indéfectible à l’État d’Israël et son désengagement dans l’aide humanitaire sur le continent africain ont considérablement nui aux appuis canadiens, avance l’expert en la matière.

Cette fois-ci, c’est différent, on a Justin Trudeau, explique-t-il : «Il a une grande popularité. Il est connu et reconnu un peu partout sur terre.» Par contre, l’expert estime que les changements majeurs dans les politiques se font toujours attendre sous l’administration Trudeau.

De réels changements dans les politiques étrangères canadiennes ?

Questionnés sur les différences notables entre le gouvernement Trudeau et l’ère Harper dans les politiques étrangères du Canada, les deux experts contactés estiment qu’elles ne sont pas majeures.

«Il n’y a pas tant de choses que ça qui ont changé», souligne Jonathan Paquin.

Le discours, il a nettement changé sous Trudeau, confirment-ils. Le premier ministre aborde des sujets qui diffèrent du gouvernement Harper tel que l’environnement, les missions de maintien de la paix ainsi que le multiculturalisme.

Par contre, dans les faits, «il n’y a pas tant de choses que ça qui ont changé», souligne Jonathan Paquin en expliquant que les montants alloués dans les programmes d’aide au développement sont quasi les mêmes, c’est toutefois les priorités qui ont changées. «Trudeau met plus l’accent sur les programmes qui favorisent la lutte aux changements climatiques, mais il n’y a pas vraiment de nouvel argent», mentionne-t-il. Le professeur ajoute qu’il est important de souligner la présence de 250 Casques bleus canadiens au Mali. Une présence plus importante que sous le régime conservateur où il n’y en avait pratiquement aucun, mais qui demeure nettement en dessous du déploiement irlandais.

De par son expérience, Pierre Guimond estime que la campagne pour le siège au Conseil de sécurité commence maintenant. Avec la conclusion du nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada, un siège autour de la table diplomatique devient une priorité pour le gouvernement. «C’est le plus gros dossier maintenant», mentionne l’ancien ambassadeur du Canada.

Avantages pour le Canada

M. Guimond rappelle qu’«être présent au Conseil de sécurité des Nations unies ça donne accès à la plus grosse machine multilatérale sur la scène internationale.» Le diplomate de carrière explique qu’à la suite du G7 à La Malbaie, le groupe des sept fait face à une remise en question, ce qui serait ultimement néfaste pour la politique étrangère d’Ottawa. «Je pense que ç’a été un petit choc après La Malbaie. Le mégaphone du Canada, c’est le G7.»

Lorsqu’il est question des avantages pour les différents pays d’avoir un siège au Conseil de sécurité, les gouvernements argumentent en valorisant l’importance d’avoir une voix autour de la plus importante table diplomatique sur Terre et qu’il «vaut mieux être là, que ne pas être là», relate le professeur de science politique, Jonathan Paquin.

«Le Canada n’a pas la force économique, politique et diplomatique pour être capable de mener des actions de manière unilatérale», conclut-il au sujet des avantages pour un pays comme le Canada d’obtenir un siège non-permanent.

Consulter le magazine