The Weather Station - Gabriel Tremblay

Festival d’été de Québec : une deuxième semaine

Du 11 au 14 juillet, c’était la deuxième semaine du Festival d’été de Québec (FEQ). Mouillée parfois, enflammée souvent, la deuxième semaine est souvent la plus dure sur le corps (soirées rap et électro), la fatigue s’accumule, mais les plus dévoué.e.s festivalier.ère.s sont toujours au rendez-vous.

Par Gabriel Tremblay, directeur général et Emmy Lapointe, rédactrice en chef

 

12 juillet – Hydro-Québec – Lido Pimienta

19:20 – Le ciel orageux s’éclaircit par magie, question qu’on puisse se flanquer devant notre scène chouchou. La chanteuse afro-colombienne Lido Pimienta est la deuxième à s’élancer alors qu’un peu plus tôt, l’espagnole Maria José Llergo n’a pas eu la même chance météorologique. Sur les planches, Lido est sobrement accompagnée de son partenaire Brandon Valdivia aux percussions. Arborant une gigantesque robe bouffante, la gagnante du Prix Polaris en 2017 multiplie les déhanchements et expressions faciales tout en chantant/criant comme s’il n’y avait pas de lendemain.

Lido Pimienta – Gabriel Tremblay

Malgré le manque flagrant de musicien.n.e.s pour l’entourer, Pimienta comble ce vide grâce à des interventions dignes d’une politicienne ou  humoriste aguerrie. 

Outre le fait que sa pop-cumbia-électro-et-une-tonne-d’autres-influences résonne beaucoup moins sans instrumentations et qu’elle chante sur une trame en «playback», nous devons tout de même souligner le charisme déconcertant de ce joyau de Barranquilla, maintenant basé à Toronto.

12 juillet – Hydro-Québec – Tiken Jah Fakoly

(Interlude nostalgique où on réalise que cette soirée-là rappelle drôlement la bonne vieille scène du carré d’Youville. Mais bon, à quelques mètres de distance, ça ne change pas grand chose.) 

On restera, l’instant de quelques morceaux, flanqué au beau milieu d’une marée de festivalier.ère.s extatique devant un monument du reggae, Tiken Jah Fakoly. Ce n’est pas nouveau, Québec est amoureuse de l’ivoirien, chaque visite est un «happening». Ce rendez-vous ne fait pas exception à la règle, loin de là. Au final, une douzaine de musicien.n.e.s soulèvent la voix de Fakoly et ses succès comme Plus rien ne m’étonne

Tiken Jah Fakoly – Gabriel Tremblay

Ils ont partagé le monde, plus rien ne m’étonne

Ils ont partagé Africa sans nous consulter,

Ils s’étonnent que nous soyons désunis !

À travers la section de cuivres, choristes, guitaristes et j’en passe, Fakoly porte un message d’espoir au continent africain et c’est beau à voir et entendre tout ça, qu’on soit fan de reggae ou non !

 

 

 

12 juillet – Loto-Québec – Charlie XCX
La pluie vient de terminer, les sites ont rouvert il y a un peu plus d’une heure. Mon premier arrêt de la soirée est à la scène Loto-Québec pour le show de Charlie XCX. La foule est jeune, genre très jeune. On dirait que c’est le premier festival de plusieurs ou le premier sans les parents. La foule est donc drôlement placée.

Charlie XCX apparaît dans un nuage de fumée blanche, contraste de rouge et de vert, deux danseurs à ses côtés, des éclairs sur l’écran. On entend en background les premières notes de Lightning. À même la piste sonore, on entend les back vocal préenregistrées comme nous les entendrons pour les prochains morceaux, et je pense que ça me gosse plus que je le pensais.

Il faut reconnaître que la foule est emballée, que Charlie XCX (qui ressemble à une héroïne de Marvel en moins cheap) semble être une icône pour plusieurs. Néanmoins, outre quelques morceaux beaucoup plus vieux, la plupart des quelques chansons qu’on entend avant de partir se ressemblent. Beaucoup trop de basse, de l’auto-tune, mais pas assez pour que ce soit assumé et surtout cette impression que Charlie XCX veut défendre tous les sous-genre du pop, sans plonger véritablement dans aucun d’eux.

 

12 juillet – Bell – Loud
Une demie-heure du show de Charlie XCX et on se pousse à Loud dont on ne manquera que les deux premières chansons.

La carte blanche est ambitieuse. Spectacle de plus d’une heure trente, plusieurs morceaux de ses trois albums, énergie inépuisable, projections visuelles stimulantes, un peu de pyrotechnie; bref, de quoi exciter les avides de sensations.

Je dois l’avouer aussi, la carte blanche est porteuse d’une certaine humilité alors que Loud a invité des pères, mères, enfants fondateur.rice.s ou pionnier.ère.s du hip-hop québécois comme Sans pression, Souldia, 2Faces, Imposs, Dramatik et J. Kyll. Alors si la moitié de la foule semblait ne jamais avoir entendu parler de l’un.e ou l’autre de ces artistes, Loud, lui se souvient d’elleux.

Mais comment on peut accueillir plusieurs dizaines de milliers de personnes lors de la soirée du « triomphe du hip-hop québécois » sur l’industrie musicale qui ne l’annonçait pas viable au tournant des années 2000 et 2010, mais que parmi toutes ces personnes venues devant la scène Bell, très peu seraient en mesure de nommer ne serait-ce qu’une ou deux chansons de ces mêmes années ? Comment pouvons-nous considérer Loud comme le « plus grand » rappeur au Québec, alors que nous ne connaissons pas le rap ? Parce que j’aime croire que si nous connaissions mieux le genre, Loud n’en serait pas le roi.

Et qu’on me comprenne bien, j’aime Loud, je l’écoute ici et là, je lui reconnais un talent certain, mais je vois aussi dans sa discographie la répétition du même album depuis cinq ans; une copie-carbone d’une copie-carbone. Combien de temps encore restera-t-il le « roi du hip-hop québécois » en roulant sur des calembours de morceaux à morceaux ? Où sont les allitérations, les consonances, le flot ? Où sont les beats un peu plus complexes ? La production innovante ?

Ça ne fait pas de doutes, le rap québécois s’est démocratisé, mais ça ne fait pas de doutes non plus, le rap québécois s’est aseptisé et grandement dépolitisé. Et si l’on parle de genre dépolitisé… Je ne peux pas passer sous silence le choix d’inviter, parmi tous les rappeurs français (ou belges), celui qui a été accusé d’agression sexuelle. Un choix économique j’imagine. Visiblement, quand il est question de hip-hop au Québec, on a la mémoire courte.

13 juillet – Hydro-Québec – Paul Jacobs

(Interlude chialage sur le fait que d’escalader la haute-ville pour 18:00, c’est tôt batinse)

Tournant le coin de la fontaine, on entend déjà :

Cherry oh Cherry ! Cherry you’re favorite color

Cherry, ce succulent vers d’oreille de Pink Dogs on the Green Grass, dernière galette du montréalais Paul Jacobs. Je dois l’avouer, je suis plutôt fan du grand batteur de Pottery.

En formule quatuor statique, ce sera difficile d’accrocher ne serait-ce qu’un soupçon de sourire sur le visage du groupe. Même si le set est, somme toute, réglé au quart de tour, la carence en vitalité humaine est malheureusement indéniable. Cependant, la mécanique corporelle de Meagan Callen la percussionniste est assez fascinante. Elle se dandine sèchement, concentrée comme si elle était en examen. Sinon, l’exécution rythmique est au rendez-vous, le garage-rock est harmonieux et la vitamine D plombe dans leurs joues. C’était peut-être un chouïa trop tôt dans la grille horaire, mais ce fut un apéro limonade fort sympathique où les Underneath the Roses et Christopher Robbins sonnaient comme sur l’album !

13 juillet – Hydro-Québec – TEKE::TEKE

Ceux et celles qui ne connaissent pas TEKE::TEKE avaient littéralement la gueule à terre au terme de leur prestation. Mine de rien, ça faisait déjà quelques années que le surf-rock montréalo-japonais n’avait pas garnie les tympans de la vieille capitale. D’ailleurs, vient tout juste de remporter le prix «Espoir FEQ» et le guitariste Serge Nakauchi Pelletier exprime toute sa gratitude au public. Devant une ordre de musicien.n.e.s capoté.e.s, le récital dramatique de Maya Kuroki est d’une splendeur inégalée. Flûte et trombone s’allient à merveille ajoutant un peu de coffre au psychédélisme propre à TEKE::TEKE.

TEKE::TEKE – Gabriel Tremblay

D’ailleurs, la flûtiste Yuki Isami est vêtue d’une robe à paillettes à en éclater des rétines au soleil. À parier que ce sera le coup de cœur ou la découverte de plusieurs à la fin du FEQ. 

Voici un aperçu audio et quelques photos pour vous donner le «fomo» ou vous rappelez à quel point c’était mémorable.

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Sans oublier, des clichés de Tamara Lindeman (The Weather Station) qui bouclait la boucle de ce tryptique canadien !

 

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