Guerre d’Ukraine, un long conflit selon les expert.e.s de l’Université Laval

Depuis maintenant 20 jours l’armée russe avance sur l’Ukraine. Le conflit s’allonge, tout comme la liste des victimes qui, selon l’agence Reuters, se chiffre à plus de 15 000 décès. À ces estimations désolantes s’ajoutent les réfugié.e.s fuyant le conflit que l’on compte maintenant à coup de millions. Nouvelle peu encourageante, lors d’une table ronde organisée par le département de science politique de l’Université Laval, les expert.e.s ont estimé que ces combats n’étaient que le commencement.

Par Ludovic Dufour, chef de pupitre société

C’est l’un des consensus qui ressort de cette table ronde diffusée sur le web réunissant les politologues Aurélie Campana, Anessa Kimball et Jonathan Paquin. Ce dernier mentionne la logique « jusqu’au boutiste » du président russe en affirmant que, malgré les sanctions, s’il croit que son armée peut renverser le gouvernement ukrainien, il continuera sur cette voie.

« Je pense que le scénario le plus probable aujourd’hui c’est une guerre longue », analyse pour sa part Aurélie Campana, « une guerre excessivement brutale ». Elle mentionne la guerre de Tchétchénie, où les affrontements sanglants ont continué pendant près d’une décennie. Elle craint notamment que les troupes russes ne reprennent les stratégies de cette guerre, l’encerclement et le siège des plus grandes villes, suivi de bombardements massifs à l’aide de missiles non guidés, qui se conclurait par la soumission de la population par la force. « Vladimir Poutine ne renoncera pas », conclut-elle.

Anessa Kimball ajoute à cet acharnement du président russe la difficulté d’arriver à un accord de paix. Pour les deux côtés, les coûts d’un accord de paix semblent plus élevés que ce que la guerre ne leur coûte. De plus, les deux pays n’arrivent pas à se faire confiance et ne peuvent vérifier le respect des engagements de l’un et de l’autre.

Jonathan Paquin ajoute que statistiquement, si l’invasion continue, la victoire ukrainienne lui semble impossible, mais une victoire de l’armée russe n’assurerait pas la paix pour autant. Au contraire, la situation lui semble intenable, même avec un renversement du gouvernement ukrainien.

Sanction et soutien à l’Ukraine

Les expert.e.s se sont également penché.e.s sur l’efficacité des sanctions. Comme le mentionne Aurélie Campana, elles ont un impact sur l’économie russe. Le rouble perd beaucoup de valeur, certains produits de bases commencent à manquer tels que le sucre et les céréales. Elle relève également que les pertes militaires russes peuvent commencer à créer des tensions internes dans la fédération, car la majorité des militaires ne sont pas d’ethnie russe, mais viennent plutôt d’entités fédérées généralement plus pauvres. Or, elle croit que, comme ce fut le cas lors de la guerre d’Afghanistan, un nombre croissant de victimes pourrait éventuellement conduire à une remise en cause de l’autorité russe dans ces territoires.

Monsieur Paquin mentionne que dans la plupart des cas, les sanctions sont peu efficaces, mais ici, le nombre impressionnant de sanctions établies de manière multilatérale visant des secteurs clés pourrait être efficace, et ce, en évitant d’impacter trop drastiquement les économies occidentales. Cependant, bien qu’affectant l’économie russe, ces mesures ne semblent pas avoir changé les demandes de Vladimir Poutine. En outre, et comme le mentionne aussi madame Kimball, la Russie pourrait éviter les conséquences de ces sanctions en se trouvant d’autres partenaires économiques. Plusieurs pays, notamment la Chine et l’Inde, n’ont pas annoncé de mesures à l’encontre de la Russie ce qui pourrait lui offrir une porte de sortie à la crise économique qui se profile.

Finalement, les trois expert.e.s mettent en garde contre une escalade du conflit avec l’OTAN. Le don d’armes à l’Ukraine semble pour le moment être toléré par Moscou, mais aller plus loin pourrait conduire à une réaction en chaîne mortelle. Monsieur Paquin décrit les deux situations à éviter : perdre toute crédibilité comme alliance défensive et entraîner une plus grande guerre. La zone d’exclusion aérienne que défend quotidiennement le président ukrainien serait selon lui une catastrophe et le don d’avions de chasse à l’Ukraine serait impraticable sur le plan logistique et ne ferait pas une grande différence face au nombre écrasant d’appareils russes.

Pour voir la table ronde : https://www.facebook.com/virginie.robitaille.1/videos/772722047036504/

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