Entrevue avec David Suzuki en lien avec son dernier essai

«Je suis aux derniers milles de ma vie»

Pourquoi apprendre la langue de Vigneault à 75 ans? «La fondation David Suzuki a maintenant un bureau à Montréal et il m’est important de pouvoir parler avec tous les employés.» Parce que pour David Suzuki, la richesse d’une personne vient de ses relations avec les autres. «Lorsque mon père était en phase terminale, je suis allé vivre avec lui le dernier mois. Ç’a été mon plus beau moment avec lui. Il me répétait toujours: ‘’David, je suis si riche!’’ Pourtant, il n’avait pas beaucoup d’argent. Sa richesse, c’était ses relations humaines et ses souvenirs.»

Pour Suzuki, les aînés représentent une source de savoir indispensable à la société. «Je ne trouve pas normal qu’on envoie les retraités vivre en Floride ou dans des centres d’hébergement. Ils ont une telle sagesse à transmettre!»

C’est donc au tour de ce prolifique scientifique, doctorant en zoologie, écrivain, professeur à l’Université de Colombie-Britannique pendant 39 ans, animateur radio et télévisé, de préparer son départ et d’offrir son legs. Avec son dernier essai dont le titre français est «Ma dernière conférence : la planète en héritage», Suzuki présente son testament spirituel.

«J’aurai 75 ans en mars, je sais que je suis entré dans la dernière partie de ma vie», annonce-t-il sans un tremblement dans la voix. «Est-ce que c’est vraiment mon dernier livre? Je ne sais pas. J’ai dit cela avec les cinq derniers, s’esclaffe-t-il. Du moins, cette fois c’est le dernier que j’aurai écrit seul.»  

Interrogé sur sa vision des nouvelles générations, David Suzuki se dit très inquiet. Puisque les Canadiens sont maintenant majoritairement citadins, le rapport des citoyens avec la nature a grandement changé. «Enfant, ma mère me disait toujours d’aller jouer dehors, même s’il pleuvait. J’ai associé la liberté avec la nature. Désormais, les jeunes se font dire: ne va pas dehors, c’est trop dangereux! Tu pourrais te faire attaquer. La nature n’est plus ‘’kids friendly’’.  

Ainsi, alors qu’il accompagnait un de ses petits-enfants à une sortie avec son école primaire, David Suzuki a été choqué que la plupart des jeunes n’eussent jamais eu la chance d’aller à la chasse aux coquillages sur la plage à marée basse. «J’habite Vancouver, une ville entourée par l’océan! Ça me fait peur, ça me fait vraiment peur de voir à quel point les jeunes n’ont plus de contact avec l’environnement!»

Une question de philo
«Nous devons réapprendre à considérer que la nature n’a pas qu’un potentiel économique. Une rivière n’est pas juste une source d’énergie hydro-électrique: c’est aussi l’habitat d’animaux, une veine de la planète, un joyau», vilipende le détenteur de 24 doctorats honorifiques.

Bon joueur, il concède que les gouvernements et les corporations ont plus ou moins le choix de penser à court terme. «Moi, je pense comme un père et un grand-père: je pense en décennies. Un gouvernement pense en termes de mandats: quatre ans. Une corporation, en terme de profits: un an.» C’est pour cela qu’il prône un changement radical de la politique canadienne.
«Nous sommes entrés dans une ère dangereuse. Il faut que la population se secoue et prouve au gouvernement qu’elle veut du changement durable. Il faut voter. Il faut participer à la démocratie!», prône-t-il en ajoutant souhaiter un vote à représentation proportionnelle.

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