Julie Miville-Dechêne «clairement féministe»

La présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, était de passage jeudi dernier à l’Université Laval pour prononcer une conférence sur les enjeux d’égalité entre les sexes qui subsistent au Québec. S’affichant « clairement féministe », eu égard au tollé médiatique des dernières semaines, celle-ci plaide que l’égalité de fait n’est certainement pas atteinte dans la province.

Elle reconnaît d’abord un « progrès immense » pour les femmes dans les universités québécoises, soulignant que « dans les facultés, les femmes comptent pour 60% des effectifs, alors qu’à une époque, l’idée même d’aller à l’université pour des femmes était extrêmement difficile. »

Malgré l’impression que donnent ces chiffres, Mme Miville-Dechêne explique que « les femmes sont pratiquement absentes du milieu de l’informatique et du génie, choisissant souvent les sciences sociales. » À son avis, les femmes sont majoritaires à l’université, mais pas où c’est payant.

Sinon, c’est à la sortie de l’école que ces dernières font face à l’injustice, alors que « le revenu d’emploi d’une femme travaillant à temps plein toute l’année correspond à 75% de celui des hommes » et que « le salaire horaire moyen correspond à 88%. » Pour les graduées du MBA, l’écart se creuse, alors que les femmes se voient offrir des salaires de 8000$ inférieurs à ceux de leurs homologues masculins.

À l’embauche, certains gestionnaires voudraient que les candidates s’engagent à ne pas avoir d’enfants. Même si cela constitue un geste illégal, la preuve d’une telle discrimination reste difficile à faire. La source de ce trouble systémique ? Mme Miville-Dechêne croit qu’il s’agit du régime de congés parentaux du Québec, « le plus généreux en Amérique du Nord ».

La raison pour laquelle les employeurs hésitent à embaucher des femmes en âge de procréer, c’est qu’elles sont généralement celles qui prennent la majeure partie du congé alloué au couple, alors que les hommes préfèrent poursuivre leur carrière. « Ce n’est pas encore la norme que les pères et les mères partagent le congé parental », dit-elle. Elle soutient que les pays scandinaves représentent un exemple duquel pourrait s’inspirer le Québec en cette matière, puisque leurs lois exigent un partage strict du congé parental, éliminant ce type de discrimination.

Le plafond de verre

Malgré le fait qu’elles soient majoritaires sur les bancs de l’université, les femmes éprouvent toujours des difficultés à se hisser aux sommets, tant dans le milieu des affaires que dans la sphère politique. Selon une étude menée par la Chaire Claire-Bonenfant réalisée en 2012, les femmes québécoises occupent 16,8 % des rôles de direction d’organisations. À l’Assemblée nationale, elles contrôlent seulement 27,2 % des sièges.

À cet égard, la présidente estime qu’il s’agit aujourd’hui d’une question de mentalités. « C’est dû à une socialisation différenciée. Quand on nous élève, nous les filles, de façon inconsciente souvent, il y a moins de jeux de filles qui sont dans le risque. On nous inculque davantage à prendre soin des autres. Tous ces stéréotypes se reproduisent quand on est rendues sur le marché du travail. » Néanmoins, elle reste optimiste et prétend que nous sommes dans une « période de transition » et que les choses s’améliorent.

Sur les campus

Mme Miville-Dechêne s’est aussi penchée sur les initiations universitaires, condamnant le caractère sexuel de certaines d’entre elles. « On contraint des femmes et des hommes à des comportements misogynes. Pourquoi ? Pour qu’ils entrent dans la gang ? Il y a place à tout plein de choses drôles qui n’ont rien à voir avec la vie sexuelle. Ça montre la force des stéréotypes. »

Pour Liliane Côté, conseillère stratégique au Conseil du statut de la femme, « il faut continuer à dénoncer ces pratiques. Il faut interpeler la direction, il faut avoir le débat sur ce qui constitue une pratique acceptable, sur la culture du viol. » Elle prétend que ces « jeux » peuvent avoir une répercussion sur la violence sexuelle qu’on constate sur les campus et qui banalisent la notion de consentement.

Au cours des prochaines semaines, Julie Miville-Dechêne sera en tournée dans les cégeps de la province, accompagnée du rappeur Koriass et de la journaliste Marilyse Hamelin, afin de conscientiser les jeunes à la véritable notion de consentement et dans l’optique d’inclure davantage de garçons à la conversation féministe.

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