La vie après le Sommet

Le Québec, après avoir vu une partie de sa jeunesse dans les rues, peut maintenant « tourner la page » sur le conflit étudiant, croit Pauline Marois. Possible, puisque nous entrons maintenant en période post-Sommet sur l’enseignement supérieur, période marquant la fin d’un conflit tumultueux mais annoncant surtout le tout début de ce qui pourrait être une refonte en profondeur du système d’éducation. Le gouvernement péquiste a décidé d’aller de l’avant avec une indexation de 3% des frais de scolarité, ou de 70$ par année, et propose cinq chantiers : la mise sur pied d’une loi-cadre pour les universités, la création d’un Conseil national des universités, l’offre et l’accessibilité au cégep, l’aide financière aux études et les frais institutionnels obligatoires. Impact Campus s’est entretenu avec les quatre associations étudiantes nationales.

Sonia Larochelle et Raphaël Létourneau

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Courtoisie

TaCEQ

Paul-Émile Auger, secrétaire général de la Table de concertation étudiante du Québec ( TaCEQ ) indique que les associations membres de l’Université Laval, de McGill et de Sherbrooke seront bientôt consultées sur les actions à venir.

« Il y a un effort de recherche considérable qui va devoir être entrepris sur les différentes propositions soumises pendant le Sommet », explique M. Auger. « Il va falloir identifier ce qu’on en pense, quelles sont nos valeurs » complète le porte-parole.

En parallèle, la TaCEQ « s’enligne vers des élections générales pour renouveler son exécutif », affirme le secrétaire général. Il précise que le mois d’avril cadre aussi avec la tenue des élections dans les associations constituantes, telles que la CADEUL.

Au sujet de l’indexation des droits de scolarité à raison de 70 $ par année, le secrétaire général estime « qu’il y a un travail d’information qui va devoir être fait » auprès des gens. « Il va falloir étudier l’impact de cette hausse et voir comment elle affecte réellement les étudiants », ajoute le jeune homme. Ce n’est qu’après « qu’on pourra aller plus loin et se mobiliser », juge-t-il.

Si M. Auger prédit « beaucoup de résistance dans les mois et les années à venir », à la suite de la décision de Mme Marois de hausser les frais de scolarité de 3 % par an, il émet quelques réserves quant à un éventuel recul gouvernemental. À son avis, faire marche arrière comporterait un « coût politique extrêmement élevé » pour le Parti Québécois minoritaire.

La TaCEQ suivra avec attention les discussions sur les frais institutionnels obligatoires ( FIO ), ainsi que sur la répartition des 25 millions $ prévus pour la bonification de l’aide financière aux études. « On est confiant qu’en participant aux chantiers, on pourra faire avancer les différents dossiers pour changer concrètement le sort des étudiants », déclare le secrétaire général.

ASSÉ

Blandine Parchemal, porte-parole de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante ( ASSÉ ), écarte l’idée d’une grève pour la session en cours. Elle certifie que l’ASSÉ appuiera « toutes les actions qui seront organisées par les associations locales » tout en ajoutant que le conseil exécutif de l’association désire orchestrer une manifestation « avant juin 2013, dans le coin d’avril ou de mai ».

« On a vu avec les votes de grève qu’il y a quand même cinq cégeps où ça n’a pas passé. Il y a une reconstruction à faire au sein des associations » indique la porte-parole. Elle ajoute : « il y a beaucoup d’épuisement de la grève qui vient de se terminer. On est encore dans les sessions compressées ».

L’association n’a pas été contactée pour les chantiers lancés par le gouvernement.Elle décidera sous peu si des démarches seront entamées afin d’y participer.

Pour l’instant, l’ASSÉ n’a aucun contact avec les autres fédérations étudiantes. La porte-parole souligne que « l’idée de reformer la CLASSE » sera examinée dans les semaines à venir. « C’est sûr que si on veut mener un combat et avoir de grosses manifestations, une union serait préférable », termine Mme Parchemal.

Cette semaine s’amorcent les assemblées générales des membres de l’ASSÉ. Ce mois-ci se tiendra le congrès d’orientation de l’association où sera discuté un « futur plan d’action ». La dernière réunion de ce type s’était tenue en 2005. Elle permettra à l’ASSÉ de faire le point sur les changements à apporter à la lumière du militantisme des sept dernières années.

FEUQ

La Fédération étudiante universitaire du Québec ( FEUQ ) a amorcé une tournée consultative auprès de ses associations membres la semaine dernière. La diffusion de l’information concernant les conclusions du Sommet sur l’Enseignement supérieur forme le coeur des échanges. « On parle beaucoup de l’indexation, mais pour ceux qui n’étaient pas présents au Sommet, toutes les décisions ne sont pas toujours claires », explique Martine Desjardins, présidente de la FEUQ. Une tournée des campus est envisageable afin d’assurer la compréhension des enjeux.

Pour l’instant, la FEUQ prépare ses arguments concernant les chantiers prévus en juin prochain. « On veut mettre de l’avant des propositions sur la composition et les mandats du conseil des universités. Qu’il ait au moins la possibilité de faire des recommandations au ministre pour qu’il prenne des décisions », précise Martine Desjardins. Un argumentaire défendant le gel des frais afférents est également en préparation.

À la suite de rencontres ultérieures dans les universités, Martine Desjardins croit que « la colère étudiante envers l’indexation » risque d’avoir un effet sur le prochain vote de nombreux étudiants ayant stratégiquement choisi le Parti Québécois en septembre dernier. Malgré tout, elle estime que la bonification de l’aide aux études de 25 millions par année sur cinq ans représente « bien mieux que le saccage des libéraux ».

La FEUQ entend poursuivre la lutte pour le gel des droits de scolarité par une « escalade de la pression ». Le recours à la grève est probable, mais « non obligatoire » à l’atteinte des résultats. « On a monté la pression pendant deux ans avant d’avoir recours à la grève le printemps dernier. Donnons-nous au moins six à huit mois pour voir ce qu’on peut faire », affirme Mme Desjardins. Le front commun n’est pas rejeté, mais la nécessité « d’objectifs communs » est préalable. En guise d’argumentaire, une étude des conditions de vie étudiante sera publiée l’année prochaine, faisant suite à une étude similaire de 2009.

FECQ

Avant son congrès à la fin du mois de mars, la Fédération étudiante collégiale du Québec ( FECQ ) prévoit consulter ses associations membres pour discuter des conclusions du Sommet sur l’Enseignement supérieur. « Ce sera l’occasion de parler des bons coups, des moins bons coups et des objectifs à venir », affirme Éliane Laberge, présidente de la FECQ.

Mardi dernier, les associations affiliées à la FECQ ont été appelées à commenter « à chaud » les conclusions du Sommet. « L’indexation est une déception pour la majorité. Il y a des chantiers sur les autres dossiers alors que la question des droits de scolarité est une décision politique hâtive », explique Éliane Laberge.

Pour la présidente, la présence de la FECQ au Sommet a « porté fruit ». Elle évoque, entre autres, le chantier sur l’aide financière aux étudiants ainsi que la hausse du seuil de contribution parentale qui passera de 35 000 $ à 40 000 $ alors qu’il devait être réduit à 28 000 $. « Plus de 20 000 nouveaux étudiants auront accès à l’aide financière aux études et plusieurs autres verront leurs bourses augmenter », évoque Éliane Laberge.

Le chantier sur l’offre de formation sera l’occasion pour la FECQ de demander une revision des liens entre le réseau collégial public et privé. « On veut éviter les incohérences entre les réseaux et éviter les impacts démographiques », précise Mme Laberge. Une modification du calcul de la cote de rendement ( cote R ) est aussi un objectif. « Pour l’instant, si un cours est échoué et réussi par la suite, l’échec demeure comptabilisé [ … ] il y a un calcul dysfonctionnel. »

Questionnée sur une éventuelle mobilisation contre l’indexation des droits de scolarité, la présidente s’est montrée prudente. « Si c’est ce que les membres veulent, la FECQ respectera une gradation des moyens de pression avant d’opter pour la grève qui est le dernier moyen employé », explique-t-elle tout en rappelant que le congrès du mois de mars servira à mettre en place le plan d’action à venir.

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