Photo: Julie-Anne Perreault

Laissez-passer universitaire : nécessité d’une planification stratégique en mobilité durable

Cette contribution provient de Charles Lessard – Étudiant à la Maîtrise en aménagement du territoire et développement régional, Francis Marleau-Donais – Candidat au Doctorat en aménagement du territoire et développement régional, Jonathan Bédard – Étudiant à la Maîtrise en aménagement du territoire et développement régional.

Des études montrent qu’un LPU est généralement accompagné d’une planification stratégique en transport avec incitatifs et inconvénients. Est-ce que tous les éléments sont réunis sur le campus de l’UL pour que la mise en œuvre du LPU soit efficace ?

La CADEUL et l’AELIÉS proposent conjointement le laissez-passer universitaire. Il consiste à offrir à tous les étudiants de l’Université Laval, une passe d’autobus du RTC et de la STLévis pour une somme de 30,15$ par mois. Une augmentation des frais de scolarité de l’ordre de 120,60$ par session la première année, augmentés jusqu’à 144,72$ en 2022 puis indexés à l’inflation.

Ailleurs au Canada, et ce, dans des contextes similaires à la région métropolitaine de Québec (RMR: 800 296 habitants), certaines universités ont adoptés un LPU: l’Université de Winnipeg (134,10$ par session, 778 489 habitants), l’Université d’Alberta (148$ par session, 1 321 426 habitants) et l’Université d’Ottawa (202,46$ par session, 1 323 783 habitants).

Gestion de l’offre en transport

En contexte universitaire, plusieurs éléments influencent l’usage des transports, dont le prix des stationnements, la qualité du service en transport en commun, les incitatifs au covoiturage, les aménagements piétons et cyclistes. Dans ce contexte, un LPU peut avoir un impact considérable sur les achalandages du transport en commun, mais également sur l’utilisation ou la non-utilisation des autres modes de transport (auto, vélo, marche). Selon un rapport datant de 2018 du Transit Cooperative Research Program (TCRP), l’augmentation du nombre de déplacements effectué par les étudiants en transport en commun dans la première année d’implantation du LPU se situe entre 35% et 200%.

Afin d’atténuer cette nouvelle demande, le RTC et la STLévis planifient une bonification des services, mais ceux-ci n’ont pas encore donnés de détails à ce sujet. Une mauvaise gestion de l’offre pourrait engendrer plusieurs problèmes: autobus en surcapacité, comportements désagréables de la clientèle, perturbations de services, retards, etc.

Pour éviter cette situation, le rapport du TCRP relevait les mesures généralement mises en œuvre par les agences de transport : modification de certaines lignes de bus, prolongation des heures de service, augmentation de la fréquence de certaines lignes desservant le campus en heure de pointe et création de nouvelles lignes. En attendant la réalisation du réseau structurant de transport en commun, des mesures similaires et à court terme semblent essentielles pour éviter les problèmes de surcapacité et assurer le maintien, et même l’amélioration, de la qualité du service des réseaux du RTC et de la STLévis vers l’Université Laval.

La gestion de l’offre en transport se traduit également par une gestion du stationnement. Le LPU induit souvent un transfert de l’utilisation de l’automobile vers le transport en commun et par conséquent, une réduction de la demande en stationnement. Dans certaines universités, le nombre de cases de stationnement a été réduit de 1000 à 250 cases de stationnement après l’implantation du LPU. La révision prochaine du plan directeur du Comité d’aménagement et de mise en œuvre (CAMEO) de l’Université Laval s’avère une belle opportunité pour inclure cette réflexion.

Cas de la University of British Columbia (UBC)

Dans l’optique de réduire l’utilisation de l’auto solo et la congestion routière, l’UBC a fait l’objet d’une planification stratégique en transports. Cet objectif est le même que pour l’implantation du LPU à l’Université Laval. L’adoption d’une planification stratégique est intéressante puisqu’elle assure une gestion de l’offre de transport et permet d’inscrire le LPU dans un tout cohérent.

Plusieurs incitatifs ont été introduits entre 1997 et 2003. Les incitatifs au covoiturage furent les suivants: un service de covoiturage en ligne, des stationnements prioritaires aux covoitureurs de 3 personnes et plus, un garanti de retour à la maison en cas d’imprévu, un programme de récompenses avec certificats cadeaux et des rabais d’entretien pour l’automobile.

Pour le cyclisme, 500 supports à vélo et 75 casiers à vélo ont été ajoutés. Des vestiaires et des douches ont été inclus dans les pavillons également. En partenariat avec la communauté universitaire, un atelier de réparation de vélos a été ajouté. Finalement, l’université a investi dans la rénovation du réseau cyclable synchronisée avec les rénovations des routes du campus.

Pour les stationnements du campus, ceux-ci ont été visés par la construction de nouveaux pavillons, de centres de recherches et de résidences pour densifier le campus. Par ailleurs, le taux horaire fixe quotidien a été augmenté pour restreindre son utilisation.

Finalement, le laissez-passer universel est entré en vigueur deux ans après l’implantation de ces incitatifs et contraintes (en 2003) au coût de 20$ par mois pour les étudiants dont l’UBC subventionnait un montant de l’ordre d’un million par année sur la facture totale. La hausse d’achalandage du transport en commun entre 1997 et 2003 a été de 50%. Parallèlement, l’usage de l’auto-solo et la demande pour les stationnements ont diminué de 20%.

Les droits de scolarité se sont reflétés par une augmentation de 80$ par session. Le référendum avait obtenu 15000 votes dont 69% étaient en accord. Le succès du LPU était lié notamment au déploiement de nouveaux services par le réseau de transport du Grand Vancouver.

Ce qui est fait à l’Université Laval

L’offre en mobilité de l’Université Laval a fait du chemin à l’égard des incitatifs à la mobilité durable sur son campus. Celle-ci possède déjà des tarifs de stationnement parmi les plus élevés sur le territoire de la Ville de Québec. Elle bénéficie également d’un service de transport en commun relativement fréquent, accessible et abondant.

La venue de nouvelles technologies comme le paiement mobile au RTC amélioreront la qualité du service et le moderniseront. Le développement du réseau structurant, via l’arrivée du tramway et du trambus sur le campus, devrait améliorer la qualité de la desserte, des aires d’attente et des correspondances.

L’Université possède également une plateforme en ligne pour le covoiturage, 220 supports à vélo, des casiers à vélo, des douches et des vestiaires, la location de vélos en libre-service, un atelier de réparation et un programme de retour garanti pour ses employés. Elle a également amélioré son réseau cyclable par l’ajout d’un chemin reliant le secteur de Myrand au campus.

Néanmoins, si l’un des objectifs de la CADEUL et de l’AELIÉS est de réduire la congestion et l’utilisation de l’auto-solo au profit d’impacts environnementaux positifs, le LPU doit s’arrimer dans un processus plus global de planification. Les alternatives doivent être améliorées et bonifiées, mais également des contraintes doivent être ajoutées pour réduire l’attrait de certains modes. Le référendum de cette semaine est une première étape vers le LPU, mais celui-ci représente encore plusieurs défis pour l’Université, les associations étudiantes, les sociétés de transport et la Ville de Québec.

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