Premier texte d’une série sur le contingentement universitaire

Les briseurs de rêves

Début septembre 2010, tout près de l’Université Laval, dans un petit appartement d’étudiants. Un jeune couple se sépare pour mieux se retrouver. Louis, 20 ans (les noms et les âges des étudiants ont étés changés par soucis d’anonymat), débute ses études universitaires à Québec, tandis que sa copine, Isabelle, elle aussi 20 ans, quitte pour Montréal. Tous deux sont tristes de se séparer l’un de l’autre, mais ils savent très bien qu’ils se verront le plus souvent possible. Deux jeunes étudiants qui commencent leur dernier cycle d’études avant d’entreprendre leur vie professionnelle, d’adulte et de couple.
 

Dans un autre appartement de Québec, Marc-André, 19 ans, vit sa vie paisiblement. Tout comme les deux premiers protagonistes, il a quitté la maison familiale, sa famille, ses amis. Tout cela pour s’installer dans une ville qu’il connait peu et dont le plus important établissement d’éducation, l’Université Laval, reste pour lui un endroit inconnu. Il le découvrira au cours des semaines suivantes.

Trois choses rassemblent ces trois jeunes adultes. Ils sont tous les trois issus du même programme pré-universitaire, Sciences Natures et sont tous natifs de la même ville, Baie-Comeau. Ils entament leurs études universitaires dans un programme qu’ils n’ont pas choisi parce qu’ils ont, tous les trois, été refusés dans un programme qui a été leur plus grand rêve tout au long de leurs études collégiales.

Les universités québécoises sont de plus en plus sévères quant à l’admission de candidats dans des programmes déjà très contingentés. Pourtant, le nombre de demandes ne diminue pas, malgré la hausse des exigences : « On ne peut rien y faire, quand il y a seulement 150 places pour plus de 1900 demandes », nous mentionne Louis, un étudiant de première année en sciences biomédicales à l’Université Laval, qui a été refusé en pharmacie à la même université.

 La demande est donc présente, mais en restreignant le nombre de places disponibles, les universités veulent augmenter leur notoriété. « Ça me fait chier. Sur 150, il y en a qui passent un an en pharmacie comme période de transition parce qu’ils ont été refusés en médecine. Ils vont quitter ensuite, tandis que moi, j’aurais voulu aller là-dedans. Dans le fond l’université s’en fout ! », s’indigne Louis.

Après un refus, qu’advient-il des étudiants qui voient leur rêve brisé par une décision qui a été prise par un comité de sélection qui recherche l’excellence au lieu de regarder leur potentiel ? « Tu vis beaucoup de tristesse », avoue Isabelle, elle aussi étudiante en sciences biomédicales, mais à l’Université de Montréal. « Mais après on se relève puis on continue », rajoute-t-elle.

Devant un refus, plusieurs d’entre eux se voient obligés de choisir un plan B ou même, parfois, un plan C afin de poursuivre leur cheminement. Ils s’en vont donc dans des programmes de transition dans lesquels ils passeront un an, afin d’avoir des notes jugées satisfaisantes par les comités de sélection des divers programmes. « Beaucoup de monde sont en transition, le tiers de mon année veut changer de programme », mentionne Isabelle.

Plusieurs étudiants se retrouvent donc dans des programmes de « transition » tel que sciences biomédicales, afin d’avoir de bonnes notes et ce, dans le but de pouvoir augmenter leur cote de rendement. « Deux ans au cégep à avoir des notes de feu et là, il faut encore que tu ‘’pètes des scores‘’ pour quelque chose que tu n’aimes pas, quand tu sais que tu pourrais être ailleurs », grogne Louis.

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