Les commissions, pour quoi faire?

Assis autour d’une table, dans une des salles de l’hôtel du Parlement, des citoyens parlent tour à tour. 250 personnes ont au plus 45 minutes chacune pour influencer la décision du gouvernement. C’est la « Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement » qui s’ouvre.

Jean Louis Bordeleau

Plus de 200 heures de témoignages sont ainsi présentées à titre personnel ou au nom d’un groupe de citoyens. Les représentants de tous les partis politiques habituellement présents en assemblée écoutent ces élocutions, avec au premier chef l’auteur du projet de la Charte, Bernard Drainville.

Le dossier de la laïcisation de l’espace public au Québec en est à sa troisième consultation. Le dossier s’est ouvert en février 2007 alors que naissait la Commission Bouchard-Taylor. 17 villes de partout au Québec et 31 jours de consultation plus tard, la consultation publique n’avait alors débouché sur aucune loi de la part du Parti libéral.

Puis, en septembre dernier, le dossier est revenu dans le débat public. Plus de 25 000 courriels et 925 messages téléphoniques avaient alors été envoyés au ministre Drainville, lors d’une « consultation » sur le projet éventuel de Charte. Cette consultation n’avait alors rien d’officiel, le projet de loi n’avait pas encore été déposé à l’Assemblée nationale.

Cette fois-ci, l’examen de la loi est en commission parlementaire. Le travail de la commission comprend le rôle de tenir des consultations avec des citoyens ou des groupes de citoyens. Ces séances prennent d’entières journées et s’échelonnent sur plusieurs semaines. Elles sont ouvertes au public.

Un exercice laborieux

Ce type de consultation populaire est toutefois facultatif lors de l’adoption d’un projet de loi.

En effet, de telles consultations ne sont exécutées que sur demande du gouvernement. Plusieurs projets de loi passent par le travail des commissions sans être examinés par ces forums publics.

D’autant plus, ces consultations rallongent le processus politique, car elles doivent se dérouler entre la présentation d’un projet de loi et l’adoption du principe du projet de loi.

Pour ce qui est de la Charte des valeurs, la présentation du projet s’est déroulée le 7 novembre et l’adoption du principe n’est pas envisageable avant le 7 février, date à laquelle les consultations doivent se terminer. Après cette adoption de principe, la Commission des institutions retournera étudier le projet à l’interne, article par article. Enfin, ce n’est qu’au terme de la prise en considération du rapport de la commission que la Chambre se prononcera sur l’adoption du projet de loi.

Malgré les longues heures de discussion en vue, Bernard Drainville a d’ores et déjà campé la position de son gouvernement. Il a réitéré au début de la consultation qu’il n’allait pas concéder sur le point le plus litigieux du débat : l’interdiction de port de signes religieux pour les employés de l’État, « incontournable » selon lui.

Un exercice tout de même démocratique

Bernard Drainville et l’idée de Charte auront à tout le moins fait rouler les rouages démocratiques en ouvrant une telle procédure de Commission parlementaire. Épisodiques, ces consultations servent toutefois une institution politique québécoise qui se veut permanente.

En fait, 11 commissions siègent continuellement pour assurer le bon fonctionnement du gouvernement. Ils assurent chacun un suivi du pouvoir législatif dans leurs champs de compétence respectif.

Ces petits groupes de travail miniaturisent en quelque sorte le travail de l’Assemblée. Aux dires des documents officiels, les partis politiques de toute l’Assemblée nationale s’y trouvent représentés pour « refléter l’importance numérique des groupes parlementaires ». Cet exercice inclut donc même les députés indépendants. Cela permet aux députés « d’exercer pleinement leur rôle de législateur et de contrôleur de l’action du gouvernement ».

Le pouvoir public ainsi constitué permet d’être plus efficace. Spécialisées, les commissions s’affairent à faire appliquer les lois, à quantifier les dépenses budgétaires ou à vérifier le fonctionnement des organismes publics.

Les membres de ces commissions permanentes sont nommés par la Commission de l’Assemblée nationale, elle-même constituée par des députés ayant un certain rôle en chambre, comme le président de la Chambre d’Assemblée ou le chef de l’opposition officielle. Les commissions permanentes comptent habituellement une dizaine de membres.

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