Les cotisations devant les tribunaux

Au terme de la crise étudiante de 2012, outre Marc-Antoine Dumas qui a obtenu gain de cause contre son association étudiante qui doit lui rembourser ses droits de scolarité, deux autres étudiants ont entrepris un combat judiciaire de grande envergure.

Mikael Hébert

Laurent Proulx et Miguaël Bergeron ne veulent plus du monopole des associations étudiantes, ni de l’adhésion obligatoire à celles-ci. On doit savoir que lors de son inscription à l’université, un étudiant est automatiquement rattaché à une association étudiante et sa cotisation fait partie des différents frais qu’il a à payer. Les deux jeunes hommes prétendent pour leur part que cette façon de procéder va à l’encontre de leurs droits et libertés. Ils affirment entre autres qu’il n’est pas normal de faire partie d’une association que l’on n’a pas choisi et dont on ne connait pas les pratiques et l’idéologie. La Charte canadienne sera sans aucun doute invoquée en raison de l’article 2 qui traite entre autres de la liberté d’association. Dans un article du journal Le Soleil datant de janvier 2013, on peut lire quel est l’objectif de Miguaël Bergeron : « Notre but en déposant cette requête, c’est de faire abroger plusieurs articles de la LAFAE », la LAFAE étant la loi sur l’accréditation et le financement des associations étudiantes. S’ils obtiennent gain de cause, Messieurs Proulx et Bergeron sonneront peut-être le glas de certaines associations étudiantes.

Du côté des associations étudiantes, la CADEUL souligne qu’effectivement, l’adhésion et le paiement d’une cotisation sont automatiques lors de l’inscription, mais ne sont pas obligatoires. Si quelqu’un désire se désaffilier de son association et se faire rembourser, il n’a qu’à en faire la demande par écrit. Toutefois, ce ne sont pas toutes les associations au Québec qui offrent cette option. Certaines figures importantes de la crise étudiante, telles que Martine Desjardins, ancienne présidente de la FEUQ, regrettent qu’on ait recours aux tribunaux pour ce type de questionnement ; « On est tout à fait en accord avec le fait qu’il y a des réflexions à faire sur les associations étudiantes. Mais est-ce qu’on a vraiment besoin de passer par les tribunaux ? Je pense que ça se fait très bien, actuellement, dans les assemblées générales ou dans des référendums qui ont lieu et on peut laisser ça comme ça », a-t-elle affirmé à TVA nouvelles. Un autre argument qui peut être invoqué du côté des associations est qu’il serait trop difficile de retourner solliciter son financement auprès de chaque nouvelles vague d’étudiants. En effet, sans la cotisation automatique à l’inscription, une association devrait mobiliser son personnel au début de chaque session pour trouver de nouveaux adhérents et ainsi s’assurer de disposer des ressources nécessaires pour accomplir sa mission.

Un important syndicat québécois, la CSN, a voulu s’immiscer dans la cause, mais le Procureur général du Québec lui a refusé le rôle d’intervenant en avril dernier. On peut penser qu’elle s’intéresse à ce dossier parce qu’advenant une victoire de Messieurs Proulx et Bergeron, on s’attend à ce que la formule Rand puisse par la suite être remise en question. La formule Rand tient son nom du juge canadien Ivan Rand, qui arbitrait une grève chez Ford à Windsor en 1945. En bref, la formule Rand peut être expliquée comme suit: étant donné que tous les travailleurs d’une unité d’accréditation bénéficient des avantages négociés par le syndicat avec l’employeur, tous doivent payer une cotisation au syndicat, même ceux ne désirant pas en être membre. C’est pour cette raison que les cotisations syndicales sont prélevées à la source, c’est-à-dire par l’employeur, qui remet la somme au syndicat. On peut tracer ici un parallèle avec le mode de fonctionnement des associations étudiantes : l’université prélève les cotisations des étudiants à l’inscription et redistribue les montants aux regroupements concernés.

La cause de Laurent Proulx et Miguaël Bergeron est présentement devant la Cour supérieure à Québec. Ni la CADEUL ni monsieur Proulx n’ont voulu réagir. Il va sans dire que cette cause aura peut-être des répercussions sur tous les collèges et universités de la province, et même éventuellement dans les relations de travail.

Consulter le magazine