Photo - Courtoisie - Andrey Gosse

Lien de confiance rompu entre la FEUO et l’Université d’Ottawa

L’Université d’Ottawa ne reconnaitra plus la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FEUO) comme seule association pouvant représenter les étudiant(e)s de premier cycle de l’institution, à compter du 24 décembre prochain. Cette mesure répond à de récentes allégations de fraude impliquant deux membres de l’exécutif.

Le 9 août dernier, le journal étudiant indépendant La Rotonde faisait état d’une plainte déposée à la police par le président sortant de la fédération, Hadi Wess, pour des pratiques frauduleuses au sein de l’association. L’actuel président, Rizki Rachiq et sa directrice exécutive, Vanessa Dorimain, auraient détournés un peu plus de 20 000 $ via le club Testing Restaurants uOttawa.

Toujours selon la Rotonde, à la mi-septembre, le conseil d’administration de la Fédération a nommé un vérificateur externe pour examiner les finances des clubs et les dépenses des membres de l’exécutif. L’administration universitaire avait suspendu le versement des cotisations en attente des résultats.

L’Université d’Ottawa a toutefois décidé de déposer un préavis de résiliation de son entente avec la Fédération après avoir été mise au courant d’autres allégations de mauvaise gestion et de conflits interne. «L’Université a perdu confiance en la capacité de la FEUO à représenter ses étudiants et à offrir les services pour lesquels ces derniers paient, d’où la nécessité des mesures entreprises », déclarait l’administration par voie de communiqué.

Elle invite les étudiant(e)s à former un nouveau regroupement pour remplacer la FEUO. D’ici là, le financement des différents clubs, dont le journal étudiant, se retrouve temporairement suspendu en attendant des rencontres individuelles avec l’administration pour établir les modalités du transfert de fonds.

Une Fédération déficiente

Réagissant mercredi dernier à la décision de son administration, le comité exécutif de la FÉUO reconnait avoir « commis des erreurs » et s’excuse d’un « manque de communication ». Dorimain et Rachiq, respectivement directrice exécutive et président, ont profité de cette sortie publique pour remettre leur démission.

« Nous ne sommes pas là pour faire plai­sir à l’Uni­ver­sité ni pour gagner sa confiance. Nous sommes ici pour vous tous», peut on lire dans la déclaration.

Dans la Rotonde du 1er octobre, on apprend que l’association des étudiants diplômés de même que la FÉUO déplorent l’approche anti-syndicale de l’Université, en plus de craindre pour un précédent. Les diplômés ont toutefois aussi dénoncé « toute forme de mésusage des contributions étudiantes », condamnant au passage la fédération.

Selon quelques sources consultées, il ne s’agit pas de la première crise de confiance entre la FÉUO, ses membres et l’administration universitaire. Les différents mécanismes de l’association ont souvent été mis en cause par les étudiant(e)s, notamment les procédures électorales.

« Il ne faut pas parler à beau­coup d’étu­diant.e.s pour remarquer que cette déci­sion de l’U d’O est non seule­ment accep­tée par la majo­rité des membres de la Fédé­ra­tion, mais qu’elle est aussi saluée, déclarait le rédacteur en chef de la Rotonde, Mathieu Tovar-Poitras, dans son éditorial du 1er octobre. Force est d’ad­mettre qu’il faudra plus que de la marchan­dise de la FÉUO pour que ceux-ci regagnent confiance en leurs repré­sen­tant.e.s. »

Au moment d’écrire ces lignes, il était impossible de savoir si une nouvelle association étudiante est en voie d’être mise en place. « Pour être très clair, la FÉUO n’en­vi­sage pas de quit­ter ses bureaux ou d’ar­rê­ter les services/programmes four­nis aux étudiant.e.s, comme deman­dé », déclare le comité exécutif, qui entend poursuivre ses activités, avec ou sans entente.

Photo: Andrey Gosse, La Rotonde

 

La loi 32 protège nos assos 

Au Québec, une telle situation serait impensable, selon une source près de l’une des grandes fédérations étudiantes québécoises et ayant étudié à l’Université d’Ottawa. D’abord, en raison de la loi cadre qui définit les balises de la relation entre les administrations universitaires et les associations d’élèves, mais aussi en raison d’une séparation plus nette entre la fonction et la personne qui l’occupe.

À titre d’exemple, une histoire de fraude similaire à l’Association des étudiants et étudiantes en science et génie de l’Université Laval (AESGUL), révélée en 2017, n’a pas entrainé une rupture du lien de confiance ; seulement des conséquences judiciaires pour la personne ayant enfreint la loi. La structure associative se veut ainsi protégée.

La loi 32 prévoit entre autres des mesures d’adhésion et de retrait, ainsi que des mécanismes pour assurer la représentativité de l’instance. Les états financiers des associations étudiantes doivent être présentés chaque année aux membres, et le regroupement est soumis à la loi sur les compagnies. Des agents d’accréditation ont pour tâches de veiller à ce que les procédures soient respectées.

Les administrations universitaires québécoises ne disposent ainsi pas des pouvoirs nécessaires pour couper les ressources financières des associations étudiantes de manière aussi subite, alors qu’en Ontario, les ententes sont de gré à gré, donnant la possibilité de les résilier avec trois mois d’avis. L’Université d’Ottawa s’est prévalu de ce droit.

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