L’UL sommée de cesser l’utilisation des porcelets en pédiatrie

Le Comité des Médecins pour la Médecine Responsable (CMMR) demande à l’Université Laval de cesser l’utilisation de porcelets dans son programme de résidence en pédiatrie. L’organisme vient de présenter une pétition au gouvernement du Québec et a érigé une affiche publicitaire près du campus pour passer son message.

« Le problème qu’on voit, c’est que l’institution d’enseignement utilise ces animaux pour la formation, mais que, dans tous les rapports d’études, il est démontré que la simulation avec des mannequins fait très bien le travail », explique le docteur Jérémie Cadet, qui est aussi signataire du document.

Plus loin encore, le CMMR affirme qu’il y voit là un enjeu moral, sur lequel la communauté étudiante doit se mobiliser. L’UL doit être mise au courant de nouvelles méthodes disponibles sur le marché, selon l’organisme, car elle pratique une certaine forme de « cruauté animale ».

« C’est un problème éthique grave, lance M. Cadet. On ne peut pas utiliser des animaux alors que ce n’est pas nécessaire. On a des mannequins high-tech très avancés de nos jours, avec lesquels on peut enlever un morceau de peau et puis en remettre un nouveau pour se pratiquer avec une aiguille par exemple. »

« Il n’y a aucune raison d’utiliser des animaux pour former de futurs pédiatres, ajoute pour sa part le directeur des affaires académiques du CMMR, John Pippin. Il existe 220 programmes de pédiatrie qui en sont venus à cette conclusion et n’utilisent pas d’animaux. C’est peu probable qu’ils aient tous tort et que l’Université Laval ait raison. »

Mauvaise gestion des fonds publics ?

Au sens où les membres du collectif l’entendent, l’administration Brière « viole » actuellement des cadres légaux de la plus récente politique pour la subvention des universités, par le simple fait de continuer d’admettre ces pratiques sur son campus.

« Il faut savoir que l’Université Laval a récemment reçu près de 13 M$ pour se construire un centre de simulation à la fine pointe de la technologie, mais s’obstine à pratiquer des méthodes archaïques, poursuit Jérémie Cadet. On a donc demandé au gouvernement d’intervenir pour que ces nouvelles installations soient utilisées à bon escient, au moins. »

Un panneau d’affichage a été installé sur l’autoroute 740 en direction sud, tout juste entre la route 138 et l’autoroute 440. On y voit notamment un porcelet qui demande aux automobilistes de « passer à la simulation ». Ledit message sera affiché jusqu’au 24 mai aux abords du campus.

« C’est surtout de faire réaliser aux gens qu’il y a une réelle problématique, lance M. Cadet, lorsque questionné sur les objectifs de ce message. On espère éventuellement pouvoir établir un vrai dialogue avec l’Université et voir ce qui pourrait être fait plus adéquatement, parce qu’on sait que la situation peut s’améliorer. »

L’argument « historique »

Sans réponse concrète de l’autre partie, Jérémie Cadet et son équipe ont présentement l’impression qu’il y a une utilisation très historique des animaux à Québec et que l’Université Laval demeure frileuse à s’embarquer dans quelque chose de nouveau.

« On pense qu’il y a un aspect traditionnel, auquel tout le monde s’est habitué, et ça entre en ligne de compte, dit-il. On entend aussi que les étudiants préfèrent parfois les animaux, parce que ça donne une sensation plus réaliste, mais l’anatomie n’est pas la même en fait. Les tissus sont certes plus semblables à l’humain, mais ce n’est rien comme un mannequin humain. »

De plus, il affirme que, depuis son arrivée avec le CMMR il y a quelques années, toutes les facultés en sciences de la santé en sont venues à changer leurs méthodes et sont dorénavant unanimes. « Il existe plusieurs méthodes supérieures ou du moins équivalentes à ce qui est fait ici. »

L’Université Laval se défend

Appelé à réagir sur le dossier, le vice-doyen de la Faculté de médecine de l’UL, le Dr Bruno Piedboeuf, affirme qu’il n’est aucunement étonné de voir ce débat à nouveau. Celui-ci reviendrait dans l’actualité de manière annuelle, selon lui.

« Si on avait cédé à la pression, ces dernières années, on aurait arrêté, dit-il. Mais à notre point de vue, ce serait aux dépens des patients parce qu’en fin de compte, ce qu’on défend, c’est la qualité des soins. »

L’administration lavalloise affirme, de plus, qu’elle possède et utilise quotidiennement des mannequins « à la fine pointe de la technologie » pour former ses futurs médecins. Or, en pédiatrie, la réalité est différente, selon M. Piedboeuf. Il soutient que, dans ce domaine, les manipulations sur des porcelets peuvent faire « toute la différence » en se préparant à traiter des nouveau-nés, par exemple.

« C’est une technique qui demande une certaine dextérité et qui doit se faire assez rapidement si on veut sauver des vies, renchérit-il. Nos médecins qui vont aller travailler en région et se retrouver éventuellement seuls la nuit avec un bébé, on veut être sûr qu’ils vont être capables de faire la technique parce qu’ils n’auront pas le choix. »


La porte-parole de l’Université Laval, Andrée-Anne Stewart, admet qu’en complément à l’utilisation de plusieurs mannequins et simulateurs, des porcelets sont utilisés pour la formation des résidents en pédiatrie. Toutefois, elle rappelle qu’ils « sont uniquement utilisés pour la pratique d’un geste technique très précis, soit l’insertion d’un drain thoracique qui vise à sauver la vie de nourrissons ».

Elle soutient que cette pratique demeure sans douleur pour l’animal, puisqu’il est sous anesthésie. Au total, de 12 à 16 porcelets par année sont utilisés pour une cinquantaine de résidents, à ses dires.

La Faculté de médecine rappelle enfin que, de manière périodique, elle « réévalue la pertinence de cette utilisation dans le cadre de sa formation, et ce, en collaboration avec le Comité de protection des animaux de l’Université Laval qui est responsable d’approuver et de contrôler rigoureusement cette utilisation ».

Consulter le magazine