Modèle d’intégration : Un Québec à mi-chemin entre le Canada et la France

Lors d’une conférence à l’Université Laval, Guillaume Rousseau, professeur agrégé en droit, oppose les modèles d’intégration français et canadien pour déboucher sur une réflexion quant au modèle actuel québécois.

C’est dans le cadre de la semaine de l’indépendance de l’Université Laval que Guillaume Rousseau a été invité sur le campus afin de développer son analyse des modèles d’intégration.

Le professeur en droit à l’Université de Sherbrooke et candidat du Parti Québécois définit d’abord le modèle d’intégration comme étant « l’ensemble des traditions historiques et des pratiques politiques administratives caractéristiques d’une politique d’intégration des immigrants ». En précisant que ces modèles proviennent d’héritages et de traditions historiques.

Pour analyser les modèles d’intégration, les questions de culture ou encore d’accès à la nationalité sont primordiales, mais similaires d’un pays à l’autre. C’est pourquoi l’analyse de M. Rousseau est axée sur des aspects souvent différents, les langues et religions. Il oppose donc ici deux modèles d’intégration: le modèle français et le modèle canadien, puisqu’ils sont relativement contrastés et ont chacun une influence sur le modèle québécois.

Assimilationniste et multiculturalisme

Le modèle d’intégration français serait donc plutôt assimilationniste et ferait en sorte que les immigrants intègrent les valeurs de la république. Au niveau juridique, la France ne reconnaît pas non plus de communauté culturelle, mais bien « une seule communauté nationale ». On y reconnaît d’une part les individus et d’autre part, l’État qui joue un rôle important en matière de « francisation ». La France promeut davantage un « vivre ensemble » au sein de l’espace public qu’une laïcité à proprement parler. Par exemple, la loi ordonnant le visage découvert au sein de l’espace public a été mise en place surtout pour éviter certains troubles à l’ordre public.

Au Canada, on met en avant un certain multiculturalisme qui se traduit notamment par un multiculturalisme religieux. En effet, le droit à l’égalité dans la Charte Canadienne des droits et libertés s’interprète à la lumière du multiculturalisme. Cela permet entre autres la jurisprudence sur les accommodements religieux, importée du droit américain. Toutefois le fardeau de preuve est différent au Canada, où il est nécessaire de prouver une “contrainte excessive” pour pourvoir le refuser, explique l’expert.

À l’inverse du Canada, les États-Unis ont en effet une clause de non-establishment. Au Canada, il n’y a pas de clause de neutralité, ce qui signifie que l’État n’a pas à être restrictif au niveau des accords religieux. Le principe du multiculturalisme canadien encourage en effet l’expression des religions, notamment minoritaires, souligne M. Rousseau.

Le modèle québécois

Pour Guillaume Rousseau, le Québec actuel est « contraint » d’accepter certaines mesures d’acceptation des symboles religieux. Il émet donc l’hypothèse que le modèle québécois se situe en fait à mi-chemin entre les deux. Le Québec serait ainsi influencé par la France pour des raisons historiques et par le Canada pour des raisons juridiques de politique fédérale.

Selon lui, le Quebec cherche d’abord un modèle d’intégration qui ne soit ni assimilationniste, ni multiculturaliste à la canadienne, une troisième voie. Celle-ci s’apparenterait donc à un enrichissement de la culture majoritaire, québécoise grâce aux apports de cultures issues de l’immigration. Le modèle québécois reposerait donc sur une conciliation entre diversité et unité, avec notamment le modèle de langue française commune et une reconnaissance des autres langues. Il en va de même pour la liberté de religion qui n’est ni trop limitée, mais qui ne permet pas non plus un déploiement de l’intégrisme religieux dans l’espace public.

Guillaume Rousseau termine avec un constat historique. Il semblerait donc que lorsque le nationalisme est fort au Québec, le fédéral soit en faveur du bilinguisme, alors qu’à l’inverse, « quand le Québec s’écrase au niveau nationaliste, les politiques redeviennent contraires aux droits francophones ».

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