Mon politicien est plus fort que le tien

Par Raphaël Lavoie
raphael.lavoie.1@ulaval.ca

«Je les trouve plates nos politiciens».

Elle devient commune cette phrase-là depuis quelques années au Québec. Mine de rien, je l’ai encore entendue ce weekend, pour la énième fois depuis le déclenchement des élections. Un gars un peu trop saoul dans un pub de Québec, un peu trop intéressé par la conversation de la table d’à côté, en l’occurrence la mienne.

Visiblement un amateur du bon goût, il s’époumonait à tenter de nous convaincre que les politiciens québécois n’ont aucun cha­risme. Qu’ils sont sans saveur, sans couleur, à la manière d’un bis­cuit soda, et qu’ils n’ont conséquemment aucune crédibilité à tenter de convaincre les Québécois de leur confier les rênes de la province.

À chaque fois que quelqu’un me dit que nos politiciens québécois manquent de charisme, je pense à Vladimir Poutine. Le président russe, qui en est déjà à son troisième mandat, multiplie depuis tou­jours les apparitions devant les médias afin de cultiver son image d’homme politique branché et flamboyant.

Mâle alpha à ses heures, on l’a déjà vu faire un câlin à un ours polaire, se promener torse nu à dos de cheval ou plus récemment voler en deltaplane aux côtés de grues de Sibérie. On est loin de la « désarmante » visite-surprise de Jean Charest au casse-croute chez Ti-Oui. La semaine dernière, le leader russe confirmait même à une journaliste que certaines de ses sorties politico-viriles n’étaient effectivement que des mises en scène. Tout pour séduire l’électorat, quoi.

Or, la Russie craque de part et d’autre depuis la réélection de Vla­dimir Poutine. Du scandale de la condamnation injuste des Pussy Riot aux performances économiques stagnantes du pays, en passant par les manifestations de plus en plus nombreuses visant le gouver­nement, l’histoire récente en Russie démontre que l’image ne suffit pas chez un dirigeant. Ça prend également de la compétence (et de l’ouverture dans le cas particulier de M. Poutine).

Oui, il est vrai qu’en ce moment au Québec, les politiciens bourrés de charme et adulés par la population ne courent pas les rues. Tou­tefois, des hommes et des femmes politiques de talent, il y en a plusieurs. C’est une chose de ne pas être surexcité par les acteurs politiques québécois, mais s’en est une autre de les juger inaptes à diriger la province parce qu’ils n’ont supposément pas « l’étoffe » d’un chef d’État.

Ainsi, une certaine tranche de l’électorat québécois (dont fait partie l’homme saoul mentionné précédemment) devra arrêter d’attendre la doublure de Barack Obama ou la réincarnation de René Lévesque. Certains de nos politiciens sont peut-être un peu ternes, mais il y en a parmi ceux-ci qui ont l’intérêt des Québécois et Qué­bécoises à coeur. Et c’est ce qui importe. À choisir, j’aime aussi bien voir à la tête du Québec un amant du beige compétent qu’un playboy chasseur de tigres incapable de gérer un gouvernement.

«Je les trouve plates nos politiciens». Oui, et après ? Si Poutine se présentait au Québec, vous voteriez pour lui ? Laissez-moi en douter.

Crédit photo Une : Courtoisie, www.kremlin.ru

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