Alice Chiche

Quand la motivation nous quitte | Chronique d’humeur

Il est 7 : 45, je suis réveillé dans mon lit depuis 45 minutes déjà et je me demande ce que je pourrais bien faire. Je suis incapable de me rendormir. Je pense beaucoup trop à mes examens qui s’en viennent, comme toujours, un peu trop rapidement. Depuis le début de la session, je me dis que je devrais aller m’inscrire au Peps, dans une activité sportive, ou ne serait-ce qu’au gym, dans le but de perdre cette bedaine que j’ai prise. D’autant plus que cette « bedaine » n’a cessé de croître depuis le début de l’année scolaire. Plusieurs heures assises à étudier ou à écouter les professeurs me dicter des paroles auxquelles mon cerveau s’abreuve. A contrario, je passe trop peu d’heures à exercer mes muscles qui s’atrophient pour faire place à la graisse. Chaque soir, après m’être empiffré pour le souper, je me dis que je devrais faire quelque chose, mais ma lâcheté l’emporte sans cesse.

Ce matin, je me dis que c’est le temps ou jamais. Que je devrais me lever de mon lit, me botter ce qui doit être botté et bouger. Je décide donc de prendre un déjeuner des plus santés : un bol de yogourt nature avec des fruits frais et des céréales granolas sans sucre. Je suis vraiment motivé. J’enfile mon habit de sport que j’avais jadis, payé extrêmement cher, dans un élan de motivation et que j’utilise à toutes les sauces, aussitôt que j’ai à faire le moindre effort physique, dans le but de rentabiliser mon investissement. Je chausse mes souliers de course plus légers que l’air et je sors des résidences.

Il fait un soleil de plomb, les nuages ont fait place au ciel bleu et pour la première fois cette année, la température extérieure est on ne peut plus agréable.

Que fais-je ?

En réalité, la motivation du matin fait place au questionnement. J’étais si excité d’enfin bouger que je ne me suis même pas questionné sur l’activité physique que j’allais pratiquer. Devrais-je simplement courir? Je me lance donc dans un jogging effréné en direction de la piste de course du Stade. En chemin, je me dis que je ne suis vraiment plus en forme. La douleur des crampes sur le côté de mon abdomen vient, sans cesse, me rappeler que la dernière fois que j’ai fait ce genre d’exercice, la température extérieure était la même, mais une année auparavant. Plus je me rapproche du Peps, plus ma motivation s’éloigne. À tel point que rendu sur place, je me demande si je ne devrais pas miser sur l’exercice musculaire plutôt que sur l’effort cardio-vasculaire.

Je m’installe donc sur le gazon synthétique sur lequel l’équipe de football de l’Université a gagné de si nombreux championnats. Juste l’idée de ces victoires et de l’effort déployé par ces athlètes lors de ces matchs ultimes fait remonter en moi une motivation irréductible.

Je décide de mettre mon lecteur de musique en marche, mais je me rends compte que j’aurais dû vérifier l’état de la pile avant de partir. Il ne reste que 10% d’autonomie à la batterie. Juste le fait de mettre la première chanson potable que je trouve sur mon lecteur fait descendre le pourcentage à 9% et maintenant, un état d’angoisse vient remplacer ma motivation qui me semblait si inébranlable.

Que faire ?

Je décide de poursuivre et de faire des redressements assis, quitte à les faire sans musique pour m’entraîner. C’est donc au son de la chanson que tout athlète écoute pour se motiver : Eyes of the Tiger, chanté par le groupe Survivor que je m’y mets. Après vingt répétitions, mes abdominaux chauffent et menacent de me lâcher. Je pousse la machine et j’y vais avec vingt autres répétitions. Je veux souffrir, car il faut souffrir pour être beau qu’ils disent. Après ces quarante redressements, c’est le temps d’une petite pause. Je m’accorde une minute de repos, après quoi, je referai le même processus.

La pause durera finalement cinq minutes.

Après avoir fait les quatre-vingts redressements assis, je me mets aux pushs up. Je fais la même séquence que j’ai réalisée pour les sit up. WOW ! Je suis fier de moi ! Quel entraînement je viens de faire, et ce, sans lâcher. Je retourne donc aux résidences en marchant d’un pas décidé, la fierté au visage et prêt à recommencer la même routine jour après jour, jusqu’à la fin de la session du moins.

Le lendemain matin, je me réveille à 7 :00 au son du cadran, que j’avais pris soin de régler la veille. J’ouvre les rideaux de ma chambre et vois que la température est quelque peu maussade à l’extérieur. Je remets donc ma séance d’entraînement du matin en doute.

Vaut mieux attendre à demain, la température sera probablement plus clémente.

Je recouche donc mon corps endolori par l’entraînement de la vieille, dans mon matelas au combien confortable, et je me rendors.

Le lendemain, je me réveille et la température extérieure semble parfaite pour l’entraînement. J’enfile mon habit d’exercice et je prépare mon petit déjeuner de champion, mais malheur ! Je n’ai plus de yogourt dans le réfrigérateur. Sans lait ni yogourt, je n’ai pas envie de croquer mes céréales granolas sans liquide. Je vais donc à l’épicerie, au rez-de-chaussée du bâtiment. Je me dis que je vais prendre les escaliers, ainsi, je ferai ma séance de cardio en remontant les six étages qui mènent à ma chambre. En route, je me rends compte que mes jambes ne se sont pas remises de l’entraînement d’il y a deux jours et que c’est peut-être une mauvaise idée de pousser la machine en refaisant un entraînement complet ce matin.

Je décide donc de me rendre au stade en automobile, pour faire mes exercices.

Je fais mes redressements assis et mes pushs up comme il se doit. En revenant aux résidences, je suis fier de moi, de ne pas avoir complètement abandonné.

Lundi, une semaine plus tard, je me réveille au son de mon cadran. Il est 9 : 45. Mon cours d’anthropologie a lieu dans 45 minutes. Mon pavillon est à l’autre bout du campus. Je me demande si j’y vais au jogging.

Déjà quatre jours ont passé sans que mes muscles n’aient complètement récupéré des deux séances d’entraînements de la semaine précédente. Je n’ai pas refait d’exercice depuis. La motivation me quitte jour après jour. Mon affliction sur le sort de mon ventre disparaît de plus en plus. De toute façon, j’ai perdu six livres en une semaine. Nul besoin d’entraînement, ne suffit que de manger santé me dis-je.

Je vais donc à mon cours en auto.

Sans m’en rendre compte, mon étude aussi a écopé de ma faiblesse mentale. Les Netflix, You Tube et GTA V ont gagné sur la motivation d’avoir les meilleures notes de l’année.

Depuis une semaine, je préfère me plaindre de ma douleur physique plutôt que de me concentrer sur les bienfaits qui suivent ces durs efforts.

J’avais même entrepris d’écrire un journal de bord, il y a une semaine, dans lequel je noterais tous mes efforts lors du dernier droit de la session. Afin d’avoir en tête, l’an prochain, au même instant, le récit de mes exploits qui me motiverait à passer au travers de ce moment si pénible que, nous, étudiants, subissons chaque année : le « rush » de fin de session.

Mais ça aussi, ce fut un échec lamentable.

Si vous avez eu la motivation de vous rendre jusqu’ici dans mon récit, vous vous rendrez compte que moi, au contraire de vous, je n’ai pas fini… Que mon récit, si détaillé au commencement, a fait place à une histoire quelque peu décousue et incomplète.

C’est donc sur ces mots que je finis mon journal de bord, à une semaine de la fin des cours.

Si vous vous êtes reconnu de quelque manière que ce soit dans ce récit, bienvenu dans le club des démotivés. Chaque jour, chaque semaine, chaque année, on se fixe des buts que l’on n’atteint pas, mais prenez par exemple ce récit. Notre protagoniste, bien que lâche, est tout de même motivé. Il s’est fixé des buts (démesurés toutefois) qui ont fait en sorte qu’il était impossible, pour lui, de les atteindre. Un marathon ne se gagne pas en une heure. Il faut conserver de l’énergie pour le fil d’arrivée. Avant de vous fixer des objectifs, soyez certain de pouvoir les atteindre. Ainsi, vous ne serez pas déçu de votre incapacité, mais fier de vos accomplissements.

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