Photo : Raphael Lapierre

Mouvement anti-agressions : #EtMaintenant…quoi ?

C’est avec la volonté de poursuivre la vague de dénonciations d’agressions sexuelles engendrée par le mouvement #MoiAussi que se sont réunies plus d’une centaine de femmes pour lancer la campagne #EtMaintenant. Elles espèrent, par le biais de celle-ci, perpétuer la réflexion commune dans l’espace public tout en souhaitant que l’égalité entre les sexes domine les mentalités.

Aurélie Lanctôt et Léa Clermont-Dion, deux de ces instigatrices étaient récemment de passage à l’émission Tout le monde en parle pour présenter leurs motivations en guise de soutien à tous ceux et celles qui ont pris parole dans la foulée. D’ailleurs, on peut lire, dans la déclaration commune mise en ligne et visant à lancer le mouvement #EtMaintenant :

« […] les retombées de #MoiAussi sont positives. La réflexion et le dialogue se sont amorcés, dans l’intimité comme dans l’espace public. […] Et maintenant ? Nous voulons continuer sur cette lancée, les hommes à nos côtés […] Nous vous invitons à joindre ce mouvement, pour que désormais les ‘’non‘’ s’élèvent quand il le faut. Pour que ce soit à nos désirs et à nos amours qu’ensemble, hommes et femmes, nous disions ‘’oui’’. »

Sur la bonne voie

La professeure à la faculté de droit de l’Université Laval, Louise Langevin, juge que la médiatisation de la violence sexuelle a elle-même mené à une prise de conscience généralisée.

Par exemple, la GRC, le SPVM et la Sûreté du Québec ont choisi d’adopter la méthode de Philadelphie, laquelle consiste à rouvrir des dossiers de plaintes fermés précocement, tandis que les gouvernements ont emboîté le pas pour contrecarrer la problématique. « Les gouvernements agissent sur l’intimidation et la violence sexuelle. Le projet de loi 151 a été adopté au mois de décembre dernier, par la ministre David et il touche les campus universitaires », illustre-t-elle.

Or, la spécialiste en droit des femmes estime que la révolution morale prendra du temps et qu’elle doit, pour être fonctionnelle, s’opérer à tous les niveaux : « N’oubliez pas, les progrès que les femmes accomplissent sont très fragiles. C’est un changement de mentalité et ce sont toutes les institutions de la société qui doivent y travailler ».

Et maintenant, à l’UL

La société québécoise ayant connu de grands bouleversements des mentalités, les retentissements se sont aussi fait sentir au sein de la communauté étudiante lavalloise. On assiste présentement, selon les dires de Christine Delarosbil, coordonnatrice des opérations au Centre de prévention et d’intervention en matière de harcèlement (CPIMH), à une hausse des demandes d’aide. Les mouvements sociaux médiatisés offriraient aux victimes un point de repère sur lequel se fier afin de comprendre qu’elles ne sont pas seules, alors que d’autres annoncent publiquement être dans la même situation. Par effet d’entraînement, les victimes seraient alors plus enclines à dénoncer, ces dernières sachant qu’elles seront appuyées sans conteste.

Alors que le mouvement #MoiAussi demeure, son successeur #Etmaintenant entraîne encore un nombre croissant de dénonciations. Celle qui œuvre sur le terrain auprès des victimes présume donc que « les gens ont de la force en voyant le nombre de dénonciations. Les femmes sont encouragées à dénoncer et elles se sentent plus fortes ».

 Non seulement assiste-t-on à une hausse de signalements, mais le nombre d’appels provenant de témoins de situation d’agression ou de violence ne cesse pas non plus de croître. « Les gens ont une moins grande tolérance, a-t-elle poursuivi. Ils se sentent responsables d’agir pour être en cohérence avec ces mouvements sociaux ».

La campagne Sans oui, c’est non qui se déroulera en février prochain, à l’Université Laval abonde dans la même veine que les phénomènes #MoiAussi et #EtMaintenant. Tout comme ceux-ci, on vise principalement à « promouvoir la culture du consentement, les ressources et à développer la responsabilité des témoins. C’est notre objectif de déresponsabiliser les victimes, d’amener les gens à se respecter et à comprendre le malaise de l’autre personne quant à la relation sexuelle », a expliqué Mme Delarosbil.

 Si une grande majorité de gens semble en accord avec les mobilisations de masse, d’autres pensent plutôt que ces derniers sont le siège d’une forme de puritanisme en voie de nuire à la liberté sexuelle des femmes, durement acquise il y a quelques décennies. Dans la lettre rédigée notamment par l’actrice française Catherine Deneuve et publiée dans le journal Le Monde, les femmes signataires s’insurgent contre le féminisme victimaire. C’est d’ailleurs en réponse à cette critique que l’on a instauré #EtMaintenant.

« La lettre de Catherine Deneuve a reçu 100 signatures, mais combien de personnes ont adhéré à #MoiAussi et ont été provictimes en démontrant une responsabilisation dans la création d’un monde plus respectueux ? Des milliers ! Alors que 100 femmes signent une lettre, on leur donne beaucoup de presse et c’est dommage parce qu’on voit que des gens nous contactent pour s’impliquer. Il y a vraiment une belle implication qui se crée chez les gens et peut-être faudrait-il les nommer », a finalement laissé tomber celle qui œuvre au CPIMH.

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