Plusieurs enjeux autour du marché du carbone

Pour célébrer le lancement du Laboratoire interdisciplinaire de la responsabilité sociale des entreprises (LIRSE), la Faculté des sciences de l’administration (FSA) a tenu sa toute première conférence sur le marché du carbone jeudi dernier, au Carré des affaires de l’Université Laval.

Le LIRSE regroupe trois facultés à l’UL : les sciences de l’administration, les sciences sociales et le droit. Son but est d’unifier les diverses disciplines au développement de mécanismes favorisant le principe de développement durable.

Composé de chercheurs, de 11 étudiants de l’université ainsi que de professeurs, le groupe a pour mission l’étude et la construction d’initiatives favorisant l’implantation d’infrastructures de marché qui maximisent les bénéfices sociaux et environnementaux des entreprises dans une économie contemporaine. Le tout dans une perspective de réduction à l’échelle provinciale des gaz à effet de serre (GES).

Cette première conférence de plusieurs à venir portait sur les débats et les perspectives futures du marché du carbone. Ce dernier est en effet un outil incroyable pour lutter contre les changements climatiques.

Animé par la professeure assistante au département de management de l’UL, Nolywé Delannon, l’événement prenait la forme d’une table ronde recevant trois invités de choix en développement durable.

Le directeur des affaires publiques et gouvernementales de Gaz Métro, Frédéric Krikorian, le directeur général pour le Québec de la fondation David Suzuki, Karel Mayrand, et le coordonnateur du marché du carbone du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), Stéphane Legros, étaient sur place.

En quoi consiste le marché du carbone?

Il s’agit en fait d’une stratégie énergétique de tarification des émissions de gaz carbonique, mise en place par le gouvernement du Québec en 2015. L’action s’inscrivait dans une optique d’amélioration du rendement énergétique des entreprises et de réduction des émissions de GES.

Depuis, toutes les entreprises en sol québécois considérées comme étant d’importantes émettrices de CO2 – c’est-à-dire plus de 25 000 tonnes d’émission par année – sont assujetties à ce marché du carbone. Elles doivent ainsi payer un prix pour chaque émission de GES produite.

Il s’agit en fait d’un prix du carbone fixé, auquel s’ajoutera une augmentation de 5 % par année en combinaison à la présente inflation. Le marché mis en place incite les grands joueurs à entreprendre un virage plus vert en innovant dans les nouvelles technologies.

Or, cette initiative a ses limites. « Il y a très peu de potentiel dans la réduction des émissions généré par la production énergétique », indique le coordonnateur au marché du carbone pour le MDDELCC, Stéphane Legros. 99 % de l’énergie produite en sol québécois provient du secteur hydroélectrique. La réglementation doit ainsi se faire de façon à atteindre une portée plus large, selon lui, entre autres dans le secteur industriel et du transport.

L’approche du marché du carbone se fait de manière intégrée et cohérente tout en permettant une certaine flexibilité dans la portée qu’aura ce marché. Au sens où l’entend M. Legros, cela permet « d’atténuer l’impact des entreprises qui sont confrontées à la concurrence internationale », jugée parfois presque déloyale.

Les petites entreprises

Toutefois, les petits émetteurs (moins de 25 000 tonnes par année) ne sont pas assujettis à cette logique et ne sont donc pas incités à changer leur comportement et à réduire leurs émissions, si minime puissent-elles être.

Tout comme les grands émetteurs, les petits développent tout de même des innovations vertes et peuvent se voir octroyer des crédits compensatoires par le gouvernement. Ceux-ci pourront ensuite être vendus par les entreprises aux enchères et être rachetés par d’autres entreprises qui, n’ayant pas réussi à atteindre leurs objectifs de réduction, se doivent de verser une certaine compensation.

Néanmoins, selon la directrice de David Suzuki section Québec, Karel Mayrand, il ne s’agit pas là d’un « droit de polluer », puisqu’il y a tout de même des objectifs, des obligations claires de réduction de la pollution. « Si polluer ne coûte rien, il n’y a aucun incitatif dans le marché à réduire ou à stopper la pollution », mentionne-t-il.

Mouvement à l’externe

Suivant le décret du gouvernement fédéral d’imposer une tarification du carbone à l’échelle nationale tout en laissant le choix du type de tarification aux provinces, l’Ontario a annoncé récemment qu’elle rejoindra le Québec dans ce marché du carbone. La décision encourage et valide le choix du Québec d’instaurer une tarification du carbone, et ce, bien avant que le gouvernement fédéral n’ait entrepris quelconque projet.

« La capacité d’adaptation d’une espèce dépend beaucoup du temps qu’elle aura pour s’adapter », a d’ailleurs noté le vice-recteur exécutif et au développement de l’Université Laval, Éric Bauce, en levée de rideau.

Tous les fonds amassés par cette tarification (sauf les crédits octroyés aux entreprises vendus en enchères) iront aux fonds verts qui contribuent au financement d’innovations écologiques comme l’électrification des transports et la biométhanisation.

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