Polimètre : L’analyse lavalloise des promesses tenues… ou brisées

L’équipe du POLTEXT, affiliée au Département de science politique de l’UL, fait beaucoup jaser après la création du Polimètre Trudeau. Suivant l’évolution des promesses politiques du nouveau premier ministre, ce nouvel outil est le fruit du travail d’enseignants, mais aussi d’étudiants.

Depuis maintenant cinq ans, le jeune comité poursuit deux missions socio-politiques précises. Son mandat vise à compiler des données de recherche, mais aussi à mieux communiquer avec le public. « On accumule des données sur la réalisation des promesses électorales à des fins d’analyse, résume François Pétry, fondateur principal de la plateforme. On souhaite aussi déconstruire l’évidence qui démontre que les citoyens sont très peu informés. »

À ne pas confondre : le site du POLTEXT se distingue de ses semblables comme Trudeaumetre.ca. Puisque le projet est opéré par toute une équipe de recherche, l’analyse est plus exhaustive, estiment ses membres. « Contrairement à d’autres, nos classements sont effectués par des experts et [on respecte] une méthodologie rigoureuse, poursuit Evelyne Brie, étudiante-membre à la maîtrise en science politique. La plus grande force du Polimètre, c’est sa rigueur. »

Plusieurs membres, plusieurs fonctions

Parraînée par le Centre d’analyse des politiques publiques de l’UL (CAPP), l’initiative amène les universitaires et les professeurs à travailler étroitement ensemble. « Camille Girard-Robitaille, au baccalauréat, et moi-même, à la maîtrise, effectuons les classements des promesses, explique Evelyne. Nous confirmons le tout avec des doctorants et les enseignants titulaires liés au projet. » Le doctorant Dominic Duval s’occupe notamment de l’aspect technique du programme.

L’espace virtuel est vaste et compte beaucoup plus que des polimètres. Plusieurs textes politiques y sont numérisés et diverses bases de données sont accessibles rapidement, sans oublier les formations en science politique qui sont offertes à tous.

Un projet fort utile et heureusement financièrement soutenu, exprime M. Pétry. « J’ai lancé ce concept grâce au partenariat avec le Fonds de recherche québécois pour la société et la culture, raisonne-t-il. Il faut payer toutes ces heures mises à colliger et à coder les données. »

Le caractère proprement scientifique de l’équipe lui permet de pousser l’analyse des dispositifs politiques encore plus loin. Certains parallèles sont observables. « Comme la sélection des promesses est uniforme, elle permet la comparaison avec d’autres gouvernements, qui furent analysés par la même méthode », observe l’étudiante.

Plusieurs autres projets naissent au Département de science politique. Récemment, le Lexicodeur, capable de calculer le contenu émotionnel d’un acteur politique, a vu le jour. « Dans un domaine comme la politique où la sensation est essentielle, ce dictionnaire permet la description du ton des discours médiatiques », affirme le fondateur principal du groupe.

Avec ses quatre polimètres (dont les trois autres portent sur les gouvernements Couillard, Marois et Harper), qui cumulent un total de 756 promesses, les travaux du groupe, disponibles sur le web, se révèlent très utiles pour plusieurs acteurs de la scène politique d’ici. « Nous sommes en contact avec des partis politiques, conclut M. Pétry. L’équipe de Jean Charest, par exemple, a été très intéressée par ce qu’on faisait, tout comme [celle du] Parti québécois. »

Trudeau après 5 mois au pouvoir

Voilà maintenant cinq mois que le Canada est dirigé par l’équipe libérale de Justin Trudeau. Depuis le 19 octobre 2015, certaines tendances se dessinent. Alors que des promesses ont déjà été tenues, d’autres n’ont été qu’abordées ou carrément rompues. Impact Campus dresse une courte liste.

Trois promesses tenues

Fin des frappes aériennes en Syrie et en Irak : Le gouvernement Trudeau a tenu parole sur ce point, face à une grande opposition. Après de longs débats à la Chambre des communes, les dernières attaques canadiennes ont cessé dès le 15 février dans cette région. Les missions de surveillance et de renseignement n’ont toutefois pas été interrompues.

Lancer l’enquête publique des femmes autochtones disparues au pays : En décembre dernier, la ministre des affaires autochtones Carolyn Bennett a lancé la première phase d’une enquête publique demandée depuis longtemps. La première phase de l’investigation, en branle depuis quelques mois, consiste en la rencontre des survivantes, des victimes et de leurs familles.

Liberté des scientifiques fédéraux dans leurs propos : Quelques semaines après son entrée en mandat, le gouvernement Trudeau a annulé les règles empêchant les experts gouvernementaux de parler ouvertement de leurs travaux. Toute la communauté scientifique s’est dite heureuse de ce que plusieurs ont qualifié d’un grand pas pour la liberté d’expression.

Trois processus en cours

Renversement des compressions budgétaires chez SRC/CBC : Dans une lettre adressée à la ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly, Justin Trudeau a fait part de son intention de rétablir et augmenter le financement des services publics de radiodiffusion. Il a aussi été question de revoir la manière dont le C.A. des deux groupes serait bâti. Aucune action concrète n’a toutefois été entreprise en ce sens.

Accroître le financement à l’Office national du film et à Téléfilm Canada : Le gouvernement s’est dit déterminé, en début de mandat, à rétablir le programme PROMART (Promotion des arts à l’étranger). Concrètement, les investissements de 25 millions de dollars chacun n’ont toujours pas été versés aux deux organismes télévisuels. Le budget du Conseil des arts n’a pas non plus été officiellement doublé, tel que promis.

Des juges bilingues à la Cour suprême : À la suite des rumeurs selon lesquelles plusieurs juges de la plus haute instance fédérale au Canada ne parlaient pas le français, le gouvernement Trudeau a promis de vouloir rajuster le tir. Rien n’a toutefois été encore actionné pour assurer le bilinguisme fonctionnel de l’institution juridique.

Trois pactes brisés

L’accueil de 25 000 réfugiés pour la fin de 2015 : En début de mandat, Justin Trudeau a affirmé vouloir accueillir 25 000 réfugiés syriens en sol canadien à la fin de l’année. Un objectif repoussé une fois déjà par le gouvernement, que plusieurs qualifient de simplement trop ambitieux.

Marquage des armes à feu provenant de l’importation : Pourtant très positif sur l’implantation d’un système de repérage des armes d’ailleurs, Justin Trudeau et sa bande n’ont pas su tenir cette promesse. Celle-ci a été repoussée à juin 2017. Il s’agissait de la septième fois, dans l’histoire canadienne, que l’on repoussait cette mesure.

Un déficit de moins de 10 milliards : En campagne électorale, le nouveau gouvernement a promis de tenir un déficit national en-dessous des 10 milliards, jusqu’en 2017. Le ministère des Finances a pourtant déjà indiqué qu’il atteindra 18,4 milliards de dollars dès l’an prochain.

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