Photo: Courtoisie, Ted's Photo

Si Québec se dotait d’un métro?

En mars 2018, la Ville de Québec a dévoilé son projet de réseau de transport structurant, estimé à 3,3 milliards de dollars. Depuis cette annonce, citoyens, experts et analystes se sont prononcés en faveur ou en défaveur du projet. Le collectif J’y vais en métro propose un métro pour la ville de Québec et pose la question suivante : le tramway c’est un beau projet, mais est-ce le bon projet?

Jacques Vandersleyen, ex-régulateur de la Société nationale des chemins de fer belges et membre du collectif, a soulevé ce point lorsqu’Impact Campus l’a rencontré. Selon lui, Québec fait une grave erreur en voulant construire un réseau structurant de transport en commun autour d’un tramway. Le réseau présenté par la ville comprend 23 kilomètres de tramway, dont 3,5km en souterrains, 17km de lignes de trambus dédiées ainsi que 16km d’infrastructures dédiées au transport en commun. « La ville a privilégié le réseau structurant tramway-trambus, car ça permet de desservir un plus grand nombre de personnes. C’est pourquoi on a fait ce choix », résume Paul-Christian Nolin, attaché de presse du maire.

En juin 2018, le collectif a présenté une première ébauche de métro en calquant le projet actuel de réseau structurant. Cette version comportait 12 kilomètres de métro (du Centre Vidéotron au Phare) et 23 kilomètres de trambus, couvrant le territoire le plus large possible. « On a eu une bonne réception, mais on se faisait dire que ça n’allait pas assez haut dans Charlesbourg », explique Ali Magassouba, économiste et membre du collectif.

J’y vais en métro est retourné au travail pour présenter une seconde version d’un projet de métro. Celui-ci comprend notamment 16,3 kilomètres de métro, de la 55erue à Charlesbourg à l’angle des autoroutes Henri-IV et Duplessis, par le chemin des Quatre-Bourgeois. Il y a également 33km de trambus et de voies dédiées au transport en commun. Au total, le projet du collectif est évalué à 4,4 milliards de dollars. « Vu la durabilité supérieure du métro, qui dure 90 ans plutôt que 35 ans pour un tramway, on peut générer des économies actualisées sur les années futures. C’est donc dire qu’on pouvait mettre 1,1 milliard de plus et au final, le coût est équivalent », analyse M. Magassouba. De son côté, la ville de Québec reste convaincue que le projet actuel est le meilleur, en tenant compte de toutes les contraintes. « On a travaillé près de 10 ans sur nos chiffres. On a un trajet optimal et chaque section du parcours a été étudiée. Les enveloppes budgétaires des gouvernements ont des limites et d’autres villes importantes ont elles aussi des demandes », résume M. Nolin.

Les avantages d’un métro

Pour le collectif, les avantages d’un métro à Québec sont indéniables. Pour l’usager, le métro est plus rapide (41 km/h comparativement à 23km/h pour le tramway), il a une capacité d’accueil plus grande (1200 passagers vs 260 pour le tramway) et les stations souterraines sont à l’abri des intempéries québécoises. « Les tramways en Europe, c’est beau, c’est cute, mais quand tu les prends pour vrai, ça ne va pas vite et ce n’est pas efficace », analyse Jacques Vandersleyen, qui a travaillé sur le tramway de Manille. « Imaginons un concert de Céline Dion ou de Paul McCartney au Centre Vidéotron. Allez vider les 18 000 personnes avec une capacité d’accueil de 260 personnes d’un tramway. Bonne chance! », illustre-t-il.

Le collectif J’y vais en métro estime que le taux de transfert de la voiture vers le tramway est de 3%, tandis que pour le métro, il est de l’ordre de 15-20%. « On croit faussement que les automobilistes vont délaisser leur voiture s’ils voient le tramway circuler de façon fluide. Ça ne s’est vérifié nulle part. Il faut des incitatifs de toutes sortes », explique M. Vandersleyen. Selon lui, Québec devrait instaurer des déductions fiscales sur l’achat de parcours de transport en commun.

Pour les résidents, les avantages d’un métro se font sentir autant pendant qu’après la construction. La construction d’un métro se fait à l’aide d’un tunnelier, comparativement au tramway qui doit se faire par dynamitage. Les 3,5km de tramway en souterrains dans le projet actuel créeront des vibrations et des dérangements pendant une longue période, selon le collectif. En surface, le tramway nécessite l’installation de caténaires, des câbles électriques aériens qui transmettent l’électricité au tramway lui permettant de se déplacer. « Avec le métro, on ne crée pas cette pollution visuelle », déclare Ali Magassouba.

Pour le contribuable, il y a d’autres avantages à la construction d’un métro à Québec. Les infrastructures et les rames sont plus durables (50 ans vs 25 ans pour le tramway) et les coûts d’opération sont moindres. Le métro ne nécessite pas de conducteur ni de déneigement de la voie. « On oublie souvent qu’il y a des coûts récurrents lorsqu’un projet est terminé. Ces coûts pour le tramway vont faire augmenter la facture, alors que c’est beaucoup moindre pour le métro », analyse Jacques Vandersleyen.

Est-il trop tard?

Le collectif J’y vais en métro n’a pas encore rencontré les autorités politiques, tant municipales que provinciales. « On comprend qu’il sera difficile pour M. Labeaume de faire marche arrière, mais il l’a fait pour le SRB et il est revenu pour la deuxième fois avec un tramway. Alors est-ce le projet du maire ou c’était le projet du gouvernement libéral ? », questionne M. Vandersleyen. À la ville de Québec, la réponse est claire : le mode de transport ne changera pas. « Le projet est rendu trop loin pour mettre sur la glace encore quatre ans. Le métro a été étudié dès le début et c’était trop cher si on voulait un projet utile et qui desservait le plus grand nombre de personnes », illustre l’attaché de presse du maire Régis Labeaume. M. Nolin ajoute que la ville est ouverte aux modifications, telles que l’allongement ou la modification d’un parcours, mais pas un changement de mode de transport.

La Coalition Avenir Québec, maintenant au pouvoir, soutient le projet de réseau structurant de la ville de Québec, à condition qu’il y ait une interconnexion avec Lévis. « En regardant le ratio de population, Lévis aurait droit à 800 millions de dollars en subventions pour le transport en commun. En additionnant les deux montants [Québec et Lévis], on arrive à 4 milliards, ce qui est assez pour notre projet de métro », souligne Ali Magassouba. Pour sa part, la ville de Québec connaît cette condition. « L’interconnexion avec Lévis est toujours importante. Nous leur avons présenté quatre scénarios et ils sont toujours sur la table », renchérit M. Nolin.

Pour appuyer leur projet, le collectif souligne que Bruxelles, Amsterdam et Rotterdam ont construit un tramway au départ, mais se sont finalement dotées d’un métro. « Ces villes ont pris une option sur le futur pour les années 2050-2080. À Québec, on vise 2030, mais après ? On se dit à ce moment-là, on agrandira pour le métro. Ils vont s’en mordre les doigts s’ils doivent convertir les lignes de tramway en métro », estime Jacques Vandersleyen.

 

Consulter le magazine