Photo : Élia Barbotin

Mobilité durable : les étudiants au coeur du débat

Un événement important liant notamment le RTC, la Ville de Québec et l’Université Laval s’est déroulé le 12 septembre dernier. À Expocité, le Sommet international sur la mobilité urbaine organisé par le Réseau de transport de la capitale (RTC) visait à trouver des solutions au problème de transport en commun inefficace.

« Le transport, c’est comme la psychologie et l’économie, tout le monde en a son opinion. » C’est ce qu’a déclaré en lever de rideau Vincent Patterson, spécialiste et conseiller en transport, qui était animateur pour l’occasion, illustrant ainsi le blocage dans la Vieille Capitale.

Le panel riche en expertise réunissait cinq invités de différents horizons : la rectrice de l’Université Laval, Sophie D’Amours,  la professeure en génie civil à la Polytechnique de Montréal, Catherine Morency, le président du groupe Optel, Louis Roy, le chroniqueur et économiste, Alain Dubuc, et l’associé principal chez XPND Capital, Alexandre Taillefer.

Confirmant au passage l’affirmation de M. Patterson, chacun d’entre eux avait son approche particulière pour traiter la problématique. Tous semblaient néanmoins s’accorder sur l’importance urgente d’améliorer les réseaux de transport de Québec.

« Les défis de Québec sont grands », reconnait d’emblée Alain Dubuc.  En plus de la « culture collective grandement basée sur l’automobile », il cite aussi certaines autres difficultés comme le dénivelé, le fleuve qui sépare la région, l’étalement particulier et le climat « inhumain » de l’hiver. Ces éléments rendent, selon lui, plus complexes la gestion et la planification de réseaux de transport collectif.

La rectrice de l’Université croit tout de même qu’il est important d’insister sur les progrès qui ont été faits depuis quelques années. L’Université Laval démontre effectivement des parts modales « intéressantes » chez son personnel et ses étudiants.

« Depuis que l’Université a entrepris son projet de développement durable, on voit clairement une diminution du nombre de voitures sur le campus. » -Sophie D’Amours

Selon les données qu’elle avance, 47% des déplacements se font maintenant par automobile, 11% par covoiturage, 31% par autobus et 11% par vélo ou à pied dans la communauté étudiante.

Avec ses plus de 30 000 déplacements par jour, l’Université Laval demeure un pôle de transport important de la ville de Québec et fait figure à part dans la région, en termes de mentalités surtout. « Nos étudiants ont envie de développement durable », ajoute la rectrice, reconnaissant qu’il y a tout un aspect de traits générationnels chez les jeunes à considérer en souhaitant innover.

La mobilité libre, possible ?

Pour plusieurs citoyens à Québec, l’automobile demeure la seule solution viable.  « Il importe donc de réduire la dépendance à un mode de transport », souligne Catherine Morency. Celle-ci suggère ensuite de laisser à l’usager la liberté de choisir, afin qu’il ne devienne pas otage d’un seul mode de transport, ancré dans une pensée unique, que ce soit pour l’automobile ou l’autobus.

« Il faut reconnaitre que la voiture coute très cher », lance pour sa part Alexandre Taillefer, soulignant qu’il y a tout un problème d’accès à concevoir. Il dénote ainsi l’importance de considérer les moyens et les besoins de chaque tranche de la population, et ce, peu importe le mode de transport choisi.

De son côté, Louis Roy adopte un ton plus alarmiste. Il met plutôt grandement en doute la viabilité de l’actuel mode de vie de la population de Québec. Selon lui, il y a d’abord une urgence d’agir pour le climat, et non pour soi. « Le setup actuel est créé pour satisfaire l’individu et c’est tout », plaide-t-il.

« Il y a beaucoup de politique quand vient le temps de réaliser des projets de transport en commun », poursuit M. Dubuc, remarquant ainsi la sensibilité du sujet et de certains projets comme le Service rapide par bus (SRB). Il croit que, pour qu’une population se range derrière un projet de transport structurant, il faut être en mesure de déclencher un engouement citoyen en soi.

M. Roy semble abonder dans le même sens. « Tout le monde dans la population n’a pas le même niveau de conscience et il faut oublier le rêve selon lequel notre gouvernement change vraiment les choses. Ça, il faut que ça parte de nous », ajoute-t-il.

Bénéfices marginaux

La nouvelle leader de l’Université Laval a bien insisté sur le fait que les transports actifs et collectifs « vont de pair ». Selon elle, tous deux présentent des avantages pour la santé réelle et financière de la population.

Sur ce point, Mme Morency rejoint les propos de la rectrice. « 20% des déplacements pourraient se faire à pied ou en vélo dans notre quotidien », estime-t-elle. Pour faciliter ces modes de transport, il suffirait, selon elle, de « réallouer l’espace » afin que les gens puissent marcher et faire du vélo dans des conditions plus « convenables ».

Aux yeux de certains, les avantages liés à des investissements en transports collectifs et actifs ne sont pas aussi clairs qu’en santé et en éducation. « Les bénéfices du transport en commun sont parfois moins évidents et moins tangibles, on doit l’admettre », soutient M. Dubuc, donnant en exemple la diminution de la congestion, enjeu très chaud dans la capitale.

Des investissements de 500 M$ ont d’ailleurs été annoncés plus tôt cette année pour élargir l’autoroute Henri IV avec comme objectif de diminuer la taille des bouchons. « Les autoroutes ne sont même pas utilisées à pleine capacité pour la simple et bonne raison qu’il y a encore plein de sièges vides dans nos voitures », poursuit la professeure à la Polytechnique, plaidant elle aussi pour une amélioration de l’efficacité des circuits de bus.

Des bâtons dans les roues

L’avènement du numérique a progressivement mené à une expansion des intérêts privés dans le domaine des transports. Les entreprises privées offrent dorénavant une sélection variée, qui inclut des locations à court terme, du covoiturage, des services d’autopartage ou encore des services de taxi.

Les panellistes croient à ce sujet qu’il y a un manque de communication entre les opérateurs publics et privés. Le blocage contreviendrait en fait à la gestion rigoureuse et efficace de la mobilité urbaine. Suggestion : un partenariat entre les deux sphères qui permettrait entre autres d’avoir accès aux données d’utilisation du réseau et de tout le territoire.

« Je pense qu’on a cette responsabilité d’obliger les acteurs privés à ouvrir leurs données dans le contexte », revendique Catherine Morency. Sans pour autant exiger que les données soient disponibles à tous, elle veut ainsi permettre une planification plus juste et exhaustive, qui intégrerait tous les différents moyens de se déplacer, de l’autopartage à l’autobus.

Réponse de la Ville

À la suite du panel, l’événement a pris des allures plus institutionnelles avec la présentation des discours du président du RTC, Rémy Normand, et du maire de Québec, Régis Labeaume.

« Nous voulons offrir à Québec le réseau de transport qu’elle mérite », déclare solennellement le président du RTC, Rémy Normand, en toute fin de conférence. Il suggère carrément une « révision complète du réseau » et parle d’une nouvelle installation mobile » réunissant plusieurs modes de transport. « L’application pourra proposer par exemple le chemin le plus rapide ou le moins cher, et le bus n’aura plus le fardeau d’être la solution unique dépendamment du territoire », affirme-t-il.

Visiblement amer du sort qu’a connu son projet de service rapide par bus (SRB), le maire Labeaume est catégorique. « Quelqu’un nous a laissé tomber et nous avons dû abandonner le projet », concède-t-il,  pointant subtilement en direction du maire de Lévis, Gilles Lehouillier, qui s’est retiré.

Il se dit aussi conscient de l’importance qu’occupe un système de transport collectif par rapport à l’attractivité d’une ville américaine. « Ce ne sont pas seulement les militants qui en font la demande, il y a les entreprises aussi qui demandent à la ville un système de transport structurant et fonctionnel », conclut-il.

Les nouvelles entreprises et les jeunes pourraient d’ailleurs changer la donne, selon lui.

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