Alain Denault - Photo : Wikicommons

Paradis fiscaux : Quelle souveraineté ?

La conférence d’Alain Deneault, La souveraineté à l’ère des paradis fiscaux a offert un regard très noir de la mondialisation et très pessimiste sur la souveraineté du Québec, mais aussi sur la souveraineté de tous les états.

En effet, le directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris et auteur de nombreux livre dont le totalitarisme pervers : D’une multinationale au pouvoir ne voit pas d’un bon œil le libre marché international et la régression du pouvoir des états. Il explique dans sa conférence comment les paradis fiscaux minent l’indépendance des états.

D’abord, les erreurs passées du Québec

Sans vouloir regarder de haut les anciens mouvements indépendantistes, on peut, selon lui, remettre en cause quelques-une de leurs décisions. D’abord, le nom même du mouvement dit souverainiste. Il représente selon lui un euphémisme, par rapport à ce que le mouvement est.

La lutte souverainiste a été trop longtemps vue comme un combat entre Québec et Ottawa, ce qui n’est pas le cas, affirme le conférencier. C’est plutôt le Québec contre l’institution inefficace qu’est le Canada. Plusieurs provinces pourraient avoir à gagner en se séparant du pouvoir fédéral. Il rappelle au passage le mouvement patriote des années 1830, qui n’était pas un mouvement exclusivement québécois.

Finalement, il critique la politique étrangère québécoise souvent trop centrée sur la France. Bien que celle-ci ait beaucoup de liens avec la province, tant historiques que culturels, un rapprochement avec les pays scandinaves aurait été probablement très bénéfique. Ceux-ci partagent le même climat, ont une population relativement semblable et ils ont une économie prospère, rappelle Alain Deneault.

La souveraineté en péril

L’auteur souligne que si le Québec veut devenir souverain, il faut d’abord se pencher sur le concept même de la souveraineté d’aujourd’hui. En effet, la souveraineté des états recule de plus en plus, car le pouvoir de l’État diminue alors que celui des entreprises avance.

Ce recul du pouvoir se fait souvent sur une base de volontariat des états qui abandonnent leur pouvoir pour le mieux-être des entreprises, mentionne l’invité en ajoutant que les états sont de plus en plus gérés comme des entreprises. Alain Deneault prend pour exemple les traités de libre-échange qui privent les états du droit d’intervenir dans ses propres affaires, mais aussi qui augmentent les inégalités et qui facilitent l’exploitation des populations pauvres par les grandes entreprises. Ces accords sont théoriquement bons pour le consommateur et réduisent les prix, mais, toujours selon le philosophe, ce n’est pas ce que les chiffres démontrent.

En plus d’empiéter dans les affaires de l’État, les entreprises sont de moins en moins taxées. Seulement 10% des revenus de l’État viendraient des grandes entreprises tandis que du même coup, on surtaxe les PME, illustre Alain Deneault.

Les paradis fiscaux, une souveraineté qui nuit aux autres états

« Un état abuse de sa souveraineté au détriment d’un autre, c’est ça les paradis fiscaux », avance l’auteur et professeur. Le but, selon lui, c’est d’établir une zone d’ultra permissivité qui encourage la mécanique des paradis fiscaux et ainsi, détruire la souveraineté des autres états. C’est une stratégie gagnante pour toutes les multinationales. Plutôt que de trouver des moyens de faire face à ces pratiques malhonnêtes ou de lutter contre ces entreprises, on coupe les taxes pour les encourager à venir s’établir ici et on aggrave de plus en plus le problème.

Pour mettre cette mécanique en évidence, Alain Deneault la compare avec un poste de péage. Pour les voitures de luxe, le poste de péage serait gratuit, il y aurait seulement les plus pauvres qui payeraient pour entretenir cette route.

Il est aussi difficile de se battre contre des multinationales, celles-ci étant justement présentes dans plusieurs pays ; le conférencier les compare à une pieuvre sans tête, impossibles à attraper. Elles évoluent sur une échelle qui échappe complètement au législateur, aucune règle ne les limite, elles sont partout et pourtant nulle part.

Quelles sont les possibilités d’un État souverain ?

Alain Deneault répond à cette question par deux réflexions. D’abord la non-reconnaissance des accords, ou d’une partie des accords signés par le fédéral. De cette manière, l’on peut se débarrasser notamment des accords de libre-échange. Il note aussi que les états ne sont pas totalement démunis face aux multinationales et que l’on peut prendre des mesures contre celles-ci. Il propose par exemple de voter des lois qui ne s’appliquent pas immédiatement, mais seulement quand un certain nombre d’états auront pris des mesures semblables pour ainsi ne pas lutter seul.

Il note aussi que pour entamer un combat contre ce système, ça prend beaucoup d’ambition et de courage politique, ce dont on semble manquer cruellement en ce temps. Si ces mesures sont prises, il conclut que le Québec pourrait être cité en exemple et pris pour autre chose que « des ploucs ».

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