Systèmes robotiques : vers une révolution des modes d’apprentissage

La table ronde « Et l’homme créa les robots » s’est tenue le 30 mars dernier en ouverture de l’événement Décoder le monde au Musée de la civilisation de Québec. Pour mieux comprendre quels seront les impacts de ces nouvelles technologies sur la formation universitaire, Impact Campus a profité de l’occasion pour rencontrer deux professeurs-panélistes de la Faculté de sciences et génie de l’Université Laval.

Clément Gosselin et Denis Laurendeau enseignent sur le campus depuis maintenant une vingtaine d’années. Leur présence conjointe au congrès n’a pas été laissée au hasard, eux qui travaillent régulièrement ensemble sur des projets de ce genre.

Le premier se passionne pour la conception de systèmes robotiques et donne plusieurs cours au département de génie mécanique, en plus de diriger le Laboratoire de recherche du Canada en robotique et mécatronique.

Le second se spécialise en vision artificielle et enseigne au département de génie électrique/informatique. Il est également titulaire de la Chaire de recherche industrielle CRSNG-Creaform sur la numérisation 3D.

Profondes transformations

Rencontrés un peu avant leur allocution jeudi soir, les deux experts s’entendent d’emblée pour dire que, dans les prochaines années, les façons d’enseigner et d’apprendre seront bouleversées par l’arrivée de processus plus autonomes et modernes.

« Les modes d’apprentissage vont être en fait beaucoup plus diversifiés avec le temps, lance M. Laurendeau. On s’en va déjà vers l’absence d’une classe avec 40 étudiants et une personne qui parle. L’apprentissage va être complètement différent aussi, surtout si on fait de la réalité augmentée, où on pourrait user de contenus virtuels avec du contenu réel. »

M. Gosselin ajoute pour sa part que l’équilibre entre minimisation des effets indésirables et l’optimisation des bénéfices de ces nouvelles technologies doit être préconisée dans le milieu de l’éducation.

« Ce qui est important surtout, c’est de varier les stimuli et les modes de formation associés qui sont offerts aux étudiants, poursuit-il. Il n’y a pas de recette magique, ça dépend de tous et chacun, mais si on est capables de diversifier l’offre, c’est une bonne solution. »

Les campus à l’avant-plan

Cette tendance sera d’autant plus marquée et concentrée au sein des campus universitaires, selon eux, notamment parce que la recherche et les innovations scientifiques qui en émanent sont nombreuses et surtout enrichissantes pour la relève.

« Le rôle des campus est double je dirais, puisqu’avec la recherche vient aussi le volet formation, poursuit Clément Gosselin. Si on regarde dans les entreprises qui développent maintenant ces systèmes robotiques avancés, on se rend compte que ce sont tous des jeunes entrepreneurs qui sortent des bancs universitaires. »

Le professeur-titulaire estime en ce sens que l’impact concret qu’ont les facultés de sciences et génie à travers le monde n’est pas mesurable, tellement leurs champs d’applications deviennent larges avec le temps.

Son collègue, Denis Laurendeau, explique que la prochaine génération aura tout un défi à relever dans le domaine de la robotique : celui de définir les interactions entre machines et être humains. « Ce ne sera plus la machine qui aide l’humain à faire des travaux pénibles, mais bien les deux qui s’entraident pour parvenir à un but précis. Il va falloir redéfinir notre travail, sans pour autant se faire remplacer, ce n’est pas l’objectif. »

Vers un nouveau dialogue

Le spécialiste en vision artificielle ajoute qu’actuellement, le robot doit se retirer quand il fait face à des tâches cognitives trop exigeantes. C’est alors le travailleur humain qui doit user de son intelligence spécifique pour achever le processus, dans le cas d’assemblage de voitures par exemple.

« À l’avenir, on va voir apparaître des robots de plus en plus sécuritaires qui auront un niveau d’intelligence beaucoup plus élevé », indique M. Laurendeau. Il croit que les robots et les humains iront d’abord et avant tout vers une relation de collaboration plutôt que de complémentarité, comme c’est le cas en ce moment.

« Le but, je pense, c’est de compléter les imperfections des humains avec les robots, mais aussi de compléter les imperfections des robots par les humains. Par exemple, les humains voient dans le visible, mais les robots peuvent voir dans l’infrarouge, sous la surface des objets, et peuvent percevoir la géométrie par des capteurs 3D. Par contre, le robot a beaucoup moins de capacités de décision, d’autonomie et il n’a pas la conscience critique que nous avons. » -Denis Laurendeau


Dans le domaine, la différence entre les plus vieux et la jeunesse est que celle-ci est beaucoup plus axée sur l’aspect entrepreunarial. « Plusieurs d’entre eux ont un souci financier là-dedans, souligne M. Gosselin. Ils veulent prendre les progrès qu’ils créent et en faire des produits commerciaux accessibles au grand public. »

Robotiq, une entreprise spécialisée dans les pinces robotiques flexibles, les caméras et les senseurs permettant une automation industrielle, est un excellent exemple. Fondée en 2008 à Saint-Nicolas, la compagnie est le fruit du travail de Samuel Bouchard, Vincent Duchaine et Jean-Philippe Jobin, tous d’anciens étudiants et membres du Laboratoire de robotique de l’Université Laval. Leur groupe vend maintenant ses produits partout dans le monde, constituant un réel modèle de réussite.

« C’est sûr qu’il y a une relève. Il y a beaucoup de ce genre d’entreprises émergentes au Canada, poursuit l’enseignant. Ce sont des gens qui, dans leur apprentissage, ont réalisé qu’il y avait quelque chose à faire avec ça. C’est inspirant pour des profs. »

Consulter le magazine