L’UL s’ouvre sur les MOOCs

Un petit nouveau dans la formation à distance de l’Université Laval : un MOOC sur le développement durable. L’Université a lancé son premier cours en ligne ouvert et massif le 26 novembre avec deux idées en tête : ouvrir sa formation à toute la francophonie, et attirer de nouveaux étudiants.

Un MOOC ? Sous cet acronyme ce cache l’expression anglaise « massive open online course », ou cours en ligne ouvert et massif. Il s’agit de formations de types universitaires ouvertes à tous et à distance. Depuis 2012, de nombreuses universités du monde entier en proposent. L’Université Laval s’est quant à elle lancée dans l’aventure le mois dernier, avec un cours sur le développement durable.

« Le projet est dans les cartons depuis un an environ. C’est un sujet qui nous trottait dans la tête. On sait que nos collègues canadiens anglophones en ont plusieurs, toutes les grandes universités dans le U15 [15 plus grandes universités de recherche au Canada] en ont ou en développait un. Et donc on s’est dit que nous aussi on était capable, que c’est dans notre domaine d’expertise, peut-être même plus que les autres encore, car on a quelque 800 cours à distance », indique Bernard Garnier, vice-recteur aux études et aux activités internationales.

L’Université Laval n’est pas la première université québécoise à lancer un MOOC ; HEC Montréal a développé son premier cours en ligne ouvert à tous dès 2012. Face à cela, Éric Martel, directeur du Bureau de la formation à distance, vante l’expertise de l’Université dans la formation à distance : « Nous, l’avantage qu’on a comparativement aux autres universités canadiennes, même comparativement aux grandes universités américaines, c’est que ces universités n’avaient pas d’expérience en formation à distance. Nous, on a déjà une expérience de 30 ans dans ce domaine. Donc le chemin à faire a été beaucoup moins long pour nous de développer un MOOC. C’était une suite logique de notre développement.»

L’Université Laval utilise d’ailleurs sa plateforme d’environnement numérique d’apprentissage (ENA) et son portail des cours pour héberger le MOOC. « On voulait dès le début utiliser notre propre plateforme qui répondait à nos besoins et qui est suffisamment robuste pour supporter les milliers de participants qui pourront s’inscrire à la formation », commente M. Martel.

Un thème porteur

Pour ce MOOC, le sujet du développement durable allait de soi. Comme l’explique Bernard Garnier, il s’agissait d’un thème fédérateur : « C’est notre signature comme université. On s’affiche comme l’université du développement durable. On a des prix d’ailleurs. Ça s’est imposé de soi. On avait l’expertise, on avait les moyens, la volonté, c’est notre signature institutionnelle, on a dit go ! »

« Aussi, c’est un thème transversal. Ça touche le domaine des sciences, les sciences sociales, la philosophie, l’anthropologie, la sociologie, etc. On touche tout un ensemble de disciplines et c’est ce qu’on aime beaucoup », poursuit vice-recteur aux études et aux activités internationales.

Un cours de calibre universitaire

Si cette formation est ouverte à tous, le but du MOOC, pour l’Université Laval, n’était pas de faire « un cours à rabais », comme le précise François Anctil, professeur titulaire à la Faculté de sciences et génie et responsable du MOOC. « Ma commande et mon souhait, c’était de faire un cours de niveau universitaire, sauf que la formule est un peu plus courte », explique M. Anctil, détenteur de deux prix d’excellence en formation à distance.

La formule de ce cours en ligne ouvert à tous se rapproche d’un cours standard, mais en sept modules. Pour la session d’hiver 2015, il se déroulera du 23 février au 10 avril. « Il faut avoir complété le cours à l’intérieur de cette fenêtre-là pour avoir l’attestation. Mais ce n’est pas tout le monde non plus qui souhaite cette attestation », note François Anctil.

« La démarche ici, c’est qu’on a essayé de monter un cours qui était accessible à un très large éventail d’intérêts. C’est un cours de niveau universitaire, mais d’entrée de cycle, donc on n’a pas besoin d’être un spécialiste en économie ou en biologie pour suivre ce cours. Il offre d’ailleurs une perspective qui est très large sur les questions de développement durable », poursuit-il. Durant cette courte formation, l’historique, le côté environnemental et les aspects socio-économiques du développement durable seront abordés.

Ce MOOC se veut avant tout un laboratoire. « On fait de l’expérimentation », déclare M. Anctil.

Diversifier l’offre

Les différents instigateurs de ce projet souhaitent toucher un public très large. « On a la francophonie en tête : celle du Québec, mais aussi la francophonie canadienne, européenne, et surtout la francophonie africaine », affirme Bernard Garnier. Et les étudiants de l’Université Laval ? « Ils sont les bienvenus bien sûr, mais ce ne sont pas nécessairement les premiers touchés », nuance-t-il.

Éric Martel insiste quant à lui sur la gratuité d’une telle formation : « On parle de l’accès à un contenu de calibre universitaire entièrement gratuit à l’ensemble de la francophonie. Pour nous, c’est un avantage qui était très intéressant. »

Surtout, par cette ouverture à l’international de sa formation, l’Université entend recruter de nouveaux étudiants potentiels. Questionné sur l’avenir de telles expansions face aux vagues de compressions budgétaires que subit l’Université, M. Garnier se veut rassurant et va de l’avant : « La pire des réactions serait de se lamenter et de s’effondrer. Il faut vraiment réagir et avoir des projets de développement. Et c’est ce qu’on fait avec ça. La formation à distance est un moyen formidable pour dépasser notre bassin de population étudiante traditionnelle. Le MOOC, c’est un moyen génial d’aller partout sur la planète pour faire connaître notre expertise et éventuellement amener les gens à s’inscrire à nos cours à distance crédités. » Selon lui, l’objectif est la mise en valeur de l’Université Laval sur la planète

Un exercice de communication et de recrutement

Questionnées à ce sujet, les associations étudiantes du campus soulignent cet aspect clientéliste de l’Université, sans cependant le dénoncer. « C’est sûr que le cours est offert gratuitement, ce n’est pas un don à la société que l’Université fait. En même temps, dans la formule de financement actuelle des universités, celles-ci sont un peu acculées au mur à faire ça. Avec le contexte actuel et les compressions, ce n’est pas étonnant que les universités essaient d’aller chercher des nouveaux étudiants ici et là, car c’est l’essentiel de leur financement », commente Caroline Aubry, présidente de la CADEUL.

Christian Djoko, président de l’ÆLIÉS, abonde dans le même sens : « Les MOOCs, c’est juste un positionnement d’une université qui essaie de se faire connaître. Ce n’est pas un acte de générosité pur et dur, mais c’est un exercice de communication et de recrutement. » Toutefois, selon lui, « le blâme n’est pas à adresser aux universités, mais au mode de financement des universités qui fait qu’elles sont dans une démarche de recrutement comme des entreprises, qui vont chercher une nouvelle clientèle. »

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