Un première au Canada pour la conservation des milieux humides

Une nouvelle loi visant à protéger les milieux humides du Québec a fait son entrée à l’Assemblée nationale au début de l’été. Pour en parler, une table ronde a depuis été organisée par la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement (CRCDE), en collaboration avec CentrEau et l’Institut Hydro-Québec en environnement. L’événement se tenait le 28 septembre dernier à l’UL.

C’était surtout l’occasion, au Cercle du pavillon Alphonse-Desjardins, de présenter la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques. Les quatre experts réunis,  la doctorante à la Faculté de droit de l’Université Laval, Caroline Roberge, la professeure de droit, Sophie Lavallée, l’enseignante en agronomie, Monique Poulin, et le biologiste, Bernard Fillion, avaient tous participé d’une manière ou d’une autre à l’élaboration du nouveau cadre légal.

Le projet de loi 132 qui a été adopté officiellement le 16 juin dernier marque, selon les conférenciers, un grand pas dans la législation environnementale au pays. « Le Québec est maintenant la seule et première province à avoir une loi pour protéger et conserver les milieux humides », se réjouit M. Fillion.

Sous cette nouvelle législation, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques aura en quelque sorte le dernier mot. « Toute personne voulant construire ou développer dans un milieu humide doit obtenir un certificat du ministère », indique Mme Poulin.

La mesure vient aussi modifier quelques cadres déjà existants, dont la Loi sur l’eau et celle sur la qualité de l’environnement. Elle vise à empêcher la perte nette en favorisant un gain dans les milieux humides et hydriques au Québec.

Le ministère pourra aussi désigner certains milieux humides d’intérêt comme étant des aires protégées. « Par cette nouvelle loi, la province reconnait le rôle crucial des milieux humides », poursuit l’enseignante.

Protéger, restaurer et créer

« Chaque MRC et chaque grande ville devra élaborer un plan régional des milieux humides pour tout bassin versant sur son territoire, explique Mme Lavallée. Ce plan devra être accepté par le ministère et surtout être révisé tous les 10 ans. » À ses dires, l’objectif de ce plan est de catégoriser les différents milieux humides d’une région donnée, départageant autant ceux qui seront conservés que ceux à restaurer et ceux qui pourront faire l’objet de développement ou qui devront être remplacés.

Ce remplacement peut se faire de deux façons, en restaurant ou en créant un nouveau milieu humide, mais toujours en respectant la superficie et le type de milieu à recréer. « Si on perd des marais où des marécages, on devra recréer ou restaurer un milieu semblable », donne en exemple Mme Poulin. Celle-ci avoue tout de même que ce ne sera pas toujours simple, certains milieux comme les tourbières de cèdre sur lesquels il demeure plus difficile d’agir.

Les coûts pour de telles opérations sont assumés par le promoteur du développement. « Il devra verser des sommes dans un fond que les municipalités pourront utiliser pour la conservation et la protection des milieux humides », souligne Mme Lavallée.

Il y a encore un grand travail de règlementations à faire. « Qui sera responsable des résultats d’un projet de restauration, c’est une des règles et critères qui reste à définir », ajoute-t-elle.

Cacher, détourner et détruire

La législation est une réponse à l’importante destruction des milieux humides au Québec. « Au total, c’est 567 km2, donc 19% de la superficie des milieux humides, qui ont été perturbés dans les basses-terres du St-Laurent sur une période d’environ 22 ans », relate Mme Poulin, citant son rapport corédigé par la biologiste Stéphanie Pellerin.

« On est 7 millions à s’être installé sur la rive de chaque bord du fleuve, nous avons détruit beaucoup de milieux humides », allègue M. Fillion. Il souligne que les traces de cette destruction sont encore présentes dans le paysage urbain, par exemple dans les noms de rue comme le chemin de La Canardière et la rue du Marais. « À Québec, on a même enterré une rivière », s’exclame-t-il, parlant ici de la rivière Lairet, qui passe actuellement sous une partie du quartier Limoilou.

Le biologiste s’est dit soulagé que la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques soit enfin arrivée. Celui qui est aussi le directeur de Canards illimités pour la province de Québec souligne que son organisme de conservation milite en faveur d’une loi depuis la fin des années 70.

« Les basses-terres du St-Laurent et des Grands Lacs constituent selon moi l’axe migratoire le plus important d’Amérique du Nord », déclare-t-il, soulignant les conséquences drastiques liées à la disparition des milieux humides.

Selon lui, les basses-terres demeurent particulièrement vulnérables. La mince couche de terres arabes augmente progressivement les dangers d’érosion. « Les milieux humides, c’est comme les éléments de notre santé. On les prend pour acquis, mais quand on les perd, on finit par manquer de vie », conclut-il.

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