Photo par William Lapierre

Un retour pas toujours facile

Une fois le temps des Fêtes terminé, c’est toujours avec la gorge un brin serrée que je quitte mon coin de pays pour revenir vers la ville. Pas que je n’aime pas la ville, au contraire, mais c’est que ça signifie pour moi le dur retour à la réalité, aux responsabilités et à la vraie vie. Pour la première fois en cinq ans, je n’avais pas vraiment envie de partir… Un sentiment nouveau qui m’a amené une réflexion profonde sur l’endroit où je veux m’établir quand je vais être grand.

Par William Lapierre, chef de pupitre société

Durant les trois semaines de festivités, je me suis fait poser les trois éternelles questions de tout étudiant de retour au nid familial.

« T’étudies en quoi déjà ? »

« Tu finis quand ? »

« Quand est-ce que tu t’en reviens aux Îles ? »

Avant, ces questions-là rimaient toujours avec sueurs froides, angoisse, peurs et inquiétudes. Aujourd’hui, un peu moins. Synonyme que je gagne en confiance. Presque à la fin de mon bac, je me sens beaucoup mieux outillé pour affronter l’inconnu ô combien effrayant. Je serais toutefois un menteur si je vous disais que je n’ai pas un petit mini stress à entamer ma vraie de vraie vie d’adulte fonctionnel.

Après mon bac, je fais quoi ? Je m’en retourne chez nous ? Je reste à Québec ? Je pars à Montréal ? Je pars dans l’Ouest ? Dans un autre pays ?

Trop de choix, c’est comme pas assez.

La paralysie de la décision, je connais ça.

Pas question de me fermer des portes, mais à force de garder des portes ouvertes, la décision devient de plus en plus laborieuse. Enseveli sous une pile de pours et de contres, je tente tant bien que mal de me démêler.

Voici donc quelques-uns de mes états d’âmes et autres sur la décision d’où m’établir après mes études. J’ai écrit ce texte à chaud dans le temps des Fêtes. Je tire un peu partout à la fois, tantôt à gauche, tantôt à droite, peut-être parce que je suis perdu, peut-être que non.

Il s’agit de mon expérience personnelle donc toute généralisation peut ou ne peut pas s’appliquer à votre cas.

I
Photo : William Lapierre

Ma famille, mes amis et la grande partie de mon cercle social demeurent aux Îles de la Madeleine.

Pis les Îles, c’est loin longtemps. Dix heures de voiture, cinq heures de bateau, donc on ne se voit pas toutes les fins de semaine, disons. Un coup de téléphone et on peut jaser, mais c’est pas la même chose qu’en personne, tout le monde le sait.

J’ai une peur stupide de manquer trop de choses, trop de moments importants ou marquants et, au final, perdre des amitiés qui datent depuis l’enfance. C’est la vie certains me diront et qu’il faut s’y faire.

The Fear Of Missing Out…

II

Je suis connu par chez nous [sans prétention, tout le monde se connaît]. Pourtant, j’aime, même j’adore, l’anonymat que la ville me procure. Pas besoin de me soucier de l’image que je projette ou de quoi j’ai l’air. Un sentiment quasi impossible à ignorer loin de la ville.

Le monde jase.

Ici, je peux être qui je veux, tandis que là-bas, les gens ont une idée préconçue de qui je suis. Aux Îles, beaucoup de gens me connaissent sans réellement savoir qui je suis. On se salue en public, on se connaît de nom, on connaît nos familles respectives, on a même des amis en commun. Et pourtant, je ne connais absolument rien de ce que cette personne est véritablement et vice-versa. Il y a de la fausseté enfouie sous une couche de politesse.

 

III

La solitude me donne des frayeurs. L’isolement et le renfermement sur soi-même sont plus propices en ville. Il faut faire attention. La paresse et la flemme sont mes pires ennemis. En ville, autant il y a des rencontres inspirantes et surprenantes disponibles, autant la tentation de se replier sur soi et de s’enfermer dans le confort de son appartement est tentante. Je me suis habitué à un grand cercle social et j’ai peur de m’isoler des autres en m’installant en ville.

C’est tout le contraire dans les régions. De par son esprit de communauté, personne n’est jamais réellement seul en région. Y’aura toujours quelqu’un pour t’épauler dans les moments plus houleux. Des mains de tendues, y’en a, je vous le garantis. Il y a infiniment moins de ressources, mais ce n’est pas grave. L’esprit d’entraide et d’aider son prochain est bien présent (probablement parce que tout le monde se connaît).

 

IV

Là-bas, la vitesse à laquelle le temps s’écoule me paraît complètement déréglée. Loin du rythme effréné de la ville, il n’en demeure pas moins que le temps semble passer de façon différente et à un rythme tout aussi rapide.

Maison, chien, enfant et tout le tralala.

Tout va à un train d’enfer.

Ça grandit vite. À un tel point que je me sens en retard sur les autres plus souvent qu’à mon tour. À perdre mon temps aux études encore indécises encore un peu perdues. Tout semble si simple. Ferme les yeux et avance.

Pourtant, à chaque fois que je reviens, on dirait que tout est figé dans le temps. Je reprends les mêmes conversations, les mêmes soirées, les mêmes aventures sans manquer un battement.

C’est un drôle de paradoxe.

Famille ou pas, l’endroit où l’on choisit de s’installer a une importance capitale sur notre avenir et c’est pas facile de s’y replacer avec la pression sociale, familiale, et autres.

Reste qu’au final, la décision est propre à chacun et qu’il y a des avantages et des désagréments n’importe où l’on va. Suffit de savoir quels désagréments nous sommes prêts à tolérer.

Bonne chance à tous de savoir ou vous allez après vos études. Gardez la pêche !

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