Entrevue avec Mauves : le vrai du jour

Les Mauves lançaient officiellement leur deuxième disque et troisième effort, Le faux du soir, au Cercle. Charmants comme ils sont, les quatre garçons de Limoilou ont réussi à obtenir une foule festive, malgré la présence de Louis-Jean Cormier dans la salle d’à côté.

Mauves, c’était jadis Jean-Christophe Bédard-Rubin et Alexandre Martel qui jouent du punk-rock-trash et qui pètent leur drum à 50 $ à la fin des shows. Ils avaient choisi leur nom en l’honneur du Teletubbies Tinky Winky. Puis, les deux gars se sont adjoints du frère de l’autre, Cédric Martel, et de Julien Déry. Ils ont fini par acheter de meilleurs instruments, ce qui les a assez assagis. Si leur premier album Cinéma Plymouth, jouait dans la pop sixties, Le faux du soir s’inscrit dans une pop plus expérimentale, presque prog.

Avant leur spectacle, Jean-Christophe, Cédric, Alex et Julien m’ont jasé ça, bien calés dans les divans rococo du Cercle. Comment vous êtes-vous connus, les gars? « On se connaît depuis le primaire, même depuis la garderie! » Jean-Christophe rit : « Moi, j’étais le tough ». Alex hausse les épaules : « Je devais être le nerd, Cédric, le beau gosse. » Et Julien? « Je pense que j’étais le sportif qui cruisait les petites filles. » « Ce qui nous a liés, c’est un projet en troisième année du primaire sur la ville de Québec », explique Jean-Christophe.

Justement, parlons-en de Québec. Pourquoi y rester, alors que la plupart des musiciens s’exilent en terre de Montréal? « On a tous des attaches ici, lance Cédric. Je joue aussi avec Tire le coyote, Sam Éloi, Macédoine, Shampouing… Et on est encore aux études. » Alex fait une maîtrise en études littéraires, Julien un bac en psychoéducation, Cédric, dit le kid, termine un DEC en musique et Jean-Christophe fait son barreau. Sérieusement, vous avez le temps de composer, enregistrer un album et de faire des tournées avec tout ça? « Disons qu’on est des p’tits gars à nos affaires. À chaque début de session, on compare nos horaires et on trouve des plages pour pratiquer. Alors si c’est le mercredi matin de 8 à 10 h 30, eh bien on y est tous les mercredis. Pas le choix. La musique nous demande pas mal de sacrifices », explique Jean-Christophe.

Même s’ils chantent Montréal sur Le faux du soir, les gars restent très attachés à Québec. « C’est peut-être même plus facile de faire de la musique à Québec qu’à Montréal. Ici, il n’y a pas tant de bands actifs qui jouent du franco, ce qui fait qu’on a notre credo, nos fans, des superbes places où jouer. Tout le monde se connaît, à la fin de nos shows on peut jaser, fêter. »

Le vrai du jour

Même s’ils ont créé un album nocturne, les Mauves ont enregistré le tout de 9 à 5, mettant à profit la célèbre citation d’Hemmingway : « write drunk, edit sober (écrit saoul, édite à jeun) ». En référence à leur titre, qu’est-ce qui est faux, le soir? « La nuit, tout est flou, les contours s’estompent. Ça se ressent, je pense, dans nos textes et même dans notre musique », explique Jean-Christophe.

Et par opposition, qu’est-ce qui est vrai, le jour? « Le soleil, ça ment pas », lance Cédric. « La brosse de la veille est bien tangible, le jour », blague Jean-Christophe. « La fille dans ton lit aussi. » « Moi, je cautionne pas ça », rebondit Cédric. Les gars rient, complices. Ça paraît qu’ils sont d’abord amis avant d’être musiciens, qu’ils ont une cohésion forte. Même que dans la pochette de l’album, toutes les pièces sont signées Mauves. « Pour nous, le travail de création se fait ensemble. On ne sait plus qui est arrivé avec quelle idée, qu’est-ce qui relève de la composition ou de l’arrangement, relate Alex. C’est aussi une question de droits d’auteur. On veut que tout le monde soit reconnu, alors on signe Mauves. » « Il y a un plaisir à ne pas savoir qui signe quoi, à rechercher pendant l’écoute les signatures de chacun », ajoute Julien.

Sur scène, ou presque

Autant ils ont une discipline de fer pour réussir à jouer, autant les gars de Mauves sont spontanés : « Hey, faudrait peut-être finir notre set-list », lance un des frisés. Il est passé 19 h et ils montent sur scène à 21 h… Pas trop stressés? « C’est la première fois qu’on va jouer l’album sur scène, explique Cédric. C’est du nouveau, on est encore en rodage. » D’ailleurs, ça a paru à quelques reprises durant le spectacle où les gars ont repris des débuts de pièces mal lancées. Malgré ces petits accrocs, Mauves a fait un spectacle fort vivant, vibrant, et drôlement entraînant. Ils ont reçu l’apport d’un cinquième joueur au clavier, Damon Hankoff, jazzman de Brooklyn et étudiant en lutherie à Québec et accessoirement, ou surtout, coloc de Julien. Son jeu au clavier permet de reproduire sur scène l’ambiance éthérée qui plane sur Le faux du soir.

Évidemment, les gars ont donné un rappel complètement hallucinant, Alex se couchant sur le piano, Julien jouant par terre, une cymbale qui revole, une tambourine dans la foule… Finalement, les Mauves ne se sont pas tant assagis. Tant mieux!

 

 

 

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