13 livres pour le 12 août

Jeudi, en plus d’être jour de paye, c’est la journée pour acheter un livre québécois. Voici ma liste de suggestions; elles n’ont rien en commun si ce n’est qu’elles sont relativement récentes et que je les ai sincèrement aimées. Je me permets de remettre certains livres que j’ai mis dans d’autres listes, parce que des fois, ils nous marquent longtemps.

Par Emmy Lapointe, cheffe de pupitre aux arts

Deux et demie – Carolanne Foucher
« je suis vidée / un sachet de fromage en poudre / et des pâtes en tube / le bouillon de poulet de ma génération / le remplaçant de maman / une doudou / une main qui me flatte le dos / une débarbouillette d’eau chaude / sur mes larmes qui coulent / une petite mer salée dans un continent de polyester »

Béante – Marie-Andrée Gill
« un espoir étrange sur les cils / peut-être un déjà-vu ou l’attente que l’on sait / sur nos bouches engourdies / toutes les paroles à imprimer / ou un peu de crayon / sous les yeux / pour toutes ces pages blanches / regarde en haut regarde bien / comme je t’aime à ciel ouvert »

Larves de vie – Christine Gosselin
« Assise sur la cuvette, je crie à maman de venir m’aider. Il y a du sang sur le papier de toilette entre mes cuisses, un sang foncé, presque brique, qui sent la boue et le gymnase après la dernière période d’un jour 9. Je crains une hémorragie interne, je crains qu’il soit trop tard pour me sauver. La mante est passée à l’attaque. Elle me ronge de l’intérieur; la fin approche. Maman a les larmes aux yeux : elle s’apprête à me dire adieu.

Tu es une femme maintenant.

Je ne savais pas qu’il fallait mourir à 13 ans pour ressusciter en femme. »

Les jardins de linge sale – Laurence Gagné
« Le paysage court comme un / mur de chambre / nos jambes se balancent / au-dessus d’un dernier monde / les lieux communs se penchent / servent bien l’esquisse / je pleure quand la gifle / écarte nos danses / quand d’instinct tu relèves le jour / à temps »

L’homme est un lion que je n’ai su faire rugir – Pierre-Luc Gagné
« (sur mes doigts / l’Homme s’enfonce / dans l’oracle du monde et / crie des paroles inventées) »

Volière – Frédéric Dumont
« ta peau a la réputation d’une oreille bouchée / il te reste à peine deux cigarettes / tu veux t’allumer sauf que le / vent passe son temps / à te piquer ton feu. »

Pussy ghost – Carol-Ann Belzil-Normand
« naître par le feu / et le non-dit / souffler sur la flamme / pour allaiter les lucioles. »

Les étoiles meurent d’elles-mêmes – Jacques Beaudry
« Prendre la parole avec la volonté d’aller jusqu’au bout de sa pensée, c’est entreprendre l’impossible. Ça vous expose au délire : ça vous fait prendre la langue à la gorge et serrer, jeter les expressions toutes faites par la fenêtre sans vous retourner, reconsidérer vos écrits encore et encore et grimacer. Ça vous donne des envies de tout massacrer. Mais si vous usez de l’écriture au-delà de certaines limites, c’est elle qui devient mortelle – et vous qui êtes détruits.

Conduite à la limite extrême de ses possibilités, la parole littéraire prend les accents du langage de la folie. On est devant une parole sans frein qui a la violence du cri. L’auteur qui sent son existence lui monter à la gorge est pris d’une envie de hurler de rage, de douleur, de fureur, mais il aura beau crier à l’univers entier, il y a des vérités que personne ne veut entendre et parmi elles « JE VAIS MOURIR, JE VAIS MOURIR » est une des pires. Le catastrophisme de certains écrits se mesure toujours trop tard quand tout est fini. »

Les falaises – Virginie DeChamplain
« Le blizzard dans les vitres et son corps / par terre dans ma bouche son ventre / et les cuisses humides de la tempête / dehors et la tempête en dedans ouverte dans mes mains / il a mis un vinyle que je ne connais pas / et je crois que ça aurait été un bon moment pour mourir »

Chasse à l’homme – Sophie Létourneau
« J’étais amoureuse d’un fantôme. Et le propre des fantômes, c’est de prendre toute la place. »

Kuessipan – Naomi Fontaine
« Pourquoi. La nuit, elle dort d’un sommeil lourd qui lui enfouit le front jusque dans les dunes de son oreiller. Son visage tremble dans la noirceur de sa chambre close. Elle se raidit dès que quelqu’un hausse la voix. La peur la pourchasse dans ses cauchemars de mère. Elle pleure et personne ne la console. Elle oublie. Elle rit.

Je voudrais lui dire que je sais. Pourquoi je me tais.

Le silence. Je voudrais écrire le silence. »

Là où je me terre – Caroline Dawson
« Stupidement, au début de l’adolescence, je me suis construite contre elle (ma mère), contre ce qui la constituait, pensant que c’était bas, ordinaire ; méprisant sa culture, dédaignant ses lectures. Je ne me rendais pas compte que c’était parce qu’elle m’avait tant élevée que je pouvais maintenant la regarder de haut. »

Passer l’hiver – Kateri Lemmens
« des cendres entre les dents / collées au palais / un poumon manquant / nos chants de thorax essoufflés / de rééduqués cardiaques des vallées de silicone »

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