Pierre Lapointe, des larmes aux larmes

Mercredi et jeudi soirs derniers, Pierre Lapointe a, encore une fois, brillé sur une des scènes du Grand théâtre. Intime, sensible, larmes, tout ce que Pierre Lapointe fait de mieux.

Par Emmy Lapointe, cheffe de pupitre aux arts

Mon premier spectacle depuis septembre dernier. Je ne sais pas pourquoi, mais je l’appréhendais. J’ai tendance à me faire trop d’attentes en général (classique), et je suis plus souvent déçue que le contraire. J’appréhende toujours aussi l’immobilité d’une pièce de théâtre, d’un film, d’un concert. Rester assise à faire la même chose pendant 2 heures est sûrement un des trucs qui m’angoisse le plus. Z et First world problem, je le sais. 

Mon amie et moi sommes arrivées serrées au spectacle. Le placier nous a dit qu’on était à la table 142. On est entrées dans la salle, elle était vide. J’ai tourné la tête, tout le monde était sur la scène, et à l’avant de celle-ci : un piédestal et un piano à queue. 

Quelques secondes après avoir enlevé nos masques, Pierre entre silencieusement. Il s’assoit au piano, retire le sien et prend le micro. Le spectacle se promènera un peu partout dans son répertoire nous dit-il, mais les chansons auront assurément toutes en commun d’être déprimantes; tant mieux, j’ai envie de pleurer.

« Pour déjouer l’ennui » d’abord. Le piano et la voix sont parfaitement balancés, j’oublie un peu d’écouter les paroles, parce que je regarde autour. Je veux voir les gens regarder. Une petite anecdote, puis « Amour bohème », « Les lignes de ma main », « Nu devant moi ». Je ne pleure pas encore, mais quelques de ses aigus passent proche de m’avoir. 

Il nous raconte ensuite l’histoire entourant son duo avec Mika, un peu moins mythique que ce que j’aurais voulu, mais plutôt marrante. Je ne feel pas pour une chanson de neige, mais en live, tout passe. Il enchaîne ensuite avec « Tous les visages » et « Une lettre » dont la mélodie, composée par Daniel Bélanger, me décrisse à chaque écoute. « 27-100 rue des Partances » dont le destinataire m’échappe encore après 100 écoutes.

Pierre nous dit qu’il a eu 40 ans il y a deux semaines (yes, un gémeaux de plus), et « Tel un seul homme » a eu 20 ans. Elle a assurément mieux vieilli que Ramdam.

Je pleure à son enchaînement de « La plus belle des maisons », « Je déteste ma vie » et « Nous restions là ». Visiblement, elles ont aussi raison de plusieurs personnes autour de moi, mais que faire devant « J’ai fait cet étrange rêve | Où nous étions tous deux | Auréolés de bonheur | Sous des centaines de soleils qui pleurent | La peau rapiécée par des fils | Sortant de nos talons d’Achille ».

Arrive le moment où Pierre nous parle de la dernière piste sur son album d’hiver : « Maman, papa ». C’est un album dont je n’étais pas fan dans l’ensemble à la base, mais la dernière, mise à part la mélodie, me dérangeait particulièrement. Une chanson de coming out qui vire mal. Je trouvais ça cliché, et surtout, c’est un principe avec lequel j’ai bin de la misère, le coming out. Puis, j’écoute Pierre dire que lui aussi, le coming out, il n’aime pas ça. Mais il nous parle de tous les récits d’horreur qu’il a entendus de la part d’ami.es de la communauté LGBTQIA2+ à propos de ça. La chanson n’est toujours pas ma préférée, mais ça me rappelle que si l’hétérosexualité ne va pas de soi dans mon entourage, c’est encore souvent le cas. « Et ceux qui aiment n’auront jamais tort. »

C’est le tour du « Monarque des Indes » et de la chanson pour son filleul, « Le premier Noël de Jules », toutes deux précédées d’anecdotes délicieuses.

« Nos joies répétitives » ferme pour la première fois le concert. C’est encore à ce jour, avec « Maman », ma favorite. Pierre a sa voix chaude et profonde, une tristesse innée dans le fond de la gorge. 

Quelques applaudissements, le rappel. « Deux par deux rassemblés », Pierre nous demande de chanter avec lui. On est timide. Il nous invite à monter un peu le ton. Les deux derniers refrains sont portés par des voix de plus en plus confiantes, 200 voix, mais on dirait qu’il n’y en a qu’une. 

 

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