Dylan en mode blues

Avec les parutions de Modern Times, en 2006, et de Love and Theft, en 2001, Bob Dylan inscrivait une nouvelle étape dans son exploration musicale : celle de visiter l’univers du blues, du country et du rockabilly, celui de l’époque de Willie Dixon, de John Lee Hooker, de Muddy Waters et de Carl Perkins. Et le tout, en gardant une véracité exceptionnelle pour en extraire l’essence propre. Une recherche qui transparait, plus que jamais, sur sa 33e production studio, Together Through Life, autoproduit sous le pseudonyme de Jack Frost. Un album qui rend un ultime hommage aux racines musicales américaines. Ainsi, sur son dernier disque, Dylan réussit encore une fois, après 47 ans de carrière, à démontrer qu’il est toujours l’alchimiste musical par excellence, voire l’archétype des temps modernes du folk. Un exploit pour un homme qui aura bientôt 68 ans…

Bien sûr, s’il est vrai que sa voix n’est plus celle d’antan, son timbre si caverneux, lui, se prête parfaitement au blues. Et le blues, il le connaît. Durant sa période surnommée la «trilogie électrique», soit de 1965 à 1966, Dylan délaissait l’acoustique pour l’électrique. Un évènement qui changea sa manière de créer à tout jamais. Un changement qui, quarante ans plus tard, est devenu banal, voire une normalité pour un musicien. Ainsi, sur Together Through Life, s’entourant de l’accordéoniste David Hildago, du bassiste Tony Garnier, du batteur George Recile et du guitariste-mandoliniste Mike Campbell (Tom Petty & the Heartbrakers), Dylan regarnit son répertoire d’une sensualité électrique, d’une authenticité et d’une fraîcheur sans égal à l’aide d’un blues-folk magistralement orchestré. Au final, une énergie brute, renversant tout sur son passage, éclore. Cette parfaite osmose s’exprime clairement sur «Beyond Here Lies Nothin’», «My Wife’s Home Town» et «Forgetful Heart».

Depuis ses débuts en 1962, Bob Dylan a su façonné, avec une constance effarante, une œuvre musicale (46 albums) désormais inscrite dans la mémoire collective des gens. Pourquoi? Parce que Dylan poursuit inlassablement une quête musicale en réinventant son style et en parfumant ses musiques de proses vivantes et réfléchies. Ceci dit, son dernier album constitue une mine d’or en soi, une véritable biopsie déchirante où il chante brutalement son Amérique. Il exhorte son amertume et ses espoirs sur une musique enracinée dans les valeurs afro-américaines, et du folk, pour en extraire un soupçon de froideur. Ainsi, Dylan présente un album humble, sans fioriture, qui ne répond que par lui-même. Chaque musicien y joue parcimonieusement dans l’esprit du temps, celui où la musique représentait une délivrance personnelle. Dylan chante avec ses tripes. On est carrément perturbé, ensorcelé, tant sa voix résonne lugubrement plusieurs heures après l’écoute. On en redemande. Par contre, il faut aimer. Connaître assez bien son œuvre antérieure pour apprécier toute la force de son offrande. Il faut oublier l’ancien Dylan et se plonger tête baissée dans son aventure lumineuse. Bob Dylan est devenu au fil des ans un symbole quasi-intouchable et cela, en tirant profit de ses vicissitudes.

En somme, sa musique traversera perpétuellement les mémoires des hommes pour venir s’échouer sur les générations à venir. Mais pour l’instant, voici un délice estival signé Dylan!

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