Écris-moi des mots qui slament

Il est maintenant Chevalier des Arts et des Lettres en France, son premier album, Midi 20 (2006), qui lui a valu deux Victoires de la musique dans les catégories «Album révélation» et «Révélation scène de l’année», s’est vendu à plus de 600 000 exemplaires et Enfant de la ville (2008), le plus récent opus, a été accueilli avec le même enthousiasme en Europe. Ce sera à notre tour, en octobre, de goûter à la plume et surtout à la voix grave et posée du poète à la canne.

Le mouvement slam a d’abord émergé à Chicago au cours des années 1980, mais c’est dans sa banlieue parisienne que Fabien Marsaud a eu la piqûre : «Un ami m’a emmené dans une soirée de slam. J’ai vu tous ces poètes modernes rassemblés dans un petit bar (je crois qu’il n’y avait même pas de scène) et j’ai eu comme un déclic. On sort d’une soirée de slam avec plein de voix différentes en tête. On entend des histoires drôles, d’autres plus tristes et des dizaines et des dizaines de mots, de thèmes, de sons se promènent dans notre tête. Tout se mélange».

Contrairement au freestyle américain (dont on peut voir des joutes dans le film 8 Miles avec Eminem), le slam n’est jamais improvisé. «Tout est écrit à l’avance, il y a une grande exigence en ce qui a trait au texte, puisqu’il est au centre de tout, explique-t-il. Mais après l’écriture, on doit tout risquer devant les autres, se mettre en danger et assumer pleinement son texte». Comme il écrivait déjà depuis un bon bout de temps pour lui-même, il a eu envie de revenir pour partager ses mots: «Ça devient une drogue, une épidémie, je n’ai jamais croisé personne qui n’ait pas voulu revenir slamer après une première expérience».

Après trois ans à arpenter les scènes ouvertes et les tournois avec le collectif 129H dans la plus pure tradition slam (textes lus a cappella, un texte dit égale un verre offert), il choisit d’enregistrer sa voix sur musique. Même si, par essence, le slam est une expérience collective, Grand Corps
Malade passe bien de la scène ouverte au studio : «Heureusement, on est jamais complètement seul, il y a le régisseur, un musicien, quelques curieux, donc il y a toujours un auditoire à qui livrer mes textes, quelqu’un sur qui m’appuyer».

Éternel altruiste, celui qui travaillait à organiser des évènements sportifs donne maintenant des ateliers d’écriture et de slam à Seine Saint-Denis, où il habite : «Je travaille avec beaucoup de gens, chacun a ses particularités, mais il y a des jeunes, des hommes, des femmes, des retraités et ils sont amenés à partager leurs textes, à les combiner, à composer à deux, à trois, ce qui donnent des résultats vraiment intéressants».

Ceux qui ont d’ailleurs apprécié le premier album devraient trouver leur compte au sein du deuxième : «Les thèmes sont différents, sans dire qu’ils ont «évolués». Je m’inspire de beaucoup de choses, c’est selon l’humeur du jour. Dans Enfant de la ville, je parle des grands maux qui frappent sans prévenir, et d’enfance et de ville, bien sûr… »

Comment passe-t-il de la scène itinérante (presque communautaire) à celle de l’Olympia? «Sur une grande scène, je suis seul, même si j’ai des invités, un orchestre, des techniciens… Alors que dans une soirée de slam, nous sommes plusieurs à tout risquer devant les autres. Mais j’essaie de conserver la même relation avec le public, la même application», répond Grand Corps Malade.

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