Le jour et la nuit

En ouverture, The Barr Brothers. Le quatuor canado-américain, mené par le chanteur Brad Barr, fait un folk rythmé, qui puise ses inspirations tant dans le sud des États-Unis qu’en Afrique. Deux musiciens complètent le duo de frères, dont la harpiste Sarah Pagé, qui maltraite parfois son instrument pour notre plus grand plaisir. Le tout sonne authentique, sincère, notamment la très jolie « Ooh, Belle », et apporte un air frais, neuf.

En vedette principale, Timber Timbre, trio canadien mené par le ténébreux Taylor Kirk, dont on ne voit jamais complètement le visage, caché derrière un rideau de lumières rouges, dont on n’entend jamais véritablement la voix, souvent amplifiée, modifiée. Timber Timbre se cache ainsi pour mettre de l’avant sa musique, sombre, hypnotique, lourde. Les riffs de guitare sont violents, le violon de Mika Posen est parfois agressif. Le spectacle, composé surtout d’explorations sonores, n’était pas fondamentalement mauvais, mais a pu lasser à la longue. Ce fut le cas de certains spectateurs, notamment ceux au parterre, qui se tenaient obligatoirement debout, alors que l’exercice ne s’y prêtait pas forcément.

D’un côté, un jeune groupe qui tente de se tailler une place, avec sous le bras un premier album éponyme sorti sur la même étiquette que ceux de Patrick Watson. De l’autre, un groupe établi sur la scène indie, auteur de quatre albums dont deux autoproduits, et le plus récent, Creep on creepin’on, inscrit sur la plus récente liste du prix Polaris. Entre les deux, une mer de différences, et pourtant un respect mutuel. Dans un même spectacle, du bon et du moins bon, mais une différence complémentaire. Le jour et la nuit. Et il n’était pas obligatoire de choisir son camp.

Le jour et la nuit

Samedi soir, Marcel-lí Antúnez Roca livrait deux performances aux antipodes. Conçu en 1994, le dispositif d’Epizoo comprend une armature corporelle et un ordinateur. Le Catalan est offert en pâture aux curieux, vêtu uniquement d’un string et d’un squelette de fils activés par des mécanismes pneumatiques. Après une animation vidéo d’introduction et un tour rapide de l’interface, et il faut bien le dire de toutes les possibilités de l’expérience, les spectateurs massés autour du supplicié volontaire sont invités à cliquer sur l’écran pour activer le tout. Des crochets tirent la bouche, les narines et les oreilles du performeur, alors que des demi-cercles de métal soulèvent ses seins et ses fesses sur commande.

Visiblement inconfortable (on le serait à moins) et laissant régulièrement échapper des sons rauques, Marcel-lí Antúnez Roca a accepté de sortir cette performance des oubliettes pour montrer les prémices de son travail solo, mais outre une sympathie toute naturelle pour l’homme malmené, les quatre ou cinq animations et photomontages ne parviennent pas du tout à susciter le petit frisson attendu.

En seconde partie, Roca revêt des habits plus confortables pour Protomembrana, une analogie loufoque entre sa démarche artistique, qui lie mouvement, capteurs et programmes informatiques, et les différentes couches qui composent l’individu. Sur l’écran, on retrouve les dessins colorés et burlesques caractéristiques de l’artiste alors qu’il nous raconte avec son formidable accent une fable rocambolesque, lubrique et scatologique. En vedette, un bestiaire futuriste et huit spectateurs volontaires, qui ont grimacé dans une caméra-lampe pour donner des visages aux personnages animés. Dans le dernier segment, un spectateur équipé de prothèses-capteurs (entre autres d’énormes seins) sert de panneau de contrôle. Le hasard a voulu que ce soit Anne-Marie Olivier, dramaturge et comédienne bien connue à Québec, qui soit choisie pour cette tâche.

Heureux ajout de dernière minute à la programmation du MM10, Protomembrana montrait Marcel-lí Antúnez Roca dans ce qu’il fait de mieux, allier la technologie et son imagination débridée pour inclure le spectateur sur scène et sur écran.

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