Aperçu du programme double présenté par La Rotonde jusqu’au 26 février.

Après le cocon, vient le papillon

Cocoon, la première création de la chorégraphe Annie Gagnon, nous fait découvrir le monde fascinant des insectes, celui-là même qui s’agite, bien souvent à notre insu, dans les racoins de nos demeures. La démarche de la chorégraphe visant à «atteindre le public par ses sens et non par ses sentiments, à former un univers marqué par son étrangeté et à explorer dans les corps les multiples façons d’y habiter», est pour ainsi dire, plus que respectée. Toutefois, en ce qui a trait au spectacle, cet élément, ce trop collé au processus, laisse  le spectateur sur sa faim. On s’attend à quitter le domaine de l’exploration, à être transporté au-delà des images et de l’intéressant.

Tout comme on se lasse de regarder une fourmilière si on ne s’intéresse pas à son fonctionnement, on finit par espérer plus de ces insectes grouillant sous les vieilles pelles à neige et le chariot rouillés laissés dans la cour. Reste que les quatre danseuses, Maryse Damecour, Caroline Drolet, Jeanne Dubé-Blanchet et Ève Rousseau-Cyr, réussissent vraiment l’illusion, la transformation de leurs corps en ceux de créatures étranges et grouillantes. Des cafards glauques aux plus élégantes chrysalides, le tout est crédible, beau, intéressant. Tout devient visible. Les carapaces se dessinent, les antennes se mettent à vibrer, les poils sur les longues pattes se dressent, les liquides jaillissent, bref, on voit les insectes, on les entend, on arrive presque à les sentir s’installer sur notre peau.

Le tout baigne dans un univers musical réalisé par Charles Bélanger avec la collaboration de Frédéric Lebrasseur. Ceux-ci mêlent sons du quotidien, râlement, sonorités live des matériaux et sonates au piano. L’envie de dépasser l’observation et le quotidien vient renaître de plus bel face à la création d’Annie Gagnon.

Puis, le programme double présenté au grand studio de la Rotonde transforme la jeune chorégraphe en interprète, dans un duo intitulé Les larmes d’Anna K. Il s’agit d’une création de Louise Bédard, artiste montréalaise de renom, à laquelle Annie Gagnon a fait appel pour faire naître le projet. Dans Cocoon, les danseurs ont mille pattes, mais dans cette chorégraphie, le duo Annie Gagnon et Jean-François Duke se laisse aller dans un tango ludique et imprévisible, entre celle qui parle russe et celui qui chantonne.

Le studio qui, quelques minutes plus tôt, était parsemé de bûches et d’outils rouillés, fait maintenant place à un vaste quadrilatère lumineux où deux chaises laissent supposer un appartement, ou tout simplement un lieu de rencontre pour cet homme et cette femme qui évoluent à travers des moments d’une naïveté touchante. Dans cette chorégraphie de Louise Bédard, tout se passe en simplicité. Deux boîtes en carton, deux chaises, deux individus «qui évoluent au gré de leur tempérament, laissant place  à une fraîcheur et à un je-ne-sais-quoi de décalé», explique-t-elle quant à l’union qui se forme sur scène. Entre les boîtes, la promiscuité, la distance et les liens se tracent et se développent. Ce pourrait être une histoire d’amour, de trahison ou de confiance entre ces deux comparses pouvant tout aussi bien être des âmes sœurs ou de nouvelles flammes.

Pour l’œil curieux et averti, le programme double présentant Cocoon  et Les larmes d’Anna K. nourrit bien celui qui s’y frotte. La première création d’Annie Gagnon, qui reste malheureusement dans l’observation, est toutefois ludique et intéressante. Il vaut d,autant plus la peine de la voir interpréter une Anna touchante et magnifique aux côtés de Jean-François Duke.

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